Basile Segalen : “Timescope propose des expériences à portée de chaque visiteur.”
Timescope a vu le jour en 2015, après avoir été incubé au sein de la 104 Factory. Ce projet novateur permet de voyager dans le temps grâce à des bornes de réalité virtuelle et de revisiter, avec un œil neuf, notre patrimoine architectural et culturel. Rencontre avec Basile Segalen, l’un des deux fondateurs de ce projet grandissant.
Quel a été votre parcours ?
J’ai d’abord fait des études littéraires, une prépa hypokhâgne et une khâgne qui m’ont amené à passer ensuite une licence d’histoire. J’ai alors intégré Sciences Po Lille en Master de Communication. Cela m’a conduit à travailler pendant un peu plus de cinq ans pour un grand groupe bancaire. Par la suite, je suis revenu à mes premières amours en créant Timescope avec Adrien Sadaka.
En quoi consiste l’activité de Timescope ?
L’entreprise comporte deux activités principales : la réalisation de films (reconstitutions historiques ou voyages dans le temps qui permettent de revivre le moment fort d’un lieu ou de se projeter dans le futur) ; la diffusion de ces films, grâce à la création de dispositifs en libre-service, des bornes de réalité virtuelle installées dans des musées, des châteaux, la rue.
Quelle a été la genèse de votre start-up ?
Adrien Sadaka et moi-même avons eu l’occasion de voyager ensemble, notamment à Pompéi. À l’époque, notre expérience d’une visite touristique aussi géniale que celle-ci avait été gâchée par les nombreux touristes, avec leurs barres à selfie et leurs habits du XXIe siècle. Nous aurions préféré imaginer comment était réellement ce lieu au moment de sa splendeur.
Parallèlement, les premiers casques de réalité virtuelle sortaient sur le marché. Cette technologie permettait justement de réaliser ce fameux rêve universel de voyage dans le temps et de vraiment révéler le lieu tel qu’il était à l’origine, sans être pollué, ni par la foule, ni par l’évolution du temps.
Donc, suite à ce vécu, notre objectif fut de répondre à cette frustration. Le visiteur du lieu devait repartir en ayant à la fois l’expérience contemporaine d’un lieu physique, mais également une expérience en réalité virtuelle qui lui permette d’en comprendre l’histoire, tout en vivant un souvenir très fort et donc mémorable.
Lancer ce projet a-t-il été simple ?
Nous ne sommes pas ingénieurs. C’était donc un challenge de réaliser des dispositifs hyper-innovants, qui doivent fonctionner de jour comme de nuit, 24h/24, résister à la pluie et au vandalisme. Mais aujourd’hui, tout est possible !
Comment avez-vous créé votre première borne ?
Nous avons d’abord testé un dispositif avec nos propres moyens et nos compétences limitées. Notre toute première borne, sur la place de la Bastille, comportait un manche à balai planté dans un pied de parasol avec un casque de réalité virtuelle, sommairement accroché au sommet. Nous avions réalisé un prototype de contenu avec un graphiste 3D. Ce fut un succès immédiat. Au fur et à mesure, nous avons donc recruté l’équipe, dont des ingénieurs, pour pouvoir alimenter notre borne en contenus et réaliser les maintenances. C’est à la suite de ces premières étapes que nous avons rejoint le CENTQUATRE-PARIS.
Comment s’est déroulé le montage de votre structure ?
Après nous être concentrés sur la technique et le prototypage de notre borne, nous voulions intégrer un incubateur spécialisé dans les industries créatives et culturelles. Nous avons été acceptés au sein de la 104 Factory où existe un programme d’encadrement de start-up (dédiées à l’image et l’audio) et d’aide à la recherche de financements. Le CENTQUATRE-PARIS est devenu l’un de nos clients et nous a permis de développer des partenariats, car nous avons été impliqués dans ses propres missions, comme l’animation culturelle du Grand Paris Express.
À présent, vous n’êtes plus une start-up, mais vous êtes toujours au CENTQUATRE-PARIS. Est-ce un choix ?
Effectivement, à presque cinq ans d’existence, nous ne nous considérons plus comme une start-up. Cependant, nos bureaux sont toujours là, parce que nous nous entendons très bien avec l’équipe. De son côté, le CENTQUATRE-PARIS souhaite valoriser les entreprises passées par l’incubateur. Nous sommes ravis, car c’est un lieu très créatif avec une atmosphère incroyable.
Comment travaillez-vous au quotidien ?
Concrètement, Timescope accompagne les acteurs des collectivités à tous les échelons, du village jusqu’à la région, en passant par toutes les strates possibles pour mettre en valeur leur patrimoine. À travers un voyage dans le temps, une reconstitution historique, nous venons raconter l’histoire d’un lieu et révéler ses secrets.
Par exemple, nous avons réalisé un parcours de visite pour le territoire de Lens-Liévin qui possède un héritage de fosses minières, inactives aujourd’hui alors qu’elles ont façonné le paysage. Nous avons eu pour mission de révéler ce passé minier au travers d’un parcours de bornes disséminées sur tout le territoire. Autre exemple : dans le cadre du Grand Paris, le CENTQUATRE-PARIS a fait appel à Timescope pour animer les espaces des futures gares en cours de construction, permettant ainsi aux habitants de se projeter, cette fois-ci, dans le futur en découvrant leur futur environnement.
Comment concevez-vous le contenu ?
Pour une reconstitution, nous passons par une étape de préproduction, qui s’appuie sur des sources historiques. Archives, documents iconographiques, plans, cadastres, gravures d’époque servent à réaliser les modélisations les plus fidèles possibles pour le film en 3D. En partant de la source, nous réalisons des reconstitutions très réalistes et crédibles, certifiées par des historiens spécialisés. Quand nous envisageons le futur, la démarche est un peu identique mais, dans ce cas-là, nous utilisons les plans (des urbanistes, des architectes), des modélisations.
Faites-vous toujours appel aux mêmes historiens ?
Non, car notre spécificité réside dans la création de scénarios sur mesure. Ainsi, pour notre premier film, Héloïse Bocher a été la première historienne (géniale et brillante !) que nous ayons contactée. Je me souviendrai toujours de la première fois où je lui ai mis le casque de réalité virtuelle. Elle qui travaillait depuis si longtemps sur l’histoire de la Bastille, elle a soudainement été transportée un certain 14 juillet 1789. Ce fut un moment intense.
Prenons le cas un peu différent de la ville du Havre, bombardée en 1944 et rasée à 80 %. Sur ce type de thématique, les historiens sont souvent rattachés aux archives municipales. Concernant Arras, c’est l’archéologue Alain Jacques qui nous a accompagnés.
Parlez-nous de votre dernière création, le Timescope Mini…
Ce nouveau dispositif permet de mettre la réalité virtuelle à portée de main du visiteur, dans des espaces plutôt intérieurs (musées, boutiques, offices de tourisme…). Un branchement suffit.
On était connus pour les bornes extérieures, et notamment pour les collectivités, mais ce dispositif nous ouvre d’autres portes car, plus léger, il s’adapte à n’importe quel espace d’exposition, à n’importe quelle œuvre. Cette expérience très simple est à la portée de chaque visiteur.
Propos recueillis par Mona Dortindeguey, avec la collaboration de Camille Mancy et Tess De Sousa.
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