Barceló avant Barceló – Les Abattoirs, Toulouse
Une reconnaissance éclair
Dès son plus jeune âge, Barceló parvient à marquer les esprits par un art totalement libéré des contraintes culturelles environnantes. Il faut dire que la période où il commence à se faire connaître et qui fait l’objet de l’exposition ici présentée, est propice à l’éclosion d’un nouvel univers pictural. Effectivement, de la fin des années 60 au début des années 80 tout le monde culturel de Majorque connaît un renouvellement important, en complète opposition à l’ancien système de valeurs des arts-plastiques. L’île vit de plus à l’époque un changement considérable au niveau économique, suite à l’émergence d’un nouveau tourisme de masse. Apparaît alors toute une jeunesse artistique bien disposée à faire éclater l’ancien système franquiste, fondé sur l’idée d’un microcosme artistique autosuffisant.
Cette nouvelle jeunesse, c’est la nova plàstica et la soif de réaliser un art sans frontière, un art libéré de tout contingence, fait très rapidement de Barceló, pourtant un des derniers et le plus jeune à l’avoir rejoint, une figure de proue du mouvement. Ascension qui se concrétise en 1982 avec la participation à la grande exposition Documenta 7 qui fait de lui un artiste international.
Le peintre de la matérialité
En 1974, lors d’un voyage scolaire à Paris, Barceló visite une importante exposition ayant lieu au Grand Palais du 1er février au 15 avril : Jean Paulhan à travers ses peintures. Celle-ci a alors un impact considérable sur sa vision de l’art et il y découvre des artistes tels que Klee, Michaux, Wols, Fautrier ou Dubuffet. Il est intéressant de s’arrêter un court instant sur ces deux derniers artistes car lorsque l’on déambule aujourd’hui à travers les salles du Musée des Abattoirs, que l’on est confronté à ces oeuvres pour la plupart issues de la collection personnelle de Barceló, mais également d’institutions publiques et privées espagnoles et françaises ou encore de collections particulières, on pense immédiatement aux travaux des deux artistes les plus importants de l’Art Brut et l’Art Informel. En effet, si un seul mot devait résumer l’art de Barceló durant ces années de jeunesse, cela serait « matière ». Si la matière désigne l’aspect d’une surface, elle est ici bien souvent torturée, travaillée tant est si bien que la toile se transforme parfois en un relief. Tel est par exemple le cas des ces tableaux à la texture argileuse, les Sans-titre de 1979, qui rappellent la terre sèche et craquelée que l’on retrouve sous les soleils ardents et dans des toiles, témoins d’un emploi expressif de la matière, de Jean Dubuffet ou Jean Fautrier.
Un artiste pluridisciplinaire
Il est toujours intéressant de constater comme certains artistes ont ce besoin presque viscéral de se confronter à tous les médiums artistiques afin de parfaire leur univers. C’est le cas de Miodrag Djuric, dit Dado, cet artiste Monténégrin né en 1933 et dont les Abattoirs conservent de nombreux travaux suite aux différents dépôts du Centre Georges Pompidou et aux donations de Daniel Cordier. Dado, depuis ses débuts, n’a de cesse d’interroger son univers apocalyptique à travers des médiums aussi variés les uns que les autres : dessin, peinture, sculpture, gravure, collage, etc. Il en va de même pour Miquel Barceló qui dès ses premiers travaux artistiques, s’attache à travailler sur différents supports et surtout, sur différentes thématiques. Les exégètes et l’artiste lui-même sont aujourd’hui d’accord sur le fait que six thématiques peuvent se dégager de cette première période. Six thématiques pouvant être vues selon Jaume Reus, Chef du département éducatif de la Fondation Pilar et Juan Miró, comme « les principaux axes vertébraux de sa trajectoire future ». Six thématiques d’accord, mais lesquelles ? Il semblerait que ces divers « axes vertébraux », seraient ainsi ordonnés : le Bestiaire, le Vanitas, la Poésie expérimentale, les Livres, les Portraits et Autoportraits et enfin, les Éléments du paysage.
Divers axes qui ont permis aux organisateurs de l’exposition (la Fondation Pilar et Juan Miró de Majorque) de présenter les premiers travaux de l’artiste en les regroupant par thématiques avec six salles différentes pour six thématiques différentes. Il s’agit là d’un choix judicieux de mise en scène puisque le spectateur n’a pas à suivre un parcours préétabli et se trouve dans chaque pièce, confronté à un univers à la fois proche (l’artiste garde malgré les thématiques une personnalité forte et assez reconnaissable pour chaque oeuvre) et éloigné (la diversité des supports participe à cette impression).
À l’heure où le Musée national d’art moderne de la ville de Paris nous propose la vision des dernières oeuvres d’artistes (exposition Deadline jusqu’au 10 janvier 2010), le musée des Abattoirs, à Toulouse, nous offre quant à lui très intelligement, les prémices de l’oeuvre d’un artiste. Les premiers travaux qui donnèrent un nom à l’Espagnol Miquel Barceló et qui firent de lui l’artiste contemporain de renommée internationale qu’il est aujourd’hui. On ajoutera cependant à cette critique, que l’aspect pédagogique de l’exposition aurait pu être amélioré par la mise en place de cartels ou de panneaux expliquant davantage l’univers de l’artiste. Pour cela, il vous faudra acquérir le très intérressant catalogue de l’exposition qui reprend un travail de jeunesse de Barceló : le botin. En effet, s’il a tous les aspects d’un annuaire téléphonique, ce catalogue méritera une place de choix dans votre bibliothèque, ne serait-ce que par son originalité.
Jonathan Hoenig
Barceló avant Barceló, 1973-1982
Du 20 novembre 2009 au 28 février 2010.
De 10h à 18h les mercredis, jeudis et vendredis et de 11h à 19h les samedis et dimanches.
Tarif plein : 7 euros.
Tarif réduit : 3 euros.
Les Abattoirs
76 Allées Charles-de-Fitte
31300 Toulouse
Téléphone : 05 62 48 58 00
Métro : Ligne A – Station ” Saint-Cyprien République “
Bus : n°1 – Arrêt ” Les Abattoirs “
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