Barbara Bessac : “Tout ce qui relie l’intime à la matérialité me passionne”
Barbara Bessac, ou Babessac sur Instagram, crée des chambres imaginaires, aussi méticuleusement travaillées que personnelles, pour mieux montrer le rapport entre intime et matérialité. La finesse de ses illustrations, réalisées à l’aquarelle, ne peut que réconforter en ces temps confinés.
Peux-tu te présenter en quelques mots et nous parler de ce que tu fais ?
Je m’appelle Barbara Bessac, j’ai 27 ans et je suis doctorante en histoire de l’art et illustratrice. Je vis à Bristol, en Angleterre.
Je t’ai découverte sur Instagram. Quels sont les différents moyens que tu utilises pour faire connaître ton travail ?
Le site internet que j’ai créé et que j’agrémente depuis deux ans est mon portfolio le plus complet, mais c’est vrai que c’est surtout Instagram qui m’a permis de diffuser mon travail. Cela fait quelques années que je m’applique à poster régulièrement. Ça m’a aussi permis de découvrir d’autres artistes, d’apprendre sur le métier et d’échanger sur ce que je fais ! Ces derniers temps, en travaillant sur des commandes d’illustrations pour la musique et le cinéma, j’ai eu de nouvelles opportunités pour partager mes dessins et j’adore ce travail de collaboration.
Quelles sont tes sources d’inspiration principales ?
J’ai peint l’une de mes premières chambres en 2016, à Arles, alors que je travaillais en tant que médiatrice aux Rencontres photographiques. J’étais logée dans une petite maison arlésienne avec une collègue, et ma chambre me plaisait beaucoup. Elle était atypique dans les meubles et la décoration, vieillotte et exotique à la fois. C’était peut-être d’avoir une chambre à Arles, comme Van Gogh, qui avait fait de cet endroit quelque chose de pittoresque. J’en avais fait un petit dessin dans mon carnet. De retour à Paris, les mois qui ont suivi, j’ai peint une vingtaine de chambres – je trouvais mes modèles via des connaissances ou par Tinder. J’adorais retranscrire en dessin l’univers intime d’inconnu·e·s, je trouvais que ça les représentait beaucoup mieux qu’un portrait de leur visage. Je dirais que ça s’inspirait alors d’un mélange de Sophie Calle et de Room Raiders (une émission MTV des années 2000 qui a bercé mes années collège). Depuis, je peins des chambres qui n’existent pas. Il y a plein d’autres œuvres et artistes qui m’inspirent : Voyage autour de ma chambre, le livre de Xavier de Maistre (1794) ou le film d’Olivier Smolders (2008), l’installation My Bed de Tracey Emin (1998), Ikea… Entre temps, j’ai découvert que cette passion pour les chambres ne datait pas de 2016 et de ma chambre arlésienne. J’ai retrouvé dans mes vieux cartons d’enfance des dessins de chambres que j’avais faits il y a bien longtemps. J’ai toujours adoré les objets, comme s’ils étaient vivants et qu’on pouvait se comprendre.
Pourrais-tu décrire la manière dont tu procèdes lorsque tu te lances dans la réalisation d’une illustration ? Quelles sont les différentes étapes de réalisation ?
Quand une idée de chambre me vient, je note des bribes d’idées dans un petit carnet que je garde toujours avec moi. Les couleurs, des objets, des atmosphères… Je gribouille ensuite grossièrement l’espace, et je meuble la pièce imaginaire avec tout ce que j’ai préalablement noté (c’est un jeu d’équilibriste car tout doit rentrer !). Une fois la chambre esquissée, je commence l’illustration finale : d’abord au crayon, puis un encrage basique pour m’y retrouver. Je peins ensuite à l’aquarelle, à la gouache, je rehausse avec du crayon de couleur, puis la chambre prend sa forme finale à travers un encrage minutieux qui cerne bien toutes les formes et complète les petits détails. Une chambre me prend entre 4 à 10 heures de travail pour les plus détaillées, mais c’est le temps nécessaire que j’aime y passer pour m’y sentir chez moi.
Peux-tu nous en dire plus sur tes sujets de prédilection en matière artistique ?
Tout ce qui relie l’intime à la matérialité me passionne. Dans mes recherches universitaires, j’étudie les liens entre intérieurs privés et décors de théâtre pour comprendre comment le choix et la disposition d’objets racontent à eux seuls une histoire. Dans mes illustrations, c’est le même principe. Comme une décoratrice de pièces de théâtre imaginaires, j’invente un décor qui, à travers des meubles, des bibelots, des vêtements, raconte une histoire. J’ai aussi commencé en 2020 une série participative de (plus ou moins) nus dans leurs intérieurs, et une autre sur la relation unique entre une personne et son objet préféré, à travers des portraits à la gouache.
Quels sont tes projets pour l’année 2021 ?
En février 2021, je devais exposer pour la première fois un ensemble de près de cinquante chambres à la galerie du POPUP! à Paris. Malheureusement, à cause de la pandémie, l’exposition a été reportée sine die… Je continue donc cette année à peindre et à écrire toute seule dans ma chambre, en espérant pouvoir montrer le résultat de mes projets très bientôt !
Je te laisse le mot de la fin, si tu souhaites ajouter quelque chose de plus.
En ces temps confinés, le rapport des gens avec leurs intérieurs a pris un nouveau tournant et a donné à mes illustrations un sens nouveau. J’ai toujours perçu les chambres personnalisées comme des espaces d’évasion et de refuge, mais je m’aperçois aujourd’hui qu’elles peuvent aussi être une sorte de prison. Malgré tout l’amour que j’ai pour les intérieurs, j’espère que nous allons très vite pouvoir tous et toutes en sortir !
Plus d’informations sur le site internet et le compte Instagram de Barbara Bessac.
Propos recueillis par Esther Bara
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