Asile : “Tout ce que je n’ai pas autour de moi est dans mes dessins”
Elisa Denève, directrice artistique, graphiste et illustratrice connue sous le nom d’Asile, nous dévoile son univers ludique, poétique et onirique.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Elisa Denève, mon nom d’artiste est Asile. Je suis directrice artistique, graphiste et illustratrice freelance à Paris. J’ai grandi à Lille, où j’ai ensuite intégré l’École Duperré en Art & Design puis l’École Estienne à Paris en Graphisme.
Comment définirais-tu ton style en tant qu’illustratrice ?
Je définirais mon style comme léger, ludique et décomplexé. Je dessine des petits bonhommes qui s’en fichent de l’image qu’ils renvoient. Ils font leur vie tranquillement, dans un univers un peu onirique, avec des couleurs pastel. J’adore aussi dessiner la végétation, regarder des plantes, des fleurs et voir la diversité des formes. C’est vraiment quelque chose dont je ne me lasse pas. Changer d’environnement ou me retrouver dans la nature me stimule, ça me donne envie de dessiner. Il s’agit pour moi de retranscrire en dessin le quotidien, l’univers qui m’entoure, dans lequel je me sens bien.
Quelles sont tes inspirations ?
Alfred est un dessinateur que j’adore. J’aime sa manière de représenter la nature, les personnages et les techniques qu’il utilise, de l’aquarelle à l’encre. Je dirais Pénélope Bagieu, pour son humour. J’ai lu tous les Culottées et j’adore ! Lorenzo Mattotti, pour son univers. Je suis très admirative de sa gestion des couleurs. Ce qui m’inspire aussi, ce sont les environnements, quand je sors de ma routine, les estampes japonaises et les sumos. Mon père m’avait offert un livre sur les sumos, Sumographie de David Prudhomme et Sonia Déchamps, je le regarde tous les jours. Si je pouvais faire un voyage, ce serait au Japon car j’adore les dessins japonais. J’aime explorer et découvrir de nouveaux artistes tous les jours. C’est comme ça que je me sens stimulée, et en écoutant des podcasts également.
Qu’est-ce qui, selon toi, fait évoluer ton dessin ?
Pour moi, c’est le modèle vivant qui fait évoluer mon dessin. Quand je reproduis mes personnages, ils ne sont pas toujours pareils. J’exagère certaines formes et détails, c’est ce qui va faire évoluer mon dessin. Je n’aime pas dessiner les choses de manière hyperréaliste. Ce que je trouve bien avec le modèle vivant, ce sont les physiques particuliers avec lesquels je peux exagérer les traits. Le nu est l’entretien de mon dessin. Je regarde aussi des photos de plantes, les formes possibles, plus ou moins exagérées. Je fais un gros travail de recherche au niveau de la représentation.
Si tu devais choisir l’un de tes dessins, lequel serait-ce ?
Les mouettes rieuses. Ce dessin représente des filles qui dansent dans la piscine. Il est né de deux films que j’ai vus : Le Grand Bain de Guillaume Canet, puis un second film, avec un autre angle, Les Crevettes pailletées de Cédric Le Gallo et Maxime Govare. J’ai trouvé le thème de la natation synchronisée marrant et je me suis lancée.
Quel message souhaites-tu faire passer à travers tes dessins?
Se montrer nu avec ses formes est pour moi une manière de s’assumer. Je trouve que ça donne du caractère à mes personnages et graphiquement, je trouve ça plaisant. Tout ce que je n’ai pas autour de moi est dans mes dessins. Mon univers n’est pas fait que de femmes, je dessine aussi des hommes. Ce que j’aime bien, c’est que lorsqu’on regarde mon travail, on ne va pas tout de suite s’apercevoir qu’il y a aussi des hommes. Les personnes se sentent gênées et se disent : “Attends, c’est un homme avec un corps de femme ?”. Et alors ? Les questions autour du genre, de l’identité sexuelle, me fascinent. Je n’ai pas envie qu’on se dise : “Ah tiens, c’est une femme avec des formes”. Non, c’est plus compliqué que cela et questionner ce sujet m’intéresse. Il s’agit pour moi de surprendre la personne qui regarde et d’enlever la facilité qu’on a de se dire : “C’est un homme”, “C’est une femme”.
Sans modèle vivant, comment as-tu vécu la période de confinement ?
Au début, j’avais le sentiment de devoir produire mais petit à petit, j’ai choisi de me mettre en pause. J’ai pu prendre le temps de réfléchir à ce que je voulais faire, quelle direction je voulais prendre, comment je pouvais communiquer plus sur mon travail, quels thèmes je pouvais aborder. Je n’avais plus à me mettre de pression avec les contraintes de notre quotidien. Je n’avais plus de modèle vivant alors il fallait que je fasse sans, je me suis surtout nourrie d’autres personnes. J’aimais écouter des podcasts comme Sens Créatif et Exquises Esquisses. Je suis une grande fan de podcasts et c’est ce que j’écoute tout le temps quand je travaille, c’est comme si quelqu’un me parlait en même temps. Je n’ai pas plus dessiné que d’habitude.
Peux-tu nous parler de tes projets ?
J’ai fait un partenariat avec Avec Talent Magazine, puis on m’a proposé d’illustrer un texte pour Les Histoires courtes. J’ai choisi l’histoire avec les trottinettes dans Paris. Je me suis fait la réflexion plusieurs fois qu’il y en avait plein et que c’était très bizarre. J’ai voulu réinterpréter cela de manière plus légère et rigolote car tout le monde est en train de critiquer ce phénomène à Paris. J’aime aussi faire des salons et rencontrer des gens. Je vais participer à L’Art est aux Nefs à Nantes. Graphiste et directrice artiste, j’aime mélanger mon travail de création avec des commandes. Je développe également un e-shop. Mon rêve est de partir de Paris, de faire de la céramique pour appliquer mes illustrations en 3D.
Quel conseil donnerais-tu à ceux qui voudraient se mettre au dessin ?
Pas mal de gens ont peur de dessiner et d’être jugés quand ils dessinent. Je trouve ça dommage. Parfois, des personnes dessinent des choses qui ne rentrent pas dans les normes esthétiques et c’est ce que je trouve très intéressant. Le dessin s’apprend, comme la musique. Pour moi, ce qui est important selon les gens, c’est d’apprendre les bases des proportions, les techniques, cela permet d’avoir plus de liberté ensuite. Même si une illustration paraît bien finie, il y a toujours beaucoup de travail derrière.
Plus d’informations sur asile.studio et Instagram.
Propos recueillis par Anastasia Le Goff
Articles liés
“Riding on a cloud” un récit émouvant à La Commune
A dix-sept ans, Yasser, le frère de Rabih Mroué, subit une blessure qui le contraint à réapprendre à parler. C’est lui qui nous fait face sur scène. Ce questionnement de la représentation et des limites entre fiction et documentaire...
“Des maquereaux pour la sirène” au théâtre La Croisée des Chemins
Victor l’a quittée. Ils vivaient une histoire d’amour fusionnelle depuis deux ans. Ce n’était pas toujours très beau, c’était parfois violent, mais elle était sûre d’une chose, il ne la quitterait jamais. Elle transformait chaque nouvelle marque qu’il infligeait...
La Croisée des Chemins dévoile le spectacle musical “Et les femmes poètes ?”
Raconter la vie d’une femme dans sa poésie propre, de l’enfance à l’âge adulte. En découvrir la trame, en dérouler le fil. Les mains féminines ont beaucoup tissé, brodé, cousu mais elles ont aussi écrit ! Alors, place à leurs...