Emmanuel Provost – New Square Gallery – interview
Comment est née la galerie ?
Je l’ai fondée en 2010 avec mon associé François Hacker, qui était gestionnaire de patrimoine. De mon côté j’étais collectionneur d’art depuis vingt ans, j’ai donc pris en charge la programmation de la galerie. Au fond tout galeriste a une âme de collectionneur, j’ai simplement commencé par là ! Et la galerie me ressemble. Je n’ai pas de limites concernant les supports, les mediums… J’ai voulu faire en faire une galerie importante dans le domaine de l’art contemporain et de l’art issu du street art, auquel je m’intéresse depuis quinze à vingt ans, et que j’essaye de faire entrer dans les galeries et les collections.
Pourquoi cet accent mis sur le street art ?
Pendant de nombreuses années, les artistes issus de ce mouvement n’avaient aucun endroit pour exposer. C’était dans la rue, sauvage. Or on voyait bien, depuis longtemps, que certains avaient énormément de talent graphique, un message à faire passer, etc. Il fallait leur offrir des lieux. Et ces artistes se rendent compte qu’en intégrant les galeries ou les musées, leur style change, et leur vrai talent se révèle sous d’autres formes, plus contemporaines, moins urbaines. Comme JonOne, que j’ai exposé et qui depuis dix ans a connu un changement radical dans sa façon d’aborder son travail. J’ai depuis toujours une passion pour les virages artistiques. Or ce mouvement est en train de muter, avec l’entrée dans des institutions.
Quel regard portez-vous sur l’engouement actuel du marché pour ce mouvement ?
En art, il faut faire très attention à ce qui relève de la mode. Et je suis très méfiant vis-à-vis de ce qu’on voit tous les jours naître etdisparaître. J’ai justement plus d’intérêt pour le changement et la mutation de certains artistes que pour d’autres qui n’ont pas cette évolution, ou les galeries qui montrent du street art tel qu’on le voit sur tousles murs. Il existe aujourd’hui des centaines et des centaines d’artistes qui peignent dans la rue, et une sélection est nécessaire.
Pour votre prochaine exposition, « A4 », vous réunissez quatre artistes issus de la scène urbaine, mais aux univers très divers…
J’ai demandé à Rero de faire un group show, et c’est lui a choisi les trois autres : Ludo, Ox et Speedy Graphito.
Speedy, c’est un peu le père spirituel des trois autres. On l’a affublé depuis trente ans de l’étiquette de street artist, mais c’est avant tout un peintre et un génial dessinateur ! Ox, qui est de la même génération et a été membre des frères Ripoulin, est un intervenant urbain, un affichiste, dont Rerotenait à faire redécouvrir le travail.C’est un peu un scientifique de la peinture, qui travaille au millimètre près avec un compas, un double décimètre, une calculatrice…Ludo,avec ses collages et ses créatures hybrides, je le vois un peu commeunovni, obsédé par idée que la nature et l’être humains doivent rester chacun à leur place. Le fil conducteur, c’est qu’ils ont travaillé sur des formats identiques, dont des sculptures sous une cloche en verre, ou un cercle de quatre-vingt centimètres…Ils ont aussi travaillé chacun les mêmes thèmes, comme le livre, la collection, et même en objet en bois en forme de « patate improbable » ! Chacun d’euxa aussi réalisé une lithographie. Je suis très heureux du résultat…
Pour autant, vous n’avez pas voulu une galerie uniquement consacrée au street art…
Non, parce que beaucoup des artistes avec qui je travaille n’ont rien à voir avec cet univers ! Je veux aussi montrer d’autres formes d’art, un peu plus conceptuelles, minimalistes, de la vidéo…. En mai, je vais par exemple exposer un jeune artiste très singulier, Maxime Chanson, qu’on a vu récemment au Palais de Tokyo, et qui aime inventorier et classifier les artistes pour parler de sa propre conception de la création. C’est un artiste pour lequel il est utile de donner des clefs. Nous organiserons un vernissage conférence : j’ai envie d’éveiller la curiosité des gens, sans les désorienter complètement…
Propos recueillis par Sophie Pujas
Exposition A4
Exposition du 29 mars au 11 mai 2013
Du mardi au samedi de 10h à midi et de 14h à 19h
Le premier dimanche de chaque mois et sur rdv
Vernissage le 28 mars à 19h
New Square Gallery
40, rue Voltaire
59000 Lille
www.newsquaregallery.com
[Visuels : Portrait d’Emmanuel Provost // RERO, Your entire life is online, lettres en relief et technique mixte sur toile, 100×100 cm, 2013 // LUDO, Bee with Protection Mask, résine et peinture aérosol, 80×30 cm, 2013 // SPEEDY GRAPHITO, Target, acrylique et cartes de crédits sur bois, 80 cm de diamètre, 2013 // OX, contact entre une chips et une patatoïde carrée, 100×80 cm, 201. Courtesy New Square Gallery]
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