Art Nouveau Revival – Musée d’Orsay
Histoire d’art et de goût
Cette exposition s’intéresse non pas directement à un mouvement artistique florissant – mais décrié – qu’est l’Art Nouveau à son apogée, mais bien à sa renaissance à l’ère des sixties. Fort heureusement pour faire ce pont entre Art Nouveau et Art Nouveau Revival, il est possible d’apprécier l’hommage des Surréalistes dans les photographies de Man Ray ou encore de Brassaï, le discours de Salvador Dali, des prises de vues de l’architecture de Gaudi et la reconstitution de la station Montparnasse-Bienvenüe aux formes biomorphiques d’Hector Guimard. Les lignes souples et fluides, les décors organiques et les motifs floraux et naïfs sont en grande partie sublimés par le design et le mobilier entre 1900 et 1970, sous des formes originales et audacieuses. Ici, les courbes organiques d’un paravent de Gaudi côtoient les courbes d’une autre nature, celles d’une femme dans une position suggestive et à l’allure effrontée dont le dos supporte une plaque en verre, il s’agit d’une table sculpture somme toute provocatrice d’Allen Jones créée en 1968. Les matières se confrontent, les formes sont glissantes, sensuelles, les décennies traversent les objets et les meubles, dont l’esthétisme gracieux est relevé par l’excentricité est le fil rouge.
Ce genre inclassable est, dans le cadre de cette manifestation, scindé en étapes chronologiques. 1900, la maturité de l’Art Nouveau, 1933 c’est sa réévaluation par les Surréalistes. 1966, apparition des affiches psychédéliques et des nouveaux matériaux (robes en papier, meubles en mousse de polyuréthane, etc.). Enfin en 1974, Yves Saint Laurent fait ses premières commandes de miroirs à Claude Lalanne: l’heure de la reconnaissance ?
Quelle que soit l’époque dans laquelle peut s’inscrire l’art nouveau, de l’architecture au mobilier, de l’illustration à la mode, l’abondante création qu’elle englobe dénote une folie douce-amère et impose avec grâce et intensité visuelle, une atmosphère onirique et bucolique. L’exposition du musée d’Orsay parvient parfaitement à faire osciller le visiteur entre les époques dans une même frénésie. L’Art Nouveau (Revival) exulte, exalte.
Épanouissement et contre-culture
L’Art Nouveau dès son origine répond à la problématique d’un certain confort de l’homme « moderne » via une liberté de mouvement rendue par des formes généreuses et la luminosité des couleurs, harmonieuses et raffinées. L’Art Nouveau célèbre la nature et la femme dans une libération des codes définie par les sens plutôt que par la raison. C’est pourquoi les années 60 permettent ce « come back » autour du psychédélisme qui illustre une période hippie, affranchie de toutes les valeurs en place, en rupture avec les autres cultures et en osmose avec la nature. Le LSD et les conceptions bohèmes de cette décennie ont su promettre à l’art une forme impétueuse et une indépendance dans laquelle le reflet de l’Art Nouveau est pertinent.
Les affiches de cinéma, de concert, les revues de mode, de société témoignent alors d’un graphisme inventif dans les sillons des codes organiques et floraux de 1900. La mode, la décoration et la musique même, connaissent les influences de ce « revival ». Ce tournant est soigneusement rendu dans la salle dédiée au psychédélisme de l’exposition, grâce à l’ambiance sonore et aux extraits du Velvet Underground, et autres Doors. L’Art Nouveau est populaire, en vogue, inscrit dans son temps sans presque le savoir. Comme si d’influence en influence, ce courant se mettait à exister malgré lui dans un contexte qui lui sied à merveille. C’est une revanche sur le mauvais accueil qui lui a été réservé au début du XXème siècle, c’est aussi le signe d’une reconnaissance avérée au fil des années. Mais de l’Art Nouveau, la contestation n’est jamais loin, les artistes plasticiens des années 1960-1970 élaborent un cadre de vie alternatif et réussissent à rompre avec la tradition.
Avec l’arrivée des années 1970, Claude et François-Xavier Lalanne saisissent une fois de plus la nature pour l’adapter au décor moderne, ils marquent une nouvelle période, celle du naturalisme, un courant perçu comme une réminiscence du baroque.
Ce sont plusieurs pages de l’histoire de l’art et du goût que l’on tourne ici avec cette revue d’œuvres irradiantes qui légitiment la prospérité de ce courant incessamment réinventé avec énergie créatrice et graphique. « Art Nouveau Revival » est un périple ésotérique dans un espace-temps fugace, une invitation à tournoyer dans des décors audacieux et sémillants.
Hélène Martinez
Art Nouveau Revival – Du design organique à l’affiche psychédélique
Du 20 octobre 2009 au 4 février 2010
Tous les jours, sauf le lundi, de 9h30 à 18h, le jeudi jusqu’à 21h45
Tarifs : 9,50 € ; tarif réduit : 7 €
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur
75007 Paris
M° Solferino
[Visuel : Musée d’Orsay et quai Anatole-France – Paris VII. Mai 2011. Auteur : Mbzt. Licence Creative Commons Paternité 3.0 Unported]
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