Antoine D’Agata – Anticorps – Le BAL
Ses photographies nous saisissent et nous figent en un instant. Elles réveillent nos consciences « bien-pensantes » encombrées de préjugés et tabous. Tout est ici question de frontières. Celles-ci, une fois franchies, deviennent le lieu du scandale. La morale est désacralisée. Psychotropes, prostitution, incarcération, la part cachée de notre société fait ici irruption. D’Agata ne juge pas. Il est témoin et acteur de ce monde qui a commencé et s’achèvera avec lui. L’illusion n’est pas permise. Des clichés pris sur le vif. Une violence exacerbée, transgressée presque essentielle. L’artiste n’accepte aucun compromis, s’engage totalement, sans artifices ni réserves. Une vérité crue, nue, absolument bouleversante et terrifiante, l’évidence même de l’effroi. L’urgence indéniable d’une nécessité, la vie au cœur des images.
Des corps transfigurés, des visages dilatés qui nous rappellent le geste pictural de Francis Bacon où tout dans son mouvement est voué à disparaître. L’amour se vit seul ou à plusieurs sans différenciation de genre, inconditionnellement. L’amour comme petite mort, l’extase brutale d’un moment qui nous transcende, nous libère, nous exténue. Une bestialité humaine à laquelle répondent des animaux aux regards apeurés, des lieux ravagés et désertés. La monstruosité trivial d’un lendemain sans devenir, le présent comme unique attachement à l’absurde. L’héroïne pour recouvrer des sensations inhibées, désavouées et atteindre enfin le paroxysme de sa propre réalité. La perpétuelle transformation où se mêlent substances chimique, cérébrale et physique. Des êtres comparables aux créatures des peintures noires de Francisco de Goya, l’éclat fascinant et énigmatique du clair-obscur à la la manière du Caravage. La photographie de d’Agata est dense, incisive et acérée.
Les images, reproduites pour la plupart en multiple sous forme d’affiches papier, tapissent toute la surface des murs d’exposition. Quelques œuvres se détachent discrètement de cet habillage scénographique presque excessif. Finalement, ce dernier facilite l’entrée dans l’univers du photographe en toute pudeur et avec douceur. L’oeil fuit, se pose et commence à voir sans jamais être intrusif ni voyeur. L’artiste ne l’est pas lui-même, son travail reflète une sensibilité écorchée qui ne sait s’exprimer autrement. Le corps comme territoire expérimental, le paysage devenant la poudrière de notre passage. Des portraits d’anonymes tels que nous le sommes pour ceux que nous observons, semblables et radicalement différents. D’Agata aime profondément les êtres qu’il rencontre et les sublime dans ce qu’ils ont de plus humain, faillible et mortel. Pour lui, la vie semble relever de la fugacité accidentelle d’un instant. Tout est accident. Désarmés, nous opérons un retour sur nous mêmes et prenons la distance suffisante avec ce qui nous est donné à voir. Notre rapport à l’image est dès lors remis en question. Sa consommation accrue et souvent inconsciente modifie notre comportement jusqu’à empêcher notre libre arbitre. L’art offre la possibilité et l’espace d’y recourir en prenant le temps de s’arrêter pour sentir, réfléchir et s’émouvoir. D’Agata y réussit.
Si beaucoup de photographes s’inspirent aujourd’hui de son travail, il ne connait pas d’égal. Iconoclaste et inclassable, D’Agata est un auteur à part entière. Pour créer, il est indispensable de vivre, c’est bien là ce qui rend son œuvre si touchant et authentique.
Géraldine Tachat
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A découvrir également sur Artistik Rezo :
– Antoine D’Agata, « NÓIA » à la galerie Les Filles du Calvaire (du 15 mars au 27 avril 2013)
Antoine D’Agata – Anticorps
Du 24 janvier au 14 avril 2013
Du mercredi au vendredi, de midi à 20h
Le samedi, de 11h à 20h
Le dimanche, de 11h à 19h
Nocturne le jeudi jusqu’à 22h
Plein tarif : 5 € // Tarif réduit : 4 € (étudiant- de 25 ans, +de 60 ans, enseignants, artistes – Maison des artistes, SACD – famille nombreuse, habitant du 18ème arrondissement, groupe à partir de 10 personnes, partenaires du Bal) // Gratuité : demandeur d’emploi – bénéficiaires des minima sociaux…
Le BAL
6, impasse de la Défense
75018 Paris
M° Place de Clichy
www.le-bal.fr
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