Alëxone Dizac : “En intégrant le 9ème Concept, j’ai réalisé combien être un artiste était un métier complet”
Dans le cadre des 30 ans du 9ème Concept et de l’exposition rétrospective Vision d’Ensemble qui se tient jusqu’à la fin de l’année sur Fluctuart, Artistik Rezo poursuit ses interviews des artistes qui font l’âme du collectif. Aujourd’hui c’est Alëxone Dizac, l’artiste pluridisciplinaire, réputé pour sa “Came à Yeux” et ses “oediperies” qui se livre à l’exercice et nous explique comment de graffeur dans les années 90, il est devenu peu après son entrée au sein du collectif un peintre à part entière.
Quel a été ton parcours avant de rejoindre le 9ème Concept ?
Je suis un autodidacte. J’ai découvert la peinture en faisant du graffiti vers 15/16 ans, c’était au début des années 90. J’ai été graphiste dans de grosses boites comme Publicis. J’ai beaucoup voyagé entre la France et le reste de l’Europe, notamment Bruxelles où je suis parti en 2003 et où j’ai créé mon atelier à deux pas du Parlement belge. J’avais un besoin d’émancipation. J’ai arrêté le graphisme à ce moment-là et ai démarré les expositions personnelles. La peinture a alors occupé une part prépondérante de mon travail, je me définis d’ailleurs aujourd’hui comme un peintre, pas comme un street artiste ou un graffeur.
J’ai collaboré avec des galeries en France, en Belgique, en Suisse, au Maroc, mais j’éprouve le besoin de faire des choses qui ont du sens pour moi, en autonomie. Une grosse exposition par an, cela représente huit mois de préparation ; je peins 15 à 20 toiles par exposition, des grands formats, toujours supérieurs à 1 mètre.
J’ai fait une collaboration en 2015 avec le chef étoilé Christian Sinicropi du restaurant La Palme d’Or à Cannes pour un plat autour de la langoustine. J’ai pensé à une cloche en céramique en forme de tête de pingouin sortant de l’eau.
Je fais aussi des sculptures en bronze avec des artisans dont je valorise le travail : fondeur, ciseleur, etc.
Depuis la Belgique, j’ai aussi produit des livres, aidé par mon expérience du graphisme, dont Came à Yeux en 2007 aux éditions Kitchen 93 où je parle de mon travail à Bruxelles et pas du tout du graffiti. Résider là bas, c’était comme un retour à la vie de bohème, un passage initiatique ; la scène belge est vivante bien que moins créative que celle de Paris à l’époque où je m’y suis installé. La galerie Alice à Bruxelles a fait son inauguration en 2007 avec une exposition qui m’était consacrée : “C’est peut-être un détail pour vous (…)“. Je suis revenu sur Paris en 2007 mais je continue à faire des allers-retours entre les deux capitales.
Quels événements avec le 9ème Concept t’ont le plus marqué ?
Quand j’ai rencontré le 9ème Concept, en 2001, j’étais déjà bien présent dans le milieu du graffiti et je faisais déjà des expositions. La rencontre avec le collectif s’est faite via Mambo (ndlr : l’un des artistes du 9ème Concept). J’ai participé au projet Welcome on Board en 2001 avec une quinzaine d’artistes, à l’exposition itinérante Sang9 quand elle a été présentée à la galerie Magda Danysz, puis à l’installation du Labyrinthe à Anglet en 2002. J’ai été quasiment de tous les projets du collectif jusqu’à la résidence Peinture Fraîche à Beaubourg en 2007, mais ce sont les expositions que j’ai trouvé les plus marquantes.
Comment tes collaborations avec le collectif du 9ème Concept ont-elles influencé ton travail d’artiste ?
À partir du moment où j’ai intégré le collectif, j’ai réalisé qu’être un artiste était un vrai métier. Le 9ème Concept a eu un impact sur l’évolution de mon travail : deux ans après les avoir rejoints, j’ai décidé d’arrêter le graffiti pour me consacrer à la peinture.
Quelles sont pour toi les valeurs que porte le collectif ?
Le 9ème Concept a la capacité de rassembler. Le collectif intègre des différences de styles et de personnalités. Chaque nouvel arrivant apporte sa singularité. Il n’y a pas de conformisme au sein du collectif, il permet aussi de s’affirmer individuellement.
Quels sont tes projets à venir ?
J’ai participé à l’exposition Scratch Paper sur Fluctuart au moment de l’inauguration et au Mur du square Henri-Karcher en juillet.
Je prépare une exposition muséale pour 2022 sur mon travail personnel. Elle marquera ma pluridisciplinarité en y présentant des photos, des bronzes, des toiles, mais aussi un salon de thé avec un service spécial et d’autres surprises. Je travaille à faire venir les gens au musée.
Retrouvez Alëxone Dizac sur son site et sur son compte Instagram.
Propos recueillis par Barbara Legras
Retrouvez les entretiens précédents dans le cadre des 30 ans du 9ème Concept :
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