Alain Paris : “Je suis libre dans le plâtre”
Rencontre avec Alain Paris, un sculpteur de la cité phocéenne qui décore la ville avec ses sculptures contemporaines. Il nous fait découvrir ici son travail et sa vison de l’art.
Racontez-nous votre histoire. Comment avez-vous commencé la sculpture ?
J’ai bouché quelques trous avec du plâtre. J’ai dit que j’étais plâtrier et quelqu’un m’a engagé pour faire une cage d’escalier de cinq étages. Je l’ai faite en plâtre, ce n’était pas si bien que ça comme c’était la première fois. Puis, j’ai eu un maître et il m’a appris à faire du plâtre. J’avais des facilités, peut-être que c’était inné chez moi. Un jour, je me suis moqué d’une sculpture qui était affreuse et on m’a dit : “Fais mieux”. C’est à l’âge de 22 ans qu’on m’a fait cette réflexion et aujourd’hui j’ai 50 ans, je ne me suis jamais arrêté. Ça ne s’arrête jamais la sculpture. C’est l’imaginaire, tant que les bras avancent, tant que la tête suit, la sculpture ne peut jamais s’arrêter. C’est sans fin, tant qu’il y aura du plâtre, il y aura de la sculpture.
Pourquoi avoir choisi le crapaud en particulier. Que signifie pour vous cet animal ?
C’est par rapport à la ville d’eau qu’est Marseille. On entend des crapauds partout dans cette ville. Au départ, le crapaud est urbain, il est sur les autoroutes, il est dans les abords de Marseille, il n’est par forcément dans le centre-ville. Le crapaud c’est l’ancien, le patriarche. Il n’y a rien qui le dérange.
Comment choisissez-vous les lieux d’installation de vos œuvres dans la ville de Marseille ?
Au départ, je les installais dans les endroits insalubres de Marseille, qui n’était pas entretenus. Marseille c’est une ville très particulière, on l’aime ou on la déteste. J’ai eu envie de l’aider et d’embellir des coins de la ville. Puis je crée du mystère, comme on ne me voit pas sculpter. Je fais tout sur place, je prends de l’eau et du plâtre et je sculpte sur place, en pleine nuit. Cela me prend entre trois et quatre heures comme je suis seul. On ne regarde plus ce qu’il y a autour, on regarde mon crapaud.
Vous organisez des cours de sculpture pour tous. Est-ce important pour vous de rendre la sculpture accessible ?
Bien sûr que ça me plaît de transmettre, c’est une richesse de savoir. Le but c’est de ne pas être égoïste, c’est de dire : “Voilà comment on travaille, allez-y, vous pouvez le faire”. J’ai fait des cours pour des enfants et des jeunes adultes. On utilise le plâtre pour faire de la sculpture mais ça peut aussi être très personnel. Avec mes cours, ils peuvent alors réparer leur appartement ou faire quelques travaux.
Comment préparez-vous vos sculptures ?
Je n’ai pas de règles, quand je vais sculpter c’est instantané, c’est dans ma tête. Je ne sais pas dessiner, je ne fais pas de croquis. Je pars comme ça, c’est mon imaginaire qui fait le travail. Je ne prévois jamais ce que je vais faire. C’est comme le plâtre, c’est quand il tombe que je vois ce que je vais sculpter. Si j’ai envie de faire une souris, elle va se transformer en chat, comme il n’y a pas de dessin, pas de croquis, il n’y a pas d’erreur. Des fois je fais trop de matière, je ne la jette pas, je l’utilise et ça transforme ma sculpture.
Avez-vous envie d’essayer de nouvelles choses, de nouvelles techniques ?
Bien entendu, je vais passer à autre chose. À tout moment, je peux faire l’inverse de ce que je fais. Il suffit qu’il y ait un concours, une commande, pour faire autre chose. En ce moment, je suis en train de travailler sur le rat marseillais, le rat c’est comme un chat maintenant. Quand j’étais petit, le rat s’enfuyait. Aujourd’hui, il n’a plus peur de nous, il ne bouge plus, il n’est plus effrayé par l’être humain. Il fait partie de décor, du paysage. Il existe déjà, il est prêt à être peint. Pendant plus de dix ans, j’ai fait des tableaux. Je me dis qu’il y a dix peintres au mètre carré à Marseille. Pourquoi ne faire que des tableaux ? Il faut faire autre chose pour être libre aujourd’hui. Ce qui est à la mode c’est le street art et les super dessinateurs. Je n’ai pas le niveau de ces grands génies. En revanche, je suis libre dans le plâtre et je m’exprime avec le plâtre. C’est une forme de street art.
Retrouvez le travail d’Alain Paris sur son site.
Propos recueillis par Pauline Chabert
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