Aiste Stancikaite : “Je dessine des humains, pas des ethnicités”
D’origine lituanienne mais résidant aujourd’hui à Berlin, Aiste Stancikaite travaille, au crayon de couleur, la vie sous toutes ses formes. Traits d’une rare précision et couleur(s) vibrante(s) : rencontre avec la dessinatrice qui voit la vie en rouge.
Dans ton travail, l’utilisation d’une couleur unique, souvent le rouge, est frappante. Pourquoi ce choix ?
J’aime beaucoup dessiner en monochrome. Cela me permet de bousculer les codes traditionnels du réalisme et de créer un univers contemporain inattendu. L’utilisation d’une unique couleur apporte également une dimension surréaliste, difficilement atteignable en exploitant une large palette de couleurs. Le rouge transforme mes sujets en créatures, ce ne sont plus des humains que l’on pourrait croiser dans la rue mais presque des aliens. La simplicité de cette technique magnifie le pouvoir de la couleur (et de ses variations). Je pense que le rouge est celle qui me permet de révéler la plus grande intensité, mais, je ne me ferme pas aux autres couleurs.
Le dessin au crayon est ton premier amour. Comment incorpores-tu le numérique dans tes œuvres ?
Je fais principalement du dessin au crayon de couleur mais il m’arrive, en effet, d’y ajouter des éléments digitaux pour contraster avec l’aspect très détaillé du dessin “à la main”. Le numérique est intéressant car il me permet d’ajouter encore plus de profondeur et de richesse dans les formes et les textures mais aussi dans les styles adoptés. Les deux modes de création se complètent donc dans la précision, et, s’opposent dans l’exécution visuelle, ce qui crée une sublime juxtaposition.
À la vue de tes dessins, nous sommes troublés par le réalisme saisissant, rappelant la photographie et la fantaisie des décorations…
Si je devais résumer mon travail je dirais que je tente de comprendre et de retranscrire la réalité, à travers le dessin. Mon trait “naturaliste” ainsi que mes compositions cinématographiques renvoient le spectateur à la photographie, et donc à la vraie vie. Pourtant, les éléments et couleurs composent un nouveau monde, où la frontière entre le réel et le fictif est floue. J’aime intriguer le spectateur. Il développe ainsi, grâce à son imagination, sa propre narration à travers mes dessins.
En juin dernier, tu as collaboré avec le studio de design Polytechnic pour créer une nouvelle affiche au documentaire de Jennie Livingston, Paris Is Burning, paru en 1991. Qu’est-ce que tu aimes dans ce film ?
Paris Is Burning est un film très complexe qui aborde les questions d’ethnicité, de classe, de genre et de sexualité. Il célèbre une certaine inclusivité, la liberté d’être soi-même et met en lumière la puissance d’une communauté inspirante et exaltante. Ce film et la culture du ball en général nous apprennent beaucoup sur l’acceptation de l’autre tel qu’il est.
Tu vis à Berlin, ville des artistes. C’est inspirant ?
J’adore Berlin. L’infinie créativité de cette ville m’émerveille toujours autant, j’y habite depuis 2 ans et demi ! Je suis entourée d’une grande diversité et de nombreuses communautés qui m’inspirent au quotidien. Il est évident que c’est ce tout qui me pousse à évoluer artistiquement.
Tu joues constamment avec le reflet de la lumière dans tes portraits. Crois-tu, comme Beyoncé, que certaines couleurs se marient mieux avec certaines couleurs de peau ?
Il y a probablement une part de vérité dans cette affirmation, mais, je ne choisis pas mes couleurs en fonction de l’ethnicité du modèle. J’utilise le rouge pour tout le monde ! Nous vivons dans un monde divisé où chacun doit rentrer dans une case, je ne veux pas que mon travail en fasse partie. Je dessine des humains, pas des ethnicités. À travers le non-réalisme du rouge, j’espère unifier et non diviser.
Quelle couleur ne travailleras-tu jamais ?
Toutes les couleurs sont intéressantes. Elles ont des propriétés singulières et ne procurent pas le même effet. Je choisis une couleur en fonction de mon projet alors je ne pense pas qu’il y en ait une qui soit “inutilisable” !
La partie du corps que tu préfères ?
J’adore dessiner les oreilles. Elles paraissent insignifiantes mais étudiez-les avec attention et vous remarquerez leur forme incroyable ainsi que leurs zones d’ombre et de lumière singulières.
Des projets en cours ?
En ce moment je profite du temps que nous avons pour décompresser et m’interroger sur les nouvelles formes d’expression artistique que je pourrais explorer. C’est ainsi que j’occupe au mieux le temps que cette situation mondiale nous offre !
Ton réseau social préféré et le compte que l’on devrait tous suivre ?
J’utilise principalement Instagram pour communiquer mais aussi pour m’inspirer. Mon compte préféré est @girlgaze. J’y découvre des femmes d’une créativité déconcertante !
Retrouvez Aiste sur Instagram et sur son site.
Propos recueillis et traduits de l’anglais par Salomé Guez
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