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Agustí Centelles – Récit photo de la guerre civile espagnole

9 juin 2009
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Agustí Centelles (1909-1985) témoigne idéalement de ce conflit parce qu’il incarne cette guerre civile espagnole : la résistance républicaine d’abord, puis la déroute face au franquisme et l’exil forcé.

Dès les premiers sursauts politiques, en juillet 1936, Agustí Centelles est le seul photographe dans Barcelone, assiégée par l’insurrection. Il prend ainsi des clichés historiques : à l’extrémité d’une ruelle, une barricade de fortune vient à peine d’être érigée. Les assiégés foulent la terre meuble soulagée de ses pavés. La pelle traîne encore au sol alors que les longs fusils pointent déjà vers l’assaillant. Symbole de l’union républicaine, au milieu de ses camarades en chemisettes claires, un homme porte curieusement un élégant costume sombre.

La peur et le doute

Mais si la capitale catalane écarte ses agresseurs, le front militaire s’installe dans la région. Lors du départ des miliciens, les réalisations de Agustí Centelles se teintent d’une sempiternelle allégorie de la fleur au fusil. Les visages juvéniles et insouciants se pressent aux fenêtres des trains, le poing serré en signe de confiance ; les remorques de camions se parent  de drapeaux, accompagnant l’euphorie de la résistance. Puis, en septembre 1937, l’Espagnol s’engage au titre de photographe au sein de l’armée républicaine. Au plus prêt des combats, les images ont un autre retentissement : figures sales, fatiguées, sourires effacés sous les pansements, vêtements déchirés… L’euphorie a laissé place à la peur et au doute. Les soldats avancent courbés, évitant les barbelés, sous une fumée menaçante qui s’étend vers le ciel.

Dégénérés mentaux

Le général Franco étend peu à peu son emprise en Catalogne et dans toute l’Espagne. Au début de l’année 1939, les soldats républicains fuient le franquisme en rejoignant la frontière française. Le régime pétainiste les accueille alors dans le camp de Bram. Agustí Centelles consigne cette rude période de neuf mois sur les pages d’un cahier. Une salle de l’Hôtel de Sully s’y consacre entièrement, dans une ambiance tamisée, intime, comme si le visiteur investissait le for intérieur du photographe. Vidéo et extraits de son journal à l’appui : « Chaque jour qui passe dans cette prison (car on ne peut pas appeler cela camp de réfugiés malgré le nom qu’il porte) le désespoir grandit. Des hommes normaux à leur arrivée en France, beaucoup, la plupart, peut-être 70 %, ont dégénéré mentalement. » Les photographies prises dans le camp expriment l’air hagard des vaincus, leur désœuvrement, leur inquiétude, malgré leur dignité. Avec toujours, à l’arrière plan, les baraquements, les palissades en bois et les barbelés.

L’exposition parcourt la guerre civile espagnole de son commencement à son aboutissement. De l’espoir de la résistance jusqu’à l’échec par l’exil, avec précision et personnification.

Cyril Masurel

Agustí Centelles – Journal d’une guerre et d’un exil, Espagne-France, 1936-1939

Jusqu’au 13 septembre 2009
Du mardi au vendredi de 12 h à 19 h, du samedi au dimanche de 10 h à 19 h

Tarifs : 5€, tarif réduit : 2,50€
Entrée gratuite pour les étudiants et les moins de 26 ans le dernier mardi de chaque mois, de 17h à 19h

Jeu de Paume – Hôtel de Sully
62, rue Saint-Antoine
75004 Paris
M° Saint-Paul ou Bastille

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