Agnès B. – interview
Vous êtes une des pionnières de la reconnaissance de l’art urbain en France. Comment cet intérêt est-il né ?
Très petite, déjà, ce qui peut parler sur les murs des villes m’a toujours passionnée. Même dans les parcs de Marly, où j’ai grandi, je regardais sur les troncs d’arbres les boursouflures avec un cœur… A Paris, il y a toujours eu cette culture des murs – il suffit de voir les photos de Brassaï… Les graffs étaient alors plutôt creusés dans le plâtre. J’ai d’ailleurs toutes les photos qu’avaient prises Brassaï pour faire son livre. C’est la première expression : Lascaux, la main sur le mur… Les gens ont toujours eu besoin de s’exprimer de cette façon-là, même anonymement.
Vous êtes aussi allée sur le fameux terrain vague de La Chapelle dans les années quatre-vingt-dix…
Bien sûr. Je m’y suis trouvée avec Vincent Segal qui jouait du violoncelle pendant que Skki, Ash et JonOne peignaient… Je les ai parfois rejoints, dans une gare abandonnée, dans les catacombes avec Psyckoze… Régulièrement, je fais des expositions autour du graff à la Galerie du jour. Et je suis enchantée de ce qui a été fait pour « Etat des lieux ». Les artistes sont entrés dans un endroit où ils peuvent peindre, s’exprimer en toute liberté. Il est intéressant de se montrer ce qui se passe aujourd’hui à Paris. C’est quelque chose de tellement vivant, il y a toujours de nouveaux artistes dans les rues, du dripping, des collages comme ceux de Ludo… Mais j’ai aussi voulu faire le lien avec la première génération, comme JonOne, qui a fait une toile avec Lek, ou Psyckoze…
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Votre première exposition sur le sujet à la Galerie du jour date de 1992…
Oui, c’était autour des pochoirs, qui étaient très présents à Paris, avec Miss.Tic, Jef Aérosol…. Et puis, en 1993, j’ai rencontré les BBC, de la génération des pionniers parisiens du graffiti. Je connais beaucoup de gens depuis longtemps dans ce milieu. J’ai pris beaucoup de photos de graffiti depuis très longtemps : à New York, Naples, Londres… Aujourd’hui, c’est vrai, il y a un côté commercial. J’ai été frappée récemment que certains enlèvent des murs à Londres pour les vendre, ça devient dément ! Après, chacun son histoire. Mais l’histoire la plus longue est celle entre cette culture et la galerie du jour.
Cette culture vous a aussi inspiré dans votre propre création vestimentaire…
Bien sûr. J’ai retrouvé certains auteurs et fait des photographies de graff sur des t-shirt, comme avec Bäst ou Faile… C’est une culture très vivante, c’est ce qui est beau dans le graff. C’est un terrain de jeux, un terrain de travail, un terrain pour avancer. C’est comme ça que Basquiat et Keith Haring se sont faits connaître ! Je trouve qu’il y a toujours du nouveau, de nouvelles histoires.
Comment voyez-vous la suite de votre histoire avec le graffiti ?
Je vis dans le présent, j’attends que quelque chose me saute aux yeux. Tout ce que j’ai vu dans ma vie continue à me nourrir. J’adore le futur, je ne suis pas du tout nostalgique…
Propos recueillis par Sophie Pujas
Etat des lieux
Jusqu’au 26 octobre 2013
Galerie du jour Agnès B.
44, rue de Quincampoix
75004 Paris
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