Admirable « Oiseaux en majesté » de Markus Varesvuo
Photographe animalier réputé, Markus Varesvuo capte avec justesse la beauté des oiseaux saisis sur le vif dans leur environnement. Un hymne somptueux à la photographie et aux bêtes à plumes.
Mondialement connu des ornithologues et des amateurs de nature sauvage, Markus Varesvuo est membre fondateur du site Bird Photo. Parmi ses nombreuses récompenses, il est le deuxième plus grand portefeuille de prix au birdphotographer de l’année 2017 (au Royaume-Uni).
Ce livre, Oiseaux en majesté, rassemble ses plus belles photos, toutes accompagnées de courtes descriptions et d’informations techniques. Au total, plus de 335 clichés capturant des instants fugitifs. Contrairement à ses précédents ouvrages, le propos n’est pas scientifique. Essentiellement dédié aux sens, il procure un plaisir esthétique au lecteur, plaisir entretenu par d’attrayants commentaires. Mais les images se suffisent souvent à elles-mêmes. Avec de sublimes double pages qui donnent envie d’exposer le livre.
Entre ciel et terre
Né en 1960, ce Finlandais magnifie les volatiles depuis près de 25 ans. Spécialiste de l’hiver et de la photographie d’oiseaux en action, il s’intéresse autant aux espèces communes qu’aux plus rares. La vaste galerie comprend donc des oiseaux d’Europe, mais beaucoup proviennent de régions du Nord, dont son pays d’origine.
Adepte de la lumière naturelle, Markus Varesvuo célèbre les conditions climatiques de la saison froide : neige, glace, vent. Il trouve là une source d’inspiration intarissable. Il a ce don de fixer pour l’éternité des instants rares. Sans oublier que les oiseaux sauvages sont en perpétuel mouvement. Quelle patience pour saisir un élan, un bref éclat, une pâle lueur !
De retour de ces expéditions, il nous offre un livre d’images d’une beauté époustouflante. Entre documentaire et poésie, dans une esthétique travaillée, il nous montre un quotidien qui confine au sacré : nichées, parades nuptiales, combats, vols et autres activités célestes. Au-delà de la variété des espèces, il fait ressortir la personnalité de certains individus.
Poésie documentée
Techniquement irréprochables, les photos procurent de fortes émotions et racontent une histoire. Compositions soignées, prises de vue originales, chaque image donne à voir des poses, des comportements, y compris des compétences, comme l’adresse du jaseur boréal, prêt à mille cabrioles pour accéder aux délicieuses baies, ou le don de camouflage du lagopède alpin qui mue, au rythme des saisons, pour se fondre dans le décor.
Pas besoin de jouer sur les contrastes pour faire ressortir les couleurs éclatantes de l’eider à tête grise ou le plumage bigarré de la huppe fasciée. Quant au plongeon artique, son extrême raffinement rivalise avec l’élégance des échassiers, notamment la grande aigrette, ou le divin harfang des neiges, dont le puissant mouvement d’ailes devient grâce. Et quel fascinant ballet que celui des grues du Japon pour se séduire ! La délicatesse de ces modèles est telle, que leurs motifs se transforment en hiéroglyphes.
Estampe, calligraphie asiatique, art abtrait… les références sont subtiles. Voir passer à toute vitesse des milliers guillemots de Troïl, qui reviennent vers leur île pour se reproduire, après avoir passé l’hiver en mer, est aussi « une incroyable expérience », raconte Markus Varesvuo. Expérience qu’il immortalise dans un tableau étonnant.
Le photographe aime nous surprendre. Page blanche, certaines espèces à contre emploi, points de vue décalé, comme pour les cygnes chanteurs, connus pour leur arrogance, qui ont, ici, une drôle de dégaine, avec leurs grosses palmes noires dans le ciel immaculé. Quant au panure à moustaches, il est sans doute le plus insolite des petits oiseaux.
Les rudes batailles pour une proie sont moins amusantes. La chouette lapone, presque démoniaque, impressionne et l’aigle royal est toujours aussi spectaculaire. Mais sa voracité n’a rien à envier à la gloutonnerie du grand cormoran. Enfin, les yeux perçants et les poses géométriques de la chouette épervière sont inoubliables. En couverture, le rapace capte efficacement le regard.
Mais, qu’ils soient éblouissants, insolites ou terrifiants, ce qui ressort le plus, au-delà de leur majesté, c’est la fragilité des oiseaux. Ainsi, on apprend que « en dépit de la vénération qu’on lui porte, ou peut-être à cause de celle-ci, la grue du Japon a été chassée, presque jusqu’à l’extinction, au début du XXe siècle ». Des 20 couples survivants, à Hokkaïdo, la population est heureusement remontée à 1.300 : « Une belle histoire de conservation », relève Markus Varesvuo.
On espère que ce magistral hymne à leur beauté sauvage déclenchera d’autres sursauts salutaires, pour sauvegarder, parmi les nombreuses espèces menacées, alouettes des champs, gypaètes barbus, martin-pêcheurs ou macareux moine, comme s’évertue à le faire la Ligue de protection des oiseaux !
Sarah Meneghello
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