Adly : “Ajouter de la matière, c’est vraiment rendre l’œuvre vivante”
Entretien avec Adly, plasticienne guadeloupéenne qui travaille la matière et l’émotion. Immersion dans son processus de gestation artistique.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Ylda Decrop, j’ai 34 ans, je suis originaire de la Guadeloupe et vis actuellement en métropole. Mon nom d’artiste est Adly, tout simplement le verlan de mon prénom. J’ai commencé la peinture très jeune car j’ai été mise en contact avec Lucien Léogane et Alain Caprice, deux artistes antillais. Mon travail étant apprécié, j’ai commencé à réaliser des commandes. Cela fait maintenant 6 ans que j’expose mon travail, pour le moment principalement en Guadeloupe, mais j’aimerais exposer à long terme partout dans le monde.
Pourquoi avoir fait le choix d’une surface ronde pour créer ?
La surface ronde renvoie à l’origine de la vie, à la notion de conception, au ventre rond de la femme enceinte, et même à la terre. Si vous voulez, dans mon cheminement de travail, je considère que l’œuvre est en gestation et je lui apporte des couleurs, des émotions.
Vous utilisez fréquemment la fibre de coco. Que représente la présence de cette matière dans vos œuvres ?
J’utilise la fibre de coco parce que c’est la partie physique de l’œuvre. Ce n’est pas la seule matière que j’utilise, je me sers aussi d’écorce de palmier mais je reviens et je reviendrai toujours à la fibre de coco car c’est avec elle que je travaille le mieux. De plus, en poussant mes recherches, je me suis rendu compte que la noix de coco est constituée en majeure partie d’eau, comme le corps humain, et qu’elle contient des oligo-éléments qui nous sont essentiels. Tous ces éléments ont confirmé l’utilisation de cette matière dans mon travail car sa composition en fait un corps semblable au nôtre. Ajouter de la matière et en particulier la fibre de coco, c’est vraiment rendre l’œuvre vivante. La fibre de coco donne à l’œuvre un corps pour exister.
Quel est votre processus créatif ?
Tout d’abord, je sais que je pars d’une toile ronde. J’ai automatiquement l’œuvre qui me vient en tête et la façon dont j’ai envie de la peindre. Si vous voulez, je visualise déjà les couleurs et le potentiel rendu final. Je choisis le morceau de fibre de coco avec lequel j’ai envie de créer, puis en travaillant la forme et en observant la façon dont il se comporte, je vois si ma vision se confirme. Parfois, la fibre de coco peut ne pas confirmer complètement ma vision et m’aiguiller vers un autre résultat. En fait, la fibre matérialise ma vision et influence par la suite le rendu final.
Vous considérez vos œuvres comme étant des êtres vivants avec des émotions. Qu’entendez-vous par là et à quel moment le ressentez-vous ?
Les êtres vivants sont composés de l’âme, de l’esprit et du corps. Je considère que chacune de mes toiles a une âme, un esprit et un corps. On dit souvent que notre âme est le berceau de nos émotions et c’est cette partie de mes œuvres qui en fait des êtres vivants. La toile a ses émotions, et bien qu’au début il s’agisse forcément un peu des miennes, au fur et à mesure que je crée, elle développe ses propres émotions. Je considère que mes émotions ont un impact sur mon art donc je m’astreins à ne peindre que lorsque des émotions positives m’habitent. L’émotion a une place très importante dans mon travail. Je cherche à déstructurer les préjugés en proposant des toiles chargées d’émotions positives, qui peuvent être perçues de manière plus ou moins violente en fonction du public. C’est pour cela que l’abstrait est nécessaire dans mon travail, car il touche avant d’interpeller et c’est ce qui me plaît. Je veux proposer des œuvres devant lesquelles au premier coup d’œil, il se passe quelque chose, on ne sait pas quoi et on va le découvrir après.
Quels sont vos futurs projets ?
Artistiquement, je vais continuer la peinture, mais je compte également aller plus loin dans mon travail de sculpture du bois d’acajou. Sinon, j’ai plusieurs expositions qui arrivent en Guadeloupe. Du 28 avril au 29 mai prochain, j’expose à l’espace de coworking IRESA, puis à la Brasserie Pop à partir du 29 mai. Enfin, j’espère bientôt pouvoir exposer en métropole et dans le reste du monde.
Retrouvez Adly sur son compte Instagram.
Propos recueillis par Roxane Thomoux
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