Adeline Cubères : “Les PassionariArts, c’est une manière poétique d’exprimer que par les arts, il est possible d’être engagé”
Adeline Cubères est une auto-entrepreuneuse. Depuis février, la deuxième saison des PassionariArts a commencé. Ce podcast met en lumière des femmes du monde des arts, rencontre avec sa créatrice pour en savoir plus.
Les PassionariArts, qu’est-ce que c’est ?
Les PassionariArts est un podcast qui donne la parole aux femmes féministes du monde des Arts.
Je travaille en collaboration avec des artistes depuis de nombreuses années, mais aussi dans le milieu du marché de l’art. De ces expériences, je trouvais qu’il y avait beaucoup de femmes professionnelles ou artistes aux parcours fascinants et qui portaient de forts engagements. Ces femmes n’étaient selon moi pas assez entendues, pas assez mises en lumière. J’ai donc eu l’envie de leur donner cette force, cette mise en lumière, cette place. Par ailleurs, je suis intimement convaincue que les arts ont une place fondamentale dans la lutte féministe. C’est aussi la raison d’être de ce podcast : prouver à travers chaque épisode, chaque récit, que l’on peut finalement être féministe à sa manière, par le biais de créations, de connaissances, de son métier.
PassionariArts, les origines…
La Passionaria est le nom qui était donné autrefois à Dolores Ibárruri, une politique espagnole qui luttait contre le fascisme. C’est notamment cette femme engagée qui crée le fameux slogan “No pasaran” (traduction : ils ne passeront pas.). Passionaria est un surnom qui lui a été donné, car grâce à son éloquence et sa prise de parole, Dolores Ibárruri a bousculé les codes et engendré des prises de conscience. En ajoutant le suffixe “art” à Passionaria, c’est une manière poétique d’exprimer que par les arts, il est possible d’être engagé et soulever des foules.
Quel a été ton cheminement vers la création de ce podcast ?
Je suis à l’origine une grande auditrice. J’écoute beaucoup de podcasts sur des sujets tels que le développement personnel, l’entreprenariat ainsi que le féminisme évidemment. J’aime ce mode de consommation d’information, je trouve que l’écoute est intéressante car c’est un vrai média d’accompagnement, où l’on peut vaquer à nos occupations tout en écoutant.
J’ai aussi toujours aimé parler, donner la parole, il me semblait finalement naturel de me tourner vers ce type de média.
Et puis, je ne suis pas seule derrière Les PassionariArts, nous sommes une équipe de deux, avec Samuel Goupil, qui est mon associé dans la vie et au travail chez Artwork in Promess. Mon rôle pour les PassionariArts est de préparer les interviews. J’ai le privilège de choisir les invitées, les contacter, puis je réalise les interviews. Quant à Samuel, il s’occupe de tout le travail d’écoute, de montage et m’aide sur la promotion du podcast et des épisodes.
Artwork in Promess, c’est ton activité principale ?
En effet, Artwork in Promess est la société que j’ai lancé il y a trois ans. Je travaille avec des artistes pour des marques et des entreprises en réalisant des projets artistiques pensés pour eux, et j’accompagne les particuliers dans l’acquisition d’œuvres d’art d’une façon plus intime que dans le circuit traditionnel du marché de l’art. Avec cette activité, nous nous sommes dit avec mon associé Samuel, que nous allions créer un podcast, qui possède un angle bien particulier : l’art et le féminisme.
Pourquoi ce format de podcast ?
Nous avons choisi un format de 40 à 50 minutes. Il était important pour nous d’aller en profondeur avec nos invitées et leur laisser le temps de s’exprimer, détailler leurs propos, pour ne pas rester en surface comme avec un format d’une vingtaine de minutes où je trouve que nous restons souvent sur notre faim.
Quant au but du format d’un épisode, il s’agit vraiment d’emmener quelqu’un avec moi, dans mon salon et accompagnée de mon invitée pour qu’il/elle écoute et participe d’une manière ou d’une autre à notre conversation.
Quel(s) constat(s) peut-on faire aujourd’hui par rapport à la place des femmes dans le monde de l’art, aussi bien dans la création que dans les autres aspects ?
Effectivement, les PassionariArts ne sont pas que des artistes. J’interviewe des femmes du monde des arts, à la fois des professionnelles (médiatrices culturelles, journalistes, créatrices de contenu numérique) et des artistes.
Selon moi, les constats sont doubles. Premièrement, les inégalités touchent absolument toutes les disciplines artistiques et toutes les sphères des arts. Par exemple, dans le secteur des arts vivants, les femmes sont moins accompagnées, moins reconnues. Et si par hasard, des femmes sont reconnues à la tête d’une institution artistique, nous nous apercevons qu’il s’agit des institutions qui sont les moins financées. Donc, en interviewant toutes ces PassionariArts depuis presque un an, je remarque une réelle lutte à mener sur tous les domaines, de la musique en passant par le cinéma, les arts plastiques, la littérature, les éditions… Bien que ce soit mieux qu’auparavant, ce n’est pas gagné. Le second constat que j’ai envie de faire est que, parallèlement à ces injustices et inégalités, il y a une lutte mise en place par ces PassionariArts, qui travaillent de manière acharnée, qui éduquent, qui communiquent et qui ne lâchent rien pour se faire reconnaître, en tant que femme mais aussi dans leur métier.
Pour toi, il était important de donner la parole à ces femmes ?
Oui, ça l’était. Mais le plus important pour moi était de rassembler. Je ne pense pas que ces femmes aient besoin de moi ni du podcast pour prendre la parole. Mais, là où je souhaitais avoir une force, c’était en rassemblant, l’effet de nombre et de pluralité peut faire évoluer les choses. Je refuse l’idée d’un podcast où l’on entend des femmes, artistes ou du monde des arts, de Paris, bourgeoises, blanches… Je veux réunir des femmes de régions diverses, des femmes de toutes les générations. Je n’ai pas pour volonté d’interviewer uniquement des jeunes artistes de la scène émergente. J’ai par exemple interviewé Orlan qui est très reconnue, mais qui n’appartient plus à la jeune génération. Pour la saison 2, nous allons dépasser les frontières de la métropole, j’ai commencé par l’interview d’une artiste qui était en direct de Beyrouth pour notre enregistrement. Les PassionariArts sert avant tout à unir et fédérer toutes ces femmes féministes qui font partie de l’univers artistique et qui travaillent dur pour revendiquer leur présence, leur visibilité, leur métier…
Tu as parlé de la saison 2, peux-tu nous parler des projets à venir ?
La saison 2 démarrera en février 2021.
À l’occasion de cette nouvelle saison, j’ai décidé d’élargir les frontières et interviewer des femmes qui vivent hors de la métropole française. J’aimerais réussir à interroger des politiques, des femmes issues de ce milieu, afin qu’elles puissent témoigner de leur rapport à l’art, c’est ma grande ambition pour cette saison 2.
Dans cette saison 2, nous continuerons à parler d’art, de création, de féminisme, tout en allant sur des sujets politiques. Nous discuterons de questions plus larges, de société, de citoyenneté, de racisme, d’éco-feminisme…
Quelque chose à ajouter ?
Les PassionariArts, c’est aussi des événements, qui prennent une part importante du projet. Les événements ont pour but de sortir du contexte habituel et se rassembler, créer un vrai réseau et pourquoi pas devenir une association à terme.
J’organise des cercles de femmes pour que les PassionariArts puissent se rencontrer, en général, le dimanche le matin. Lors de ces moments, nous faisons du yoga ou une autre activité, puis nous prenons un brunch et nous échangeons l’après-midi autour d’un thé. Il nous arrive aussi d’aller manifester lors de manifestations ou de marches particulières, toutes ensemble. Ce sont, à chaque fois, des moments très conviviaux, remplis de sororités. Parfois, j’enregistre des épisodes en public lors d’un événement comme celui de Clémence Vazard. Si nous le pouvons de nouveau et que les conditions sanitaires le permettent, en 2021, nous referons des cercles de femmes des PassionariArts en format brunch.
Merci beaucoup à Adeline Cubères pour cette entrevue !
Propos recueillis par Zélie Caillol
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