À la rencontre de CombocK – Street art et engagement
COMBO, ou COMBO Culture Kidnapper, est un artiste basée à Paris dont le travail se concentre essentiellement autour du détournement. Il manipule des symbols connus de tous auxquels il intègre des éléments étrangers – le plus souvent issus de l’univers de la bande dessinée ou du jeu vidéo – qui en modifient radicalement le sens. Nous sommes allés à sa rencontre.
Pour commencer, pourquoi avoir choisi Combo CK (Combo Culture Kidnapper) comme pseudonyme ?
J’ai commencé avec le pseudonyme de Combo quand je faisais du graffiti. Quand j’ai voulu me mettre pleinement au street art, j’ai ajouté à ce prénom le nom de culture kidnapper. C’était ce que je prévoyais de faire : détourner les symboles populaires à travers mon travail. Ce nom était un avertissement.
Pourquoi t’es-tu lancé dans le street art ? Est-ce que pour toi, cette forme d’expression artistique est plus libre ?
Pour moi le street art est encore un endroit où la liberté d’expression est très forte. Il suffit d aller dans la rue et de s’exprimer. Pas besoin d’un directeur artistique, d’un éditorialiste. Besoin de rien, envie de tout comme disait l’autre.
Est-ce que ton parcours personnel t’a poussé à t’engager dans le street art ?
Difficile de savoir ce qui est le plus fort : l’inné ou l’acquis ? De ce qui nous a été donné par nos parents ou de ce que nous avons appris par notre chemin de vie. Je pense que c’est un tout évidement et surtout pour moi, le street art reste un outil pour m’exprimer, que ce soit mes pensées, mes sentiments, ma personne.
Quelles créations ont entraîné ta notoriété ?
Dans un escalier, chaque marche mène à la suivante (si je prends juste l’exemple du travail autour de “Coexist”). Quand on en a parlé, c’est aussi parce que j’avais collé à Tchernobyl ainsi qu’à Hong Kong des choses, des fresques quelques mois avant et qu’elles étaient engagées. La presse en avait parlé, et j’étais déjà repéré. Ce sont des effets boule de neige.
Selon toi, comment le street art est sorti de la notion de “vandalisme” ?
Je pense qu’il n’en est pas sorti. Il y a encore des tags, des graffitis, des fresques sans autorisation. Mais ce ne sont pas les mêmes personnes qui exposent dans les foires et qui sortent dehors faire des tags sur les rams de métro.
Par contre, nous sommes sortis de cette image de “petit voyous”, de “nulos”. C’est le marché de l’art qui a créé cette nouvelle image. On peut le critiquer autant qu’on peut l’en remercier. Pour ma part, le fait d’exposer dans des musées m’a donné d’autres envies, et quand je réalise des fresques, j’essaie aussi de me rapprocher de cette démarche muséale.
Que penses-tu des personnes qui considèrent que le street art ou le graffiti n’est pas de l’art ? Est-ce que notre société a une vision trop étriquée de l’art ?
Je ne pense pas que ce soit le cas. Au contraire, la majorité des gens vous diront qu’une fresque de street art est plus artistique qu’une œuvre d’art contemporain. De la couleur versus une planche pendue sur un mur. Et le marché de l’art l’a bien compris, nombreux comme moi travaillent avec des galeries. On voit les street artists décollaient plus vite que nos camarades qui font de l’art contemporain.
Est-ce que, selon toi, l’art (via le street art également) dérange ou peut déranger ?
Sans même parler du sens ou des peintures qui peuvent être provocantes. Il dérange déjà le propriétaire qui voit son mur sali par l’artiste qui pense que sa créativité mérite d’être montrée. Ensuite, les voisins peuvent ne pas aimer une fresque même si la mairie l’autorise. Ce sont des questions de goût. Mais il faut relativiser, ce n’est que de la peinture et il suffit d’un coup de rouleau pour tout faire disparaître. Rien de très grave.
Est-ce-que, selon toi, Banksy a réussi à faire accepter le street art comme une forme d’art consensuelle et/ou comme moyen d’expression politique ?
Banksy a surtout réussi à faire savoir que le street art peut valoir très cher. Et dans une société où l’on juge les gens du fait même de ce qu’ils gagnent, le prix d’une œuvre est devenu une mesure qui permet de déterminer si un artiste a du talent. Banksy a montré au monde que les street artists en avaient selon cette mesure.
Le street-art est-il forcément engagé ? Ou est-il uniquement un moyen d’expression ?
Ce sont des débats que nous avons avec mes amis. Chacun défend sa chapelle.
Moi, je dis qu’il est engagé par son essence même, c’est-à-dire d’aller dans la rue sans autorisation de prendre la parole donc de prendre le pouvoir. Le street art est un coup d’état à l échelle d’un muret. Mais il n’y a pas besoin de le faire avec des œuvres politisées. Il faut distinguer l’art et le militantisme. La nuance est fine et on peut vite basculer dans le second.
Est-ce-que le street-art est plus accessible que les autres formes d’art ? Si tel est le cas, penses-tu que le street art, maintenant qu’il est officiellement considéré comme une expression artistique, risque de perdre sa symbolique comme son accessibilité ?
C’est aux acteurs du milieu de savoir ce qu’ils souhaitent produire, car il faut faire un choix. Difficile de concilier travail dans la rue et en atelier. Le temps n’est pas extensible, donc faire du street art ou produire des toiles pour des expos, les deux sont durs à concilier. Et ce choix n’est pas facile. Céder au sirènes de la réussite économique ou continuer d’avoir un travail gratuit et créatif dans la rue. Tout est question de trouver l’équilibre.
Est-ce que le street art doit forcément être ludique et être à la portée de tous ?
Non. Déjà il n’y a aucune obligation. Chacun fait ce qu’il aime et c’est ça la beauté de la chose. Et moi, je préfère la diversité des formes et des discours.
Qu’adviendra-t-il du street art dans les années à venir ?
Selon l’horoscope de mon magazine d’art, le street art vivra longtemps, sera heureux et aura de très beaux enfants.
Propos recueillis par Clara Yatim
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