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À la découverte de Napoléon Bonaparte

7 juillet 2015
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Napoléon et Paris –
Rêves d’une capitale

Jusqu’au 30 août 2015

Ouvert tous les jours, de 10 h à 18 h
sauf les lundis et certains jours fériés.

Dernier accès pour les visiteurs individuels à 17H.

Plein tarif : 9 €
Tarif réduit : 6 €

Musée Carnevalet
16, rue Francs-Bourgeois
75003 Paris
M° Saint-Paul

www.carnavalet.paris.fr

Napoleon_-_musee_CarnavaletLe mois de juin 2015 a marqué le bicentenaire de la bataille de Waterloo et les derniers jours de célébration du bicentenaire de l’Empire. L’occasion de faire la lumière sur Napoléon Bonaparte, ce personnage haut en couleur, à l’honneur au musée Carnavalet jusqu’au 30 août 2015, dans le cadre de l’exposition « Napoléon et Paris : Rêves d’une capitale ». Ce vaste panorama historique met en avant les influences et les apports du stratège à la capitale française, aussi bien sur l’architecture que sur la vie quotidienne des Parisiens. Art Media Agency s’est entretenu avec Philippe de Carbonnières, conseiller historique de l’exposition et assistant de conservation, chargé des collections Révolution-Empire au musée Carnavalet.

Quel impact Napoléon a-t-il eu sur l’architecture de la capitale française ?

Napoléon avait un profond souci de grandeur et d’amélioration du sort quotidien des Parisiens. La grandeur est ce qui marque les esprits et reste dans la mémoire. Lorsque l’on se tient au pied de l’obélisque, quelque soit le point cardinal vers lequel on se tourne, les yeux se posent sur une création napoléonienne. Quant au sort des Parisiens, il a contribué à son amélioration notamment par la création d’entrepôts, de ponts ou encore de fontaines. En installant des fontaines un peu partout, il a amélioré la vie des femmes qui n’avaient plus à faire des kilomètres pour avoir accès à l’eau. La vie de quartier était très forte à cette époque car il n’existait pas vraiment de moyens de passer d’une rive à l’autre, les ponts étaient peu nombreux et il fallait souvent emprunter des barques, qui plus est payantes. Napoléon a ainsi créé trois ponts supplémentaires : le pont des Arts, celui d’Austerlitz et d’Iéna. Enfin, toujours dans un souci d’efficacité — il avait un côté « romain » —, il a également mis en place la numérotation des rues — même si la Révolution avait initié le principe — en partant de la Seine et en instaurant un côté pair et impair.

Le pont des Arts est le premier pont parisien en métal…

Le pont des Arts est, en effet, en acier et on en retrouve également un peu sur celui d’Austerlitz. Napoléon a choisi l’acier pour son aspect novateur, c’est un matériau plus léger que la pierre et d’un moindre coût par rapport à celle-ci. Il a également opté pour un pont en métal car il se méfiait des architectes, ces derniers ayant fait exploser le devis pour les Tuileries. Napoléon était très soucieux des deniers publics alors il a fait travailler des ingénieurs.

Tous les embellissements de Paris n’ont rien coûté aux Parisiens… Napoléon prenait l’argent sur les prises et les impôts de guerre. Il faisait très attention à la dépense, pour ne pas dire qu’il était radin concernant l’argent public, car il considérait que ce bien appartenait à la Nation. Malgré son égo surdimensionné, il avait le souci du bien général et avait de grandes vues pour Paris.

Pourquoi Paris ?

Napoléon voulait en faire la capitale de son Empire et c’était aussi la ville de la Révolution. Il ne faut pas oublier que Napoléon est issu de la Révolution. Ce petit gentilhomme a été formé par les écoles militaires de l’Ancien Régime mais c’est la Révolution qui lui a donné sa chance. Napoléon voulait donc que les Parisiens ne manquent de rien car, en un sens, il craignait Paris. Il avait vu, lorsqu’il était jeune officier, le Paris de la Révolution et de l’Insurrection… Il voulait voir les Parisiens s’amuser, c’est aussi à cette époque que se développèrent la gastronomie et les lieux de plaisir tels que le café Frascati, la promenade du jardin Turc, les exercices de chevaux de Franconi, les spectacles, les passages, les confiseries et le commerce de luxe…

Napoléon est un leader incontestable et un fin stratège à la guerre. A-t-il aménagé Paris selon une optique militaire ?

Napoléon III avec Haussmann a aménagé de grandes avenues pour pouvoir réprimer les insurrections. Napoléon Ier n’avait pas ce type de vision. C’est intéressant, d’ailleurs, car son coup d’État du 18 brumaire ne lui a pas coûté une goutte de sang… Il est très populaire à Paris et il n’éprouve pas le besoin de faire des axes pour que l’artillerie puisse écraser des insurrections. Son neveu Napoléon III, arrivé au pouvoir par un coup d’État sanglant, faisant des milliers de morts, a créé avec Haussmann des grands axes efficaces militairement pour éviter tout débordement.

Avec Napoléon, c’est également le retour de la cour…

Entre 1795 et 1815, Napoléon va jouer un rôle important à Paris : son coup d’État, son sacre par le Pape Pie VII en 1804 et son couronnement en tant qu’empereur. Cependant, Joséphine ne pouvant lui donner d’enfant, il divorce et se remarie avec une princesse autrichienne, Marie-Louise. C’est un événement important, bien représenté dans l’exposition par des gravures, des dessins et diverses peintures dont une représentant le banquet de mariage de Napoléon et de Marie-Louise.

Cette idée de créer une cour est une chose que ceux qui se réclament de la Révolution peuvent lui reprocher. Napoléon a, en quelques sortes, été le roi de la Révolution et lorsque l’Empire a été proclamé, c’est en réalité la République qui s’est donné un empereur. Les premières années, les soldats continuaient à le tutoyer comme ils tutoyaient le général d’alors : « citoyen général », « citoyen premier consul » ou encore « citoyen empereur ». Puis progressivement, une formule monarchique s’est mise en place. Pour l’anecdote, Napoléon a dit : « Si je n’avais pas mis un peu de distance, on m’aurait tapé sur l’épaule tous les jours familièrement. » À partir de 1810, plus aucun soldat ne se serait permis de l’appeler citoyen empereur…

La vie de cour nécessite de se montrer et de se parer de ses plus beaux atours. Était-ce l’occasion de développer l’industrie du luxe ?

Napoléon en développant cette cour, avait l’idée de faire travailler l’industrie du luxe pour l’orfèvrerie ou encore le mobilier. Le faubourg Saint-Antoine était le quartier des ébénistes, or ces ébénistes avaient été le fer de lance des grandes journées révolutionnaires. Il préférait donc les tenir occupés…  Cette industrie donnait beaucoup de travail, de même que les travaux d’architecture. Le chômage se faisait rare et c’est pour cela que le petit peuple de Paris lui était très attaché. Il avait du travail et mangeait à sa faim. Pourquoi des insurrections ont-elles eu lieu pendant la Révolution ? Le peuple avait faim…

Vous évoquez son côté « romain », qui était son héros ?

Je pense qu’il en a eu plusieurs : Alexandre le Grand, Hannibal — car il a franchi les Alpes et s’identifie un peu à lui —, Auguste et César. Le Sénat l’a nommé empereur, mais Napoléon voulait, comme tous les césars, une caution démocratique. Il a alors demandé à ce qu’il y ait un vote, qui a recueilli une écrasante majorité de « oui ». Cependant, tout romain qu’il fut, ce à quoi il voulait se référer c’était Charlemagne car Charlemagne lui-même se réclamait de l’Antiquité romaine. Sous le règne de ce dernier, il a existé une sorte de renaissance carolingienne et, qui plus est, il est passé par-dessus les Capétiens.

Sous son règne, comment se portaient les Arts ?

Les Arts se portaient bien. De nombreuses commandes étaient passées dans le domaine du luxe, comme pour le mobilier. Sous Napoléon, les vitrines de commerce de luxe ont fleuri et La Mésangère en a réalisé toute une série de gravures. Parmi les peintres importants, nous pouvons citer Gros qui a réalisé un important portrait de Méhul et aussi David, à l’origine du fameux Sacre de Napoléon. D’ailleurs, la composition de l’atelier de David était intéressante car on y trouvait une cinquantaine d’élèves issus de tous horizons : jacobins, robespierristes et royalistes ! Tous s’entendaient très bien et partageaient la même admiration pour le maître, et lui, était le même avec tous. Tous étaient unis par l’Art.

Vivant Denon, administrateur du Louvre, est une autre figure importante de l’époque. David et lui n’étaient pas d’accord sur la question des pillages. David était contre mais Denon voulait tout récupérer. Dans l’optique universaliste de Napoléon et sous l’ère de Denon, le Louvre a été le musée le plus riche du monde. Le Louvre était gratuit et offrait au visiteur un aperçu de tout l’art européen, c’était également un lieu d’études et beaucoup de copistes s’y pressaient. Le leitmotiv était de démocratiser les arts.

Pourriez-vous nous dire un mot sur le projet du Roi de Rome ?

Au fond, Napoléon n’appréciait pas tellement les Tuileries. Il a donc eu l’idée d’un palais qui serait sur la colline de Chaillot et qui dominerait la Seine et le Champ-de-Mars. Ce palais aurait porté le nom Palais du Roi de Rome car il devait être conçu au moment où est né son fils. Il a fait appel à ses architectes Percier et Fontaine afin de concevoir un immense projet avec une annexion de toute une partie du bois de Boulogne, un parc et un grand jardin. De l’autre côté de la Seine, sur le Champ-de-Mars, il envisageait un grand ensemble administratif, culturel et militaire. Ce projet initié en 1812, n’a pas survécu aux baisses de budget liées à la guerre face à la Russie. En 1814, au moment de la première abdication de Napoléon, les architectes n’ont pas eu le temps d’achever le projet. C’est sur les fondations du Palais du Roi de Rome que trône le Trocadéro.

Il a également été question d’une statue d’éléphant sur la place de la Bastille…

Il a existé un projet d’aménagement de la place de la Bastille, avec un immense éléphant. Il s’agissait d’une représentation du dieu fleuve et de l’eau devait sortir de sa trompe. Une maquette en bois, plâtre et toile peinte, grandeur réelle est restée longtemps sur la place, jusque dans les années 1840, soit une trentaine d’année. C’est dedans que vivait Gavroche dans Les Misérables. Louis-Philippe l’a ensuite supprimée et remplacée par la colonne de Juillet, la révolution de Juillet lui ayant donné le trône.

Et d’une pyramide en plein milieu d’un cimetière…

Napoléon a, en effet, fait construire une pyramide dans le cimetière du Père-Lachaise. Mais cette idée n’est pas uniquement napoléonienne, elle remonte aux folies (XVIIIe siècle), ces jardins philosophiques dans lesquels il y avait toujours une pyramide, un tombeau étrusque ou une fausse ruine… Et la pyramide, c’était le clin d’œil à la campagne d’Égypte. Cela dit, avant Napoléon, les cimetières étaient moins organisés, souvent en plein centre-ville et autour des églises. À l’appel des hygiénistes, il décide de les déplacer en périphérie sans renoncer aux ornementations…

Un art que maîtrisait Napoléon était également celui de manier la plume. Cela en a-t-il fait un génie de la propagande ?

Napoléon a réussi, malgré un certain côté tyrannique, à créer sa légende à Sainte-Hélène. Dans le Mémorial de Sainte-Hélène, qu’il dicte à ses fidèles, il se pose en héritier de la Révolution : l’homme de la Révolution face aux rois d’Europe et aux monarchies couronnées qui l’ont renversé contre la volonté du peuple. Ce qui est vrai et faux. Le mot propagande n’est pas mauvais, c’était un homme de pouvoir et il savait jouer avec le verbe.

Enfin, en tant que spécialiste de la Révolution, d’après vous quel a été l’apport de Napoléon ?

L’égalité devant la loi. On lui reproche tout le temps la guerre d’Espagne et à juste titre. Le but était d’instaurer un blocus continental contre les Anglais, de bloquer les côtes d’Europe au commerce anglais, afin de les contraindre d’arrêter de créer des coalitions contre la France. Napoléon a tenté d’instaurer l’égalité devant la loi en Espagne pour les habitants qui y étaient méprisés par leurs seigneurs et dans un pays où l’Inquisition a existé jusqu’en 1808. Mais les Espagnols ont fini par récupérer Ferdinand VII qui n’a rien trouvé de mieux que de supprimer la liberté de la presse et de restaurer l’Inquisition. En Allemagne, Napoléon a apporté le Code civil, l’égalité devant la loi et en Italie, il est à l’origine de l’unité italienne, faisant la lumière sur le fait qu’ils parlaient la même langue, le latin.

Art Media Agency

[Crédit Photo : Musée Carnevalet ©DR ]

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