21 rue de la Boétie : une galerie au cœur de l’histoire
21 rue de la Boétie Jusqu’au 23 juillet 2017 Tous les jours de 10h30 à 18h30 Nocturne le vendredi jusqu’à 21h30 Plein tarif : 13 € Musée Maillol |
Du 2 mars au 23 juillet 2017
Inspirée du livre éponyme d’Anne Sinclair, cette exposition propose un parcours scénarisé qui nous fait vivre, à travers le destin de Paul Rosenberg, l’histoire de l’art dans sa modernité la plus magnifique, mais aussi l’histoire collective dans ses heures les plus sombres. L’histoire d’un homme : profession marchand d’art Dans la famille Rosenberg, le père, Alexandre, était antiquaire, et les deux fils, marchands d’art : Léonce sera le grand marchand des cubistes avec sa galerie L’Effort moderne, Paul sera le fondateur de la galerie 21 rue de la Boétie en 1910. Une belle adresse pour un homme dont les idées novatrices vont moderniser le métier de marchand d’art. La petite-fille de Paul n’est autre qu’Anne Sinclair.L’homme tisse très tôt des liens d’affaire et d’amitié avec Picasso, sous contrat avec la galerie dès 1919. Le système Paul Rosenberg repose sur un certain flair dans le choix d’artistes prometteurs, puisqu’il défendra 40 artistes entre 1910 et 1941, dont Marie Laurencin, Picasso, Braque, Matisse, Léger. Mais il s’appuie aussi sur un réseau mêlant collectionneurs privés et institutions publiques, en France ou à l’international. L’exposition 21 rue de la Boétie réussit son pari en nous plongeant au cœur de la galerie : son ambiance, ses fiches-archives, ses couvertures de catalogue témoignant du rythme des expositions (jusqu’à une par mois en 1936 !) et ses tableaux (plus d’une soixantaine) réunis au Musée Maillol pour l’occasion. L’histoire de l’art : le « passeur de modernité » Cette exposition s’inscrit dans une tendance consistant à relire l’histoire de l’art, non plus seulement à travers un artiste ou un courant, mais à travers son collectionneur (comme pour Collection Chtchoukine) ou, ici, son marchand emblématique, intermédiaire essentiel entre le peintre et son public, entre la production et son marché. Si l’histoire de Paul Rosenberg est indiscutablement liée aux Modernes, l’homme a l’art de créer des passerelles entre les courants : « Au début, vendre les Impressionnistes est une nécessité économique pour promouvoir les Modernes », nous rappelle Isabelle Benoît, l’une des commissaires d’exposition. Par la suite, cela devient une stratégie pour le marchand qui expose les Modernes en vitrine et au rez-de-chaussée et propose, à l’étage, une mise en scène d’Impressionnistes dans un intérieur bourgeois meublé, permettant à sa clientèle plus conservatrice de se projeter, mais aussi d’être guidée progressivement vers de nouveaux courants. L’homme se définit lui-même comme un « passeur de modernité » : il inscrit les Modernes dans la continuité de la grande histoire de l’art et, trait d’union entre les deux rives de l’Atlantique, contribuant ainsi, dès les années 1920, à former le goût des Américains. Pressentant l’influence montante des États-Unis, il sera le témoin et protagoniste du changement de centre de gravité du marché de l’art. L’histoire tout court : l’art au cœur de la tourmente La dernière partie de l’exposition nous plonge dans l’histoire collective : « Hitler souhaite en même temps anéantir la modernité, qu’il nomme “Art Dégénéré”, et promouvoir un nouvel art nazi aux relents traditionnels » nous indique Isabelle Benoît. Pendant cette sombre période, près de 20.000 œuvres seront effectivement décrochées des musées allemands ou volées aux juifs, puis détruites, vendues ou conservées en vue d’échanges futurs. Le 21 rue de la Boétie n’échappe pas à ce sort : les biens sont confisqués, l’endroit est même transformé en officine de la propagande en 1941. Contraint à l’exil, Paul Rosenberg fonde alors une nouvelle galerie à New-York. Il refusera de racheter les œuvres raflées par les Nazis, lors de la vente de Lucerne en 1939, et sera partie prenante du combat pour la restitution des biens après-guerre grâce à un important travail de documentation pour l’État Français. En témoigne ce Baigneur et Baigneuses de Picasso : cette œuvre acquise à l’artiste, et volée à Paul Rosenberg en septembre 1941, fait partie des œuvres stockées au jeu de Paume par les Nazis jusqu’à sa restitution, en septembre 1945. Le regard d’une femme Anne Sinclair est la marraine de l’exposition : « Je suis heureuse au milieu des œuvres de mon grand-père, ici rassemblées », nous confie-t-elle.« Ces œuvres ont disparu, ont réapparu. On ne sait pas ce qu’elles ont vu, ce qu’elles ont entendu ou compris (…), cela restera un mystère », dit-elle, avant d’ajouter : « Tous les régimes totalitaires détestent l’art contemporain ». Après-guerre, son grand-père continuera de promouvoir de nouvelles avant-gardes (notamment Nicolas de Staël), tout en conservant de forts liens d’amitiés avec Picasso et Marie Laurencin. D’ailleurs, une belle synthèse de cet héritage familial et artistique nous est offerte dans la dernière salle de l’exposition. En effet, Anne Sinclair a alors quatre ans, quand Marie Laurencin peint son portrait en 1952. « La légende familiale raconte que je dis à la peintre, connue pour ses portraits aux regards sombres : Tu sais, moi, j’ai les yeux bleus. ». De grands yeux bleus, ouverts sur le monde. Clotilde Bednarek [Crédits Photo 1 : Pablo Picasso, Portrait de Paul Rosenberg, 1918-1919 © Succession Pablo Picasso 2017 / Photo 2 © Archives Paul Rosenberg & Co, New York / Photo 3 : Pablo Picasso, Baigneur et baigneuses, 1920-21 © Succession Picasso / Photo 4 : © Clotilde Bednarek] |
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