Bad Girls – FRAC Lorraine
Face aux visions binaires qui mènent tous les jours un peu plus dans l’impasse sociétale, leur mot d’ordre est l’insoumission ! Uppercut vivifiant contre l’attentisme ambiant, cette exposition déconstruit les opinions qui prennent trop souvent l’allure de savoirs et s’attaque à ceux qui refusent d’imaginer un avenir meilleur parce que différent.
Quand les Bad Girls dégainent leurs armes, c’est avec humour et insolence !
Sois belle et tais-toi !
Années 1970, « le personnel est politique ». La Bad Girl enlève le haut et même le bas. La nudité est l’arme de la revendication : mon corps m’appartient ! À bas les canons de beauté conjugués au masculin, vive le sexe libre.
Dans sa série Hommage à…, Lili Dujourie (1941, Gand, BE) reprend les poses des nus féminins qui abondent dans la peinture, la sculpture et la photographie : sous prétexte mythologique c’est l’occasion de renvoyer le spectateur à sa condition de voyeur.
Entre fascination pour l’instant suspendu et voyeurisme désabusé, le corps se découvre dans une impudeur indifférente qui flirte avec l’ennui.
Pour Change. My problem is a problem of a woman, ce sont des rides, des varices et des cheveux blancs qu’Ewa Partum (1945, Grodzisk Mazowiecki, PL) se fait peindre sur la moitié du corps, l’autre servant de témoin à sa métamorphose. Sa nudité demeure froide et impassible : elle campe la « vérité nue », dégagée des stéréotypes contradictoires du mythe virginal et du fantasme sexuel.
Ce sont justement des fantasmes, envies et pulsions secrètes qu’Annette Messager (1943, Berck-sur-Mer, FR) griffonne sur des feuilles de carnets qu’elle livre en vrac. Autobiographie, fiction… l’artiste mêle délicieusement les genres dans ses albums-collections : composé de 76 dessins érotiques, Mes dessins secrets dresse en filigrane le portrait d’une femme comme les autres.
Sois (re)belle et bats-toi !
Depuis toujours et sur tous les fronts, la Bad Girl se bat pour la cause commune : celle de l’humanité et de la justice. Jusqu’à faire de son corps une arme…
Dans le “doux foyer” où la gent masculine aime à la cantonner, elle fourbit les armes… Avec Semiotics of the kitchen, Martha Rosler (1943, New York, US) fait subir aux ustensiles de la bonne ménagère un sort contre-nature qui rend manifeste la frustration des femmes trop longtemps enfermées.
Quand Marina Abramovic (1946, Belgrade, ex-YU) s’empare d’un couteau dans Rhythm 10, c’est pour s’approprier un jeu viril et morbide, emblématique d’une humanité simultanément bourreau et victime d’elle-même. La tension est exacerbée par l’obsédante ponctuation sonore de la lame frappant le bois, qui brise le silence de la concentration et du suspens partagés.
Créée sous la dictature brésilienne, l’installation Entrevidas propose l’expérience intense d’un entre-deux de vie pour exorciser et subvertir la répression. Anna Maria Maiolino (1942, Scalea, IT) y réinterprète avec de simples oeufs le dilemme du choix entre la vie et la mort.
Mettant en abîme par l’absurde le slogan sioniste « une terre sans peuple pour un peuple sans terre”, Raeda Sa’adeh (1977, Um El-Fahem, Palestine) se représente dans Vacuum dans le cliché de la ménagère qui « prêche dans le désert ». Sous son action le paysage et la sphère domestique ne font plus qu’un pour la femme palestinienne en état permanent de colonisation sous le joug conjugué du patriarcat local, de la tradition, du colonisateur et de l’imagerie occidentale. À travers elle, ce sont aussi les efforts incessants du peuple palestinien pour survivre au quotidien qui transparaissent.
Artiste activiste de l’espace public, Lotty Rosenfeld (1943, Santiago, CL) est une des fondatrices du collectif CADA formé en 1979 au Chili en réaction à la dictature du général Pinochet (1973-1990). Affichés sauvagement dans la ville dans le cadre d’actions éclair, leurs “No +” (No mas…, Assez…) sont des incitations à la révolution repris en masse par la population lors du référendum de 1988. Symbole d’opposition et signe de transgression, la croix est aussi le motif réaffirmé dans les performances A thousand crosses on the road pour exiger, encore et encore, la fin de toutes les dictatures.
C’est la figure magnétique d’Andrea Wolf, martyre de la résistance kurde à l’état turc, qui est au coeur du film November. Sur un rythme haletant mêlant fiction et documentaire, Hito Steyerl (1966, Munich, DE) reconstruit la lutte du peuple kurde à l’aune de sa personne. Une démonstration brillante de la manière dont la diffusion de l’information et la conservation d’une mémoire peuvent aussi entraîner des déviances et manipulations idéologiques et communautaires.
Notre corps est une arme – grévistes de la faim ne montre pas le mouvement entamé par des prisonniers politiques fin 2000 pour protester contre l’iniquité de l’état turc, ni les morts, ni l’assaut mené par les forces policières pour y mettre fin. Mais tout est là, en latence, dans le face-à-face avec deux femmes, deux survivantes dont la gravité des regards et les tics corporels révèlent les dysfonctionnements et handicaps, mémoire ancrée au corps de la force de leur engagement. Clarisse Hahn (1973, Paris, FR) filme au plus juste ce combat inégal, cet acte de résistance des dépossédées qui refusent le seul droit qui leur reste, celui d’exister, pour faire de leur corps une arme.
Ainsi soit-iel !
Sans héritage ni testament la Bad Girl s’invente un avenir radieux, libre de toute assignation sociale, sexuelle et raciale.
Son histoire reste à écrire et surtout à vivre… Prenant pour point de départ les extraordinaires autoportraits photographiques d’une domestique anglaise de l’ère Victorienne, le duo Pauline Boudry / Renate Lorenz fait rejouer dans Normal Work certaines de ses poses et travestissements, s’affranchissant ainsi des hiérarchies sociales de genre, de classe et de race.
Pour N.O. Body, c’est la figure d’Annie Jones, célèbre femme à barbe américaine découverte par le cirque Barnum, qui est réactivée.
Quand l’objet étudié se met dans la peau du scientifique, c’est le rire qui lui permet de redérouler l’histoire depuis un point de vue inversé… Dans ces allers-retours permanents entre passé et présent, le performeur Werner Hirsch/Antonia Baehr s’arrête sur des moments queer effacés ou illisibles et les revisite dans une perspective éminemment contemporaine.
Bad Girls
Du 13 juillet au 20 octobre 2013
Du mardi au vendredi, de 14h à 19h
Samedi & dimanche, de 11h à 19h
Visite libre des espaces d’exposition
Visites guidées gratuites pour tous / sans réservation
Samedi & dimanche de 17h à 18h
FRAC Lorraine
1bis, rue des Trinitaires
57000 Metz
A découvrir sur Artistik Rezo :
– Les expositions de l’été 2013 en province
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