Manuel Álvarez Bravo – Jeu de Paume
Développée durant huit décennies, l’oeuvre photographique de Manuel Álvarez Bravo (Mexico, 1902-2002) constitue un jalon essentiel de la culture mexicaine du XX e siècle. À la fois étrange et fascinante, sa photographie a été souvent perçue comme le produit imaginaire d’un pays exotique, ou comme une dérive excentrique de l’avant-garde surréaliste.
L’exposition veut dépasser ces lectures. Sans nier le lien avec le surréalisme ou les clichés liés à la culture mexicaine, cette sélection de 150 images vise à mettre en lumière un ensemble spécifique de motifs iconographiques dans le travail de Manuel Álvarez Bravo : les reflets et trompe-l’œil de la grande métropole ; les corps gisants réduits à de simples masses ; les volumes de tissus laissant entrevoir des fragments de corps ; les décors minimalistes à l’harmonie géométrique ; les objets à signification ambiguë…
L’exposition porte ainsi un nouveau regard sur cette oeuvre, sans la restreindre à un ensemble d’images emblématiques avec leur lecture stéréotypée. Cette approche dévoile des aspects peu connus de sa photographie, d’une pertinence et d’une actualité remarquables.
Des images qui se muent en symboles ; des mots qui deviennent des images ; des objets qui agissent comme des signes ; des reflets qui deviennent des choses. À la manière de « syllabes » graphiques, ces thèmes reviennent de façon récurrente dans sa production photographique, de la fin des années 1920 au début des années 1980, imprimant à son oeuvre une intention et une structure du regard bien éloignées de la rencontre fortuite du « réel merveilleux » mexicain.
Au contraire, sa production constitue un discours poétique à part entière, autonome et cohérent, patiemment élaboré au fil du temps.
Or c’est justement cela, le temps, qui donne son unité au tissu imaginaire de la photographie d’Álvarez Bravo. Derrière ces images aussi poétiques que troublantes, telles des hiéroglyphes, se cache une intention cinématique permettant de rendre compte de leur qualité formelle, mais aussi de leur nature séquentielle : ne pourrait-on pas voir les photographies d’Álvarez Bravo comme les images fixes d’un film ?
L’exposition évoque cette hypothèse en confrontant ses images les plus célèbres à de courts films expérimentaux des années 1960, provenant de ses archives familiales. Sont également exposées une série d’images tardives à caractère cinématique, et une sélection de tirages couleurs et de Polaroïd. En partageant avec le public le processus d’expérimentation d’Álvarez Bravo, ce projet entend montrer que la qualité poétique de ses images procède d’une recherche permanente autour de la modernité et du langage. Sujette à l’ambiguïté sémantique, mais sous-tendue par une syntaxe graphique forte, sa photographie est une synthèse unique de l’expression locale mexicaine et du projet moderne. Dès lors, son œuvre illustre bien la construction multiple du modernisme à partir d’une pluralité de visions, de poétiques et d’arrière-plans culturels, et non d’une pratique centrale.
- Mardi 16 octobre, 18h : Table Ronde : Manuel Álvarez Bravo : Les images fixes d’un film ? Avec la participation de Laura González et Gerardo Mosquera, commissaires de l’expositionet Rita Eder et Alvaro Vázquez Mantecón, historiens de l’art.
- Mardi 27 novembre, 18h : Rendez-vous des mardis jeunes : parcours dans l’exposition par un conférencier du Jeu de Paume.
- Mardi 11 décembre, 18h : Visite de l’exposition par Gerardo Mosquera, commissaire de l’exposition.
Aux mêmes dates au Jeu de Paume :
– Muntadas, « Entre / Between »
– Filipa César, « Luta ca caba inda (La Lutte n’est pas finie) » (programmation satelite)
Laurent Grasso – Uraniborg
Commissaires : Laura González Flores et Gerardo Mosquera
Du 16 octobre 2012 au 20 janvier 2013
Le mardi de 11h à 21h
Du mercredi au dimanche de 11h à 19h
Fermeture le lundi, y compris les jours fériés
Entrée libre
Dans le cadre du Mois de la Photo 2012
Jeu de Paume
1, place de la Concorde
75008 Paris
M° Concorde
A découvrir sur Artistikrezo :
– Les grandes expositions parisiennes en octobre 2012 et décembre 2012
Articles liés
“Riding on a cloud” un récit émouvant à La Commune
A dix-sept ans, Yasser, le frère de Rabih Mroué, subit une blessure qui le contraint à réapprendre à parler. C’est lui qui nous fait face sur scène. Ce questionnement de la représentation et des limites entre fiction et documentaire...
“Des maquereaux pour la sirène” au théâtre La Croisée des Chemins
Victor l’a quittée. Ils vivaient une histoire d’amour fusionnelle depuis deux ans. Ce n’était pas toujours très beau, c’était parfois violent, mais elle était sûre d’une chose, il ne la quitterait jamais. Elle transformait chaque nouvelle marque qu’il infligeait...
La Croisée des Chemins dévoile le spectacle musical “Et les femmes poètes ?”
Raconter la vie d’une femme dans sa poésie propre, de l’enfance à l’âge adulte. En découvrir la trame, en dérouler le fil. Les mains féminines ont beaucoup tissé, brodé, cousu mais elles ont aussi écrit ! Alors, place à leurs...