Oleg Dou – Another Face – RTR Gallery
Chacun de ses portraits, criant de réalisme, déroute la raison exposée aux déformations d’organes, aux épidermes tuméfiés. La nature humaine, incarnée dans le visage et plus particulièrement dans le regard, y subit des agressions que l’émotion ne supporte pas. Manifestement les images ont bénéficié de prouesses techniques, — c’est notre bon sens qui l’affirme —, mais cela ne rassure pas ; tout est là pour suggérer la possible réalité de ces tortures.
Dans sa dernière série, justement intitulée « Another Face », (qui comporte 8 portraits), Dou pense au masque qu’on porte et qui devient, sans qu’on s’en rend pas compte, notre autre, ou notre vrai ? — « moi ». Et il va plus loin ; pour la première fois, il inscrit sans fard numérique les violences qu’il projette sur les visages. Du moins le croit-on. On pense enfin discerner de la vérité photographique ce que l’artiste inscrit comme un message supplémentaire. Sauf que les visages eux-mêmes ont été torturés – peaux glabres, peaux mortes —, et du coup deviennent une normalité parce que les ajouts apparents — trait de crayon rouge, motif de fond d’écran — piègent notre entendement : ce serait là le procédé, la face des modèles étant la réalité crue et finalement insupportable. La métonymie du visage pour désigner l’être n’en est que plus efficace, elle touche à notre Moi.
On ne peut s’empêcher d’évoquer une caractéristique de la création russe (Dostoievski, Eisenstein, ou même Tchekhov), si prompte à énoncer ou dénoncer les vérités les plus subtiles, avec cette brutalité que les occidentaux ont parfois tant de mal à accepter : une démonstration implacable et rectiligne de la fatalité inscrite dans notre condition humaine, imposée par un esthétisme rugueux, où le style est — apparemment — relégué au second plan.
Oleg Dou
Oleg Dou (né en 1983 à Moscou) est aujourd’hui représenté par des galeries en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne, en Russie, aux Etats-Unis. Son travail est publié dans de nombreuses revues internationales. Il est l’un des artistes russes les plus prometteurs de sa génération. L’une de ses images fait la couverture d’un livre Frozen Dreams: contemporary art in Russia, publié en 2011 par Thames & Hudson.
En 2011, la société Artprice, leader de l’information sur le marché de l’art, a classé Oleg Dou dans le top 3 des photographes de moins de 30 ans les mieux vendus en salle de vente publique.
Oleg Dou – Another Face
Du 5 janvier au 28 février 2012
Du mardi au samedi de 14h à 19h et sur rdv
Vernissage le jeudi 19 janvier à partir de 18h30, en présence de l’artiste
RTR Gallery
42, rue Volta
75003 Paris
M° Temple ou Arts et Métiers
[Visuel : Oleg Dou, Smile 2, de la série « Another Face », 2011. 120×120 cm, 3/8, tirage Lambda sous Diasec sur aluminium. Courtesy RTR Gallery]
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