Vaches Noires – Roland Topor
Topor est un artiste compulsif – je parle de lui au présent, car, comme le dit François Rollin dans la préface, « un génie, ça ne meurt pas ». « Je hante les rédactions de journaux, les maisons d’édition, les musées, les galeries d’art, les productions de cinéma, les administrations de théâtres. Je sens bien que j’en agace plus d’un » écrit-il ironiquement, avant de promettre sur un ton terriblement prémonitoire « vous n’entendrez plus parler de moi ». Et en effet, il est partout. On retrouve ses dessins étranges dans le magnifique dessin animé la Planète Sauvage, dans Hara-Kiri ou dans Bizarre. Sa nouvelle Le locataire chimérique a été adaptée au cinéma par Roman Polanski.
Vaches Noires, ce sont des petites nouvelles tellement courtes, mais tellement complètes. En deux pages et demie, tout ce qui devait être dit est dit. Sur la question des vaches noires (qui portent malheur), sur notre rapport au cosmos, sur les vieux (« je n’aime pas les vieux »), sur les répondeurs infidèles… On y trouve des conseils pour placer ses enfants dans une secte fiable, et on y apprend comment faire bonne figure dans les partouzes mondaines.
J’aimerais bien vous dire que Vaches Noires est un livre de chevet. On lit une, deux nouvelles, puis on repose délicatement le livre, on souffle la bougie avant de sombrer doucement dans le sommeil, l’esprit serein et la conscience tranquille. Sauf que non. Quand on a commencé ce livre, on le lit d’une traite, les mains tremblantes et le regard fiévreux. On est là, fasciné et un peu honteux, comme un môme qui aurait déniché un vieil exemplaire de Playboy. Impossible de détacher le regard. Et pourtant parfois on aimerait bien.
Ça part du drôle pour aller vers le cynique, en passant par l’absurde et le grotesque. Puis on arrive au glauque, à l’obscène, à l’insoutenable. Pas tout le temps… Chères âmes sensibles, ne vous abstenez surtout pas ! La plupart des nouvelles ne sont pas si méchantes, elles ont un bon fond. Comme ses dessins, c’est toujours un peu gratuit, certes. Mais Topor le dit lui-même dans ses mémoires, il est un vieux con. Mémoire d’un vieux con, c’est un autre de ses bouquins que Wombat réédite pour l’occasion. Je ne l’ai pas lu, alors je ne peux pas vous dire si c’est bien ou pas. Moi, je fais que transmettre l’info. Mais je pense que c’est bien.
Vaches Noires
Éditions Wombat
Collection « Les Insensés »
160 pages – 15 euros
ISBN : 9782919186051
Parution : 8 septembre 2011
Articles liés
“Riding on a cloud” un récit émouvant à La Commune
A dix-sept ans, Yasser, le frère de Rabih Mroué, subit une blessure qui le contraint à réapprendre à parler. C’est lui qui nous fait face sur scène. Ce questionnement de la représentation et des limites entre fiction et documentaire...
“Des maquereaux pour la sirène” au théâtre La Croisée des Chemins
Victor l’a quittée. Ils vivaient une histoire d’amour fusionnelle depuis deux ans. Ce n’était pas toujours très beau, c’était parfois violent, mais elle était sûre d’une chose, il ne la quitterait jamais. Elle transformait chaque nouvelle marque qu’il infligeait...
La Croisée des Chemins dévoile le spectacle musical “Et les femmes poètes ?”
Raconter la vie d’une femme dans sa poésie propre, de l’enfance à l’âge adulte. En découvrir la trame, en dérouler le fil. Les mains féminines ont beaucoup tissé, brodé, cousu mais elles ont aussi écrit ! Alors, place à leurs...