Utopia 1900-1940. Visions d’un monde nouveau – musée de Lakenhal
L’exposition « Utopia » vient rappeler et mettre en lumière l’importance de tels enjeux pour l’art du XXème siècle avec une sélection de chefs-d’œuvre issus de collections néerlandaises et internationales, à même d’ouvrir de nouvelles perspectives pour le visiteur du 21ème siècle.
L’exposition « Utopia » réunit en effet un corpus d’œuvres par les plus grands noms de l’art moderne dont, et entre autres, Kazimir Malevitch, Emil Nolde, Ernst Ludwig Kirchner, Franz Marc et El Lissitzky. Touchant aux domaines de la peinture, du cinéma, de l’architecture, de la danse, du théâtre, du design et de la photographie, ces œuvres seront, pour un grand nombre d’entre elles, pour la première fois présentées au public. Le Centre Georges Pompidou à Paris, l’Albertina de Vienne ou la Kunsthalle de Hambourg ont également consenti d’importants prêts faisant d’« Utopia », une exposition unique et jusqu’ici inédite.
« Utopia » s’inscrit à la suite du succès de l’exposition « Theo van Doesburg et l’Avant-garde internationale » qui avait été présentée en 2009 au Musée Lakenhal de Leyde. Organisée en collaboration avec la Tate Modern de Londres, celle-ci avait été élue l’une des meilleures expositions de l’année par le magazine Artforum.
UTOPIE
La notion d’utopie a été conceptualisée dès 1516 par le philosophe humaniste et théologien anglais Thomas More (1478 – 1535). Dans son livre L’Utopie, More dépeint une société idéale située sur une île imaginaire. Pour quelles raisons l’idée d’une nouvelle forme de vivre ensemble utopique fut-elle relancée au début du 20ème siècle ? Car, dès avant la Première Guerre mondiale, l’Europe vit l’affirmation d’une revendication forte en vue d’un changement radical de société, les artistes estimant de leur vocation et de leur devoir d’être aux avant-postes d’une véritable révolution à venir, une révolution à même de transcender les frontières et les différentes disciplines artistiques.
OPPOSITION FONDAMENTALE
Artistes constructivistes et expressionnistes formalisèrent alors leurs ambitions utopiques par le biais de virulents manifestes appelant à une rupture totale avec le passé afin de bâtir une société nouvelle. De la petite cuillère aux gratte-ciels, les créateurs se mirent à dessiner l’univers de « l’Homme nouveau ». Et ce, non seulement dans les domaines de l’art et du design mais aussi dans ceux du théâtre, de la danse et du cinéma. Tous se trouvèrent investis de la mission de promouvoir cette vision nouvelle de l’homme nouveau. Mais les idéaux collectivistes des constructivistes devaient vite entrer en totale contradiction avec la primauté de la liberté individuelle – et émotionnelle – que défendaient les expressionnistes. Et l’opposition fondamentale de ces deux piliers conceptuels de l’art moderne devait, par la suite, déterminer de nombreux développements en art au 20ème siècle. Cette intense période laissa derrière elle un héritage durable notamment en ce qui concerne la définition du rôle de l’artiste dans la société – un rôle dont la pertinence est toujours d’actualité.
EXPRESSIONNISME
Dans leur quête de liberté et d’originalité, les expressionnistes trouvèrent alors une grande source d’inspiration auprès des cultures dites primitives dont ils découvraient les témoignages au sein des premiers musées d’ethnographie. De telles influences étant clairement perceptibles dans les peintures de Jan Sluijters, d’Ernst Ludwig Kirchner ou d’Emil Nolde, mais aussi dans des photographies de personnes nues – assises, dansant ou fumant – que ce soit dans des intérieurs ou par le biais de la fameuse Ausdrucktanz que les performances de Rudolf von Laban et Mary Wigman aidèrent à faire connaître. L’influence de l’expressionnisme au cinéma se caractérisa d’autre part par des effets marqués entre lumière et obscurité, l’intensité des émotions, un maquillage très souligné, les gestes grandiloquents et spectaculaires des personnages. À ce titre, le cinéma occupe une place particulièrement importante au sein de l’exposition.
CONSTRUCTIVISME
La Révolution russe de 1917 devait focaliser tous les espoirs des mouvements progressistes en favorisant l’émergence d’ « une nouvelle conscience du temps» comme le formula en quatre langues Theo van Doesburg à Leyde en 1918. Les constructivistes russes, de concert avec les futuristes italiens, les artistes du mouvement De Stijl aux Pays-Bas et ceux du Bauhaus à Weimar étaient tous animés par le même désir de créer un monde entièrement nouveau au moyen d’un vocabulaire visuel international, réduit à des formes géométriques abstraites, s’appliquant à toutes les disciplines artistiques. L’exposition vise ainsi à montrer comment ces « bâtisseurs de la vie nouvelle » revendiquèrent une fusion de l’art et de la vie et souhaitèrent développer un langage pictural tout à la fois singulier et accessible. Des peintres, tels El Lissitzky ou Franz Wilhelm Seiwert s’attachèrent à la représentation de l’homme universel au sein d’un monde mécanisé tandis que des compositeurs firent appel au son des machines dans leurs œuvres; le design et le mobilier reflétant quant à eux la production mécanisée dont ils étaient issus tandis que le théâtre et la danse figuraient des êtres humains mécaniques dans des scénographies constructivistes. Les films de cinéma célébraient quant à eux une fascination générale pour la machine et présentaient la vie moderne dans le cadre d’une architecture nouvelle, dominée par les principes de la rationalité et des mathématiques. En 1920, l’architecte Le Corbusier devait énoncer avec justesse : « Une grande époque vient de commencer ».
WENZEL HABLIK, LAVINIA SCHULZ & WALTER HOLDT
L’exposition « Utopia » est également l’occasion de découvrir le travail d’artistes moins connus tel Wenzel Hablik, un artiste hambourgeois qui s’attacha à décliner un univers constructiviste très personnel en peintures, bijoux, tissus, éléments de décoration, ustensiles, etc. Grace à « Utopia», les multiples facettes de son travail seront exposées pour la première fois aux Pays-Bas. Il en ira de même des hallucinants costumes (« masques de corps ») du couple de danseurs Lavinia Schulz et Walter Holdt.
UTOPIA, HORS LES MURS
L’imagination utopique débordera le cadre du musée de Lakenhal pour servir de support à de nombreuses collaborations spéciales et à un riche programme d’événements. Celui-ci comprendra notamment la projection d’un des premiers films russes de science-fiction Aelita (1924) combinée avec un concert de musique pop électronique au Stadsschouwburg de la ville en coopération avec le Festival International du Film de Leyde.
En guise de prologue à l’exposition, le musée ouvrira ses portes durant le nouveau festival Night of the Arts and Knowledge la nuit du 14 septembre. Studium Generale | Universiteit Leiden y organisera une série de conférences et la Galerie LUMC présentera une exposition intitulée « Living in Utopia ». Programme complet disponible en ligne sur www.lakenhal.nl
CATALOGUE
L’exposition sera accompagnée d’un catalogue publié en néerlandais et en anglais, aux éditions nai10 de Rotterdam. Il comprendra des textes de : Prof Christina Lodder, dr. Gregor Langfeld, drs. Doris Wintgens Hӧtte, et Judit Bozsan, M.A.
Disponible à partir de septembre 2013, Ned | ISBN 978-94-6208-101-7 Eng | ISBN 978-94-6208-102-4. MÉCÉNAT
Musée de Lakenhal
Oude Singel 28-32
Leyde
Pays-Bas
[Visuel : Kazimir Malevitch, Deux figures dans un paysage, de 1931 à 1932. Merzbacher Kunststiftung]
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