Une île flottante à déguster avec bonheur
Une île flottante Mise en scène de Christoph Marthaler Avec Marc Bodnar, Carina Braunschmidt, Charlotte Clamens, Raphael Clamer, Catriona Guggenbühl, Ueli Jäggi, Graham F. Valentine et Nikola Weisse Jusqu’au 29 mars 2015 Du mardi au samedi à 20h, dimanche 15h Tarifs : de 6€ à 38€ Réservation 01 44 85 40 40 Durée : 2h20 Odéon-Théâtre de l’Europe |
Jusqu’au 29 mars 2015
Le metteur en scène suisse Christoph Marthaler a encore sévi. Avec des comédiens virtuoses et multicartes, il extrait de « La Poudre aux Yeux » d’Eugène Labiche la substance d’un spectacle à la folie douce, où des personnages comme des oeufs sucrés flottent dans un océan de bêtise lactée. Délicieusement dingo ! La recette Au départ, la recette d’une ile flottante requiert des blancs d’oeufs montés en beige, du lait et du sucre, et pas mal de doigté. Eugène Labiche avait un père fabriquant de sirop réputé. Aimait-il les îles flottantes ? Le metteur en scène Christoph Marthaler s’en amuse et fait littéralement exploser la recette, il en place même sur une vieille radio. Ce délicieux dessert apprécié des enfants allie la légèreté de la mousse à l’aspect visqueux de la crème anglaise. De la fantaisie, de la légèreté, du burlesque bien lourd, des blagues enfantines et un ridicule assumé, il y’a de tout cela dans le formidable spectacle que nous jouent les huit comédiens en transformant le vaudeville de Labiche en un chapelet de dialogues aussi absurdes que chez Beckett ou Ionesco. Cacophonie polyglotte Labiche fait se rencontrer deux familles, les Malingear et les Ratinois, dans le but de marier leurs enfants. Les uns ont une fille, Emeline, qui ne cesse de faire du gringue à Frédéric le fils Ratinois. Mais les deux familles se font mousser mutuellement pour paraître supérieures, soit par la notoriété du cabinet médical de Malingear, soit par les professeurs de musique émérites d’Emeline. S’en suivent des échanges hilarants et trempés dans de l’acide qui font des bourgeois de Louis-Philippe d’émérites imbéciles aussi infatués d’eux-mêmes que Bouvard et Pécuchet. Dans le spectacle, après un prologue incompréhensible où chacun des personnages, en français, allemand ou suisse allemand, prononce ses répliques à la vitesse d’une mitraillette, on plonge dans un univers déjanté à souhait ou chacun parle sa langue et les objets se vengent. Un décor boursouflé d’objets Bibelots divers et inutiles, verroteries kitsch, animaux empaillés, tapis et rideaux innombrables, l’appartement qui sert de décor est étourdissant de lourdeur. Et les huit comédiens qui évoluent ensuite en distordant le temps, en allongeant les silences comme s’ils étaient shootés à l’éther, se prennent aussi très rapidement les pieds dans les tapis, se retrouvant à galipette sur un bureau ou suspendus à une harpe ! L’absurde et la bêtise croqués par Labiche est ici démultipliée par la folie de cette troupe qui ose tout, franchissant les limites du politiquement correct et des conventions bourgeoises. Le choc des langues -les Malingear sont français et les Ratinois allemands- ajoute à la provocation. Ils communiquent donc sans se comprendre et finissent par d’étonnants numéros de clowns burlesques, entre le délire très calme de Jacques Tati et celui plus bruyant de Laurel et Hardy. Tous les comédiens sont bien sur formidables, surprenants et orignaux dans ce qu’ils inventent sur la scène, chanteurs épatants, et à condition de se laisser aller à déguster la saveur un peu alcoolisée de cette île flottante, on sort de ces deux heures 20 de spectacle heureux et conquis. Hélène Kuttner [ Crédit Photos : Simon Hallström] |
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