Un regard de cinéma sur l’Afrique du Sud – Jeu de Paume
Tenter de dessiner un portrait de ce pays au passé cinématographique « plein de bruit et de fureur » et au présent toujours fragmenté, c’est se résoudre, dans un premier temps, à un point de vue historique pour évoluer ensuite vers l’approche d’une nouvelle génération de cinéastes et de producteurs, qui entretiennent aujourd’hui des échanges complexes et stimulants avec leurs confrères des pays avoisinants ou immigrés en Afrique du Sud.
Le premier volet se compose des images bouleversantes de Come Back Africa du New-Yorkais Lionel Rogosin, du regard innocent d’un enfant sur les rapports de servitude dans The Burning de Stephen Frears ou de la satire sanglante d’un régime raciste dans Rhodesia Countown de Michael Raeburn.
Dans le second volet intitulé « Transgresseurs », proposé par Rasha Salti du 1er au 10 décembre 2013, les spectateurs peuvent découvrir l’oeuvre de cinéastes venant du Nigeria, du Congo, de la Côte-d’Ivoire, du Burkina Faso et du Sénégal qui ont trouvé refuge en Afrique du Sud, pays qui ambitionne de devenir un lieu de choix pour les talents de la réalisation et de la production sur le continent africain. Ainsi, sont présentés des films qui ont « voyagé » dans de nombreux festivals internationaux dont Viva Riva de Djo Munga et Man on Ground d’Akin Omotoso.
Enfin, du 21 au 26 janvier 2014, une fenêtre entrouverte sur le Festival international du Film de Durban (DIFF), permet de faire découvrir des fictions et des documentaires inédits et remarqués au cours de cette manifestation qui se déroule à Durban à la fin du mois de juillet 2013.
La tradition documentaire anti-apartheid est très riche à partir des années 1970 et laisse émerger des films « passages de témoin » comme Chroniques sud-africaines de l’Atelier Varan de Johannesburg, mais aussi des fictions qui mettent en scène des « révolutions » de société comme The Grass Is Singing de Michael Raeburn ou Mapantsula d’Oliver Schmitz. Le film Come Back Africa de Lionel Rogosin a été tourné clandestinement en 1959 à Sophiatown, faubourg de Johannesburg au moment où le gouvernement a décidé de détruire 50 000 foyers noirs pour construire une banlieue réservée aux Blancs.
C’est dans ce quartier devenu le symbole de la résistance culturelle que naît le magazine Drum, véritable arme médiatique évoquée par le film éponyme de Zola Maseko tandis que les artistes Claudia et Jürgen Schadeberg font surgir des archives de cette génération de critiques, auteurs, musiciens, chanteurs, danseurs dans Have you seen DRUM recently ?
A près l’abolition de l’Apartheid en 1991, le cinéma militant accompagne une nouvelle ère sociale et politique dans des lieux symboliques tels que le township de Soweto à Johannesburg. On le retrouve dans une fiction d’Oliver Schmitz, Hijack Stories ou dans un documentaire qui retrace l’histoire de ces années sombres, Amandla! (Power to the People !).
A la même période, des films de fiction mettent en avant les aspects les plus troubles de la société de l’aprèsapartheid comme le sida dans Le Secret de Chanda d’Oliver Schmitz, le crime, le pardon, dans Fools de Ramadan Suleman, tandis qu’apparaissent des biographies filmées de Nelson Mandela, devenu une icône vivante.
A partir des années 2000, la commission « Vérité et Réconciliation », qui par le biais de confessions publiques a pour objectif la réconciliation nationale, cherche à provoquer dans la société une catharsis, explorée dans de nombreux films de fiction dont Nothing but the Truth de John Kani ou Zulu Love Letter de Ramadan Suleman.
Aujourd’hui, au milieu du clivage des productions de films orientés vers des publics spécifiques et étanches ou de grosses productions internationales, apparaissent de jeunes cinéastes atypiques et de grand talent, comme Oliver Hermanus et son très beau film, Beauty, sur l’inassouvissement du désir ou Khalo Matabane, réalisateur de nombreux documentaires et d’un premier long métrage de fiction, State of Violence, reprenant les vieux démons de l’oubli et de la vengeance, dans un style brillant et novateur.
Sur le point de fêter vingt années de démocratie, l’Afrique du Sud se livre, non sans un certain désenchantement, à une analyse sobrement critique des promesses qu’avait portées la fin de l’apartheid. Le pays n’a pas réussi à mettre fin aux injustices systémiques dont il a hérité, mais – et c’est là l’un des grands mérites de sa transformation –, il a réintégré toute sa place dans le continent africain. Forte d’une relative stabilité politique et d’une certaine prospérité économique, l’Afrique du Sud est devenue un pays de destination pour les migrants qui, à la recherche d’un travail, de meilleures conditions de vie ou d’un asile politique, font le choix d’un pays africain
proche plutôt que de la lointaine Europe.
De son côté, elle a cherché à consolider son pouvoir sur le continent et à étendre son influence dans les sphères politiques, économiques et culturelles. C’est ainsi que le Festival international du film de Durban et le Festival Encounters du cinéma documentaire sont devenus des temps forts et des événements fédérateurs dans l’univers de la production cinématographique du continent. L’industrie cinématographique du pays étant un secteur économique actif et prospère, les réalisateurs et producteurs du Nigeria, du Zimbabwe, du Mozambique et d’autres pays affluent à la recherche d’opportunités nouvelles. Inversement, les producteurs et réalisateurs sud-africains traversent les frontières en quête d’histoires, de voix et de visions dans le contexte de réalités et d’expériences très différentes des leurs.
À divers titres, ces productions cinématographiques transfrontières annoncent des directions et expriment des préoccupations inédites ; elles résonnent d’une poétique et d’une esthétique nouvelle, bousculent les façons de voir, de raconter et de filmer. « Transgresseurs » présente sept films contemporains qui commencent par franchir les frontières géographiques et allégoriques, et qui, fondamentalement, osent dissiper les inhibitions, faire fi des prohibitions et dessinent les contours d’un cinéma nouveau, transgressif. Dans la transgression, il y a rupture, mais aussi émancipation, liberté et découverte d’horizons nouveaux.
Manifestation organisée dans le cadre des Saisons Afrique du Sud – France 2012 & 2013
La France accueille l’Afrique du Sud de mai à décembre 2013, après y avoir été invitée en 2012. De mai à décembre 2013, elle propose au public français une plongée dans l’Afrique du Sud d’aujourd’hui – jeune démocratie florissante qui continue de panser les plaies des oppressions passées et qui, chaque jour, avance pour conforter sa place parmi les pays émergents. Dans une centaine de villes, plus de deux cent manifestations artistiques et culturelles mais aussi scientifiques,techniques, gastronomiques ou encore économiques, sportives et touristiques témoignent de la diversité sud-africaine.
Un regard de cinéma sur l’Afrique du Sud
Du 5 novembre 2013 au 26 janvier 2014
Le mardi de 11h à 21h
Du mercredi au dimanche de 11h à 19h
Jeu de Paume
1, place de la Concorde
75001 Paris Paris
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