Trabalhar Cansa
Helena réalise un vieux rêve : ouvrir un petit commerce. Elle loue un local abandonné et monte son affaire. Mais son mari Otávio perd subitement son travail et toute la famille est fragilisée.
Au même moment, l’installation de l’épicerie ne se fait pas sans problème : des produits disparaissent, une odeur étrange imprègne le local et une tâche sur le mur ne cesse de grandir. Le local semble prendre vie, dans un climat qui perturbe toutes les personnes présentes, à commencer par Helena et sa famille.
D’après Juliana Rojas et Marco Dutra
« Trabalhar Cansa est le fruit d’une collaboration de plus de dix ans. Nous nous sommes rencontrés lors de notre première année d’école de cinéma, où nous avons travaillé sur nos premiers exercices vidéo. Lors de nos premiers excercices, notre approche contenait déjà des éléments d’épouvante, même si cela tenait alors plus de la plaisanterie. Avec les années, nous avons continué à travailler ensemble et nous avons co-réalisé O Lençol Branco, notre premier court-métrage à être plus largement diffusé.
Autant lors de la pré-production que lors du tournage, nous ne nous divisons pas le travail : nous restons tous les deux en contact avec l’ensemble de l’équipe et des acteurs. Nombre d’entre eux sont des amis et des collaborateurs de longue date – nous travaillons au sein d’un collectif appelé Filmes do Caixote. La majorité de l’équipe technique et artistique de Trabalhar Cansa avait déjà travaillé avec nous sur nos courts-métrages et cela s’est ressenti sur le tournage. Dix ans de travail commun ont renforcé notre capacité à comprendre les souhaits de chacun et nous aide à les faire coïncider dans un film. C’est très agréable de pouvoir partager nos doutes et nos désirs lors du tournage. Le résultat est que nos films ne représentent pas chacune de nos voix, mais notre collaboration, et c’est très enrichissant.
Depuis que nous avons commencé à faire des films ensemble, nous avons essayé d’instaurer un dialogue avec le cinéma d’horreur et le cinéma fantastique. Nous aimons ces formes d’expression depuis notre enfance, mais elles ne sont pas beaucoup explorées par le cinéma Brésilien. Nous sommes aussi intéressés par la manière dont un genre peut être utilisé comme filtre pour discuter et mettre en lumière des sujets qui ne lui sont pas propres, parce que notre intérêt en tant que réalisateurs est le sujet lui-même, plus que l’un ou l’autre style.
Pour Trabalhar Cansa, notre premier long-métrage, nous avons cherché à affiner cette perspective en racontant à quel point le travail – ou l’absence de travail – peut affecter les relations familiales et personnelles. Une histoire avec ses propres nuances macabres, qui ont leur racines dans la vie quotidienne et l’univers domestique des personnages. Nous voulions explorer la manière dont la famille est affectée lorsque survient une inversion des rôles qui bouleverse les habitudes.
Ce que nous recherchons, ce sont les rapports entre le sujet et ses propres éléments morbides, plutôt que d’appliquer simplement les clichés du cinéma d’horreur à nos films. Cela ne veut pas dire que nous n’aimons pas les conventions du genre, mais nous essayons de trouver un moyen pour qu’elles aient un sens par rapport aux histoires que nous racontons. C’est le cas pour Trabalhar Cansa. C’est dans les éléments de suspense que la dépression d’Helena prend le mieux tout son sens.
Nous voulions aussi raconter une histoire sur l’importance du travail et le pouvoir économique dans la société, à travers un portrait de la classe moyenne en Amérique Latine. Et le Brésil est l’un des pays à plus forte croissance au monde. Bien que ça n’ait pas été dans nos esprits une source directe d’inspiration, cela se retrouve dans la décision soudaine d’Helena de monter sa propre affaire et de devenir entrepreneur. D’un autre côté, Paula, l’employée de maison, représente un aspect traditionnel récurrent du Brésil moderne. Paula et Helena entretiennent un type de relations de travail extrêmement hiérarchique qui est très typique du Brésil. C’est un héritage de notre période esclavagiste, qui s’est terminée très tard au Brésil, en 1888. En même temps, les thèmes du chômage, de l’entrepreunariat et des femmes devenant chefs de famille sont très communs, non seulement au Brésil, mais également dans toutes les grandes villes.
Nous avons senti que les moments les plus dramatiques de Trabalhar Cansa devaient surtout venir des relations de pouvoir, et de pouvoir économique, entre les personnages. C’est évident lors des différentes scènes entre employeur et employé, mais c’est également prégnant lors des scènes de famille. S’il y a de fait un mur entre relations de travail et relations personnelles, il s’agit d’une barrière fragile. Le résultat, espérons-nous, est un film qui dérange non seulement dans son approche de la vie d’une famille de classe moyenne en crise, mais aussi par l’atmosphère morbide qui entoure les personnages. Il y a quelque chose de terrifiant dans la vie quotidienne de chacun des personnages, dans leurs inquiétudes et leurs espérances. »
Trabalhar Cansa
Film écrit et réalisé par Juliana Rojas et Marco Dutra
Avec Helena Albergaria, Marat Descartes, Naloana Lima, Marina Flores
Brésil – 2011 – 99 min
Couleurs – 35 mm – VOSTF
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