Thibault Hazelzet – La Chambre – Galerie Christophe Gaillard
La Chambre Œuvres de Thibault Hazelzet Du 13 février au 26 mars 2016 Vernissage le 13 février de 18h à 21h Entrée libre Galerie Christophe Gaillard |
Du 13 février au 26 mars 2016
« Ce mardi-là, je m’éveillai au moment sans âme et sans grâce où la nuit s’achève tandis que l’aube n’a pas encore pu naître. Réveillé en sursaut, je voulais filer en taxi à la gare, il me semblait que je devais partir, mais à la dernière minute je compris avec douleur qu’il n’y avait en gare aucun train pour moi, qu’aucune heure n’avait sonné. » Witold Gombrowicz – Ferdydurke (…) Car comme tu peux l’imaginer, à cette heure-là, je n’avais pas encore réussi à savoir s’il s’était réellement passé quelque chose. Si quelqu’un avait vécu là, trouvé refuge entre ces murs, quelques jours, peut-être, seulement, à l’occasion d’un séjour provisoire. Si une rencontre importante, lors de cette occupation d’espace particulière, individuelle, pourrais-je dire, avait pu avoir lieu. Devant ces grandes fenêtres sans rideau, à proximité d’une chambre photographique poussée dans un coin, entre un fauteuil aux allures de chaise longue et une vieille chaise Bertoia. Si une rencontre avait pu se faire, tu comprends. Ou un drame advenir. Une situation extrême. Le premier point d’une crise qui aurait vu le jour, allant en augmentant, sans cesse, le plus simplement du monde, sans un instant fléchir, jusqu’à un paroxysme. Provoquant alors l’arrêt d’un temps en marche, tu vois : l’idée d’une implosion. Ou bien, pourquoi pas, gardons-nous, veux-tu, des dénouements hâtifs, la seule expression d’une parole, d’une pensée, qui aurait, ce genre de choses arrive, laissé planer sur place, pour un temps indéterminé, l’empreinte et la charge d’une suite de phrases, d’à peine quelques mots. Je ne savais pas encore, je dois bien l’avouer, si la sensation d’absence et de présence tout à la fois, de plein et de creux mêlés, l’impression d’étrangeté que j’ai ressentie en entrant, instantanément, pouvait être le signe d’une — quoi, comment dire — présence perdue ? D’une vie oubliée ? D’un mystère à déceler. D’une existence à réécrire. A reconsidérer. Le plus justement possible. Vois-tu, un peu comme au sein d’une série photographique de Thibault Hazelzet. Annonciation. Ascension. Jugement dernier. La Parabole des Aveugles… J’ai donc ouvert la porte, te dis-je. Un drôle de silence m’a sauté aux oreilles. Le lieu était désert. Net mais abandonné. Figé dans une configuration qui pouvait laisser penser à tout, vraiment, sauf à l’éventualité d’un hasard. Quelqu’un était venu. Avait vécu ici. Et à peine cette porte ouverte, l’éclat de la lumière me frappant au visage, ces mots de Bram van Velde. Clairs et inattendus. Comme une voix qui fuse. Une drôle d’incantation : « J’ai besoin d’aller vers l’illogique. Ce monde où l’on vit nous écrase. Il est toujours régi par les mêmes lois. Il faut créer des images qui ne lui appartiennent pas. Qui soient totalement différentes de celles qu’il nous propose. » Virulence des resurgissements intérieurs. Que veux-tu. J’ai refermé la porte. Mon esprit chargé de ces paroles remises en mouvement. Elles ont continué, quelques minutes, à tourner comme des volées de guêpes. Quelque chose se passait. C’était indéniable. Une réaction en chaîne, comme activée. En plein milieu de cette nappe de silence qui gagnait encore, comme je restais immobile, davantage d’épaisseur. C’est là qu’elles me sont apparues. Sorties de je ne peux dire où. Dispersées de manière totalement invraisemblable. Des points de densité déséquilibrant l’endroit et le moment, créant des phénomènes de distorsion. Echevelées et tumultueuses. Tu comprends. Se détachant dans l’espace. Au mur ou sur des socles. Des grandes. Des plus petites. Fluides. Coulant, s’effilochant, saisies en plein mouvement. A la fois sauvages, dignes, farouches, aristocratiques. Brutes et pourtant raffinées. Tu vois. Elles semblaient vouloir se soustraire à mon regard. J’ai fait mine de passer mon chemin. Les contournant comme je pouvais, m’approchant, dans une sorte d’alcôve, au fond, de quelques encadrements : Hans Bellmer, Pierre Molinier, Arnulf Rainer. Et au sol, juste à côté, des paquets de tissus, en vrac, de vêtements, des barres de graphite, des sticks de peinture. Et puis, avant de revenir vers ces présences qui semblaient s’être animées dans mon dos — je sentais leurs mouvements — j’ai aperçu, dans un autre renfoncement de la chambre, un groupe de statues Mumuye. Tu imagines ma surprise : elles me regardaient dans les yeux. (…) Manuel Piolat Soleymat – Qu’aucune heure n’avait sonné [Crédit visuel : © Thibault Hazelet, Sculpture H, 2015, Céramique, plâtre, bois, peinture, tissu et éléments divers, 110 cm , Pièce unique // Source texte : communiqué de presse] |
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