Trahisons – Théâtre Le Lucernaire
Robert, l’agent littéraire, est marié à Emma, la galeriste, qu’il trompe régulièrement depuis son mariage. Jerry, l’éditeur associé de Robert dont il est le meilleur ami, est quand à lui marié à Judith. Mais Jerry aime Emma et Emma aime Jerry. Ils s’aiment au point de vivre une liaison charnelle pendant plusieurs années.
On aurait tendance à croire au vu de ces quelques lignes que l’on se trouve là dans un vaudeville de premier ordre à la Georges Feydeau mais bien au contraire, il n’en est rien. Point d’amant dans le placard ou de maîtresse sous le lit, point de cris assourdissants ou de rires à gorges déployées, tout ici est dans le non-dit, dans le contrôle, dans la maîtrise des silences qui en disent long et qui laissent au spectateur le soin d’interpréter et de comprendre. Interpréter et comprendre, il doit aussi le faire en se rendant compte que la pièce ne commence pas au début de l’histoire mais en sa fin. Ainsi, on remonte peu à peu dans les souvenirs passés d’un amour caché, qui donneront lieu à des scènes émouvantes, drôles et parfois même à quelques reprises, perfides. Le spectateur jouit alors de l’avantage d’être extérieur à l’histoire ; ce qui lui permet la compréhension d’un texte subtil et d’une profonde vérité psychologique.
Depuis sa création en 1978 le texte du dramaturge et Prix Nobel britannique Harold Pinter, a été présenté sur scène à de nombreuses reprises. Aujourd’hui reconnu comme une des plus éminentes figures du théâtre anglais de la seconde moitié du XXe siècle, l’auteur signe avec Trahisons, une de ses pièces les plus importantes. Caractéristique de son travail empreint de retenu et de non-dits, nous sommes ici en présence d’un texte à première vue froid et mystérieux mais qui cache une chaleur des plus humaines : l’amour.
Par une mise en scène épurée et sans grands artifices, Mitch Hooper qui avait déjà travaillé sur ce texte en 2000 et qui a été l’assistant d’Harold Pinter pour la mise en scène d’une autre pièce (Ashes to Ashes au Théâtre du Rond Point), parvient avec brio à focaliser toute l’attention du spectateur sur le jeu des acteurs.
Entre mensonges et manipulations, les acteurs de Trahisons nous font jubiler de plaisir en jouant d’une manière si juste que l’on se trouve transporté en Grande-Bretagne et que le temps semble s’arrêter tout autour. Saluons à ce propos le jeu de Sacha Petronijevic (Robert) qui paraît avoir entièrement assimilé l’idée d’un flegme typiquement britannique. Quand à l’actrice Delphine Lalizout (Emma), elle sait dans son silence et son attitude impassible, rendre compte de l’état de ses sentiments face à un mari, s’amusant avec une certain plaisir sournois, des mensonges qui mettront mal à l’aise l’amoureux transit et l’ami torturé qu’interprète Anatole de Bodinat (Jerry).
Dans ce jeu de non-dits et de mensonges des personnages, le spectateur pourra éprouver un plaisir presque malsain, assez similaire à celui d’un lecteur des Liaisons Dangereuses de Laclos, à démasquer chacun des protagonistes de Trahisons dans ses travers. Il aura également le plaisir de constater que l’amour reste aujourd’hui encore, le sujet le plus universel qu’il soit.
Jonathan Hoenig
Trahisons
Traduction par Eric Kahane
Mise en scène de Mitch Hooper
Avec Anatole de Bodinat, Delphine Lalizout, Sacha Petronijevic, Rodolphe Delalaine et Hervé Masquelier
Jusqu’au 28 novembre 2010
Du mardi au samedi à 20h
Le dimanche à 17h
Plein tarif : 30 euros // Tarifs réduits : séniors : 20 euros
– de 26 ans, chômeurs : 15 euros / enfants : 10 euros
Réservations : 01.45.44.57.34 ou sur le site du théâtre
Durée : 1h20
Théâtre du Lucernaire
53, rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris
M° Notre Dame des Champs ou Vavin
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