L’augmentation – Guichet Montparnasse
Demander plus pour… travailler plus ? Des neurones, sûrement ! Des zygomatiques, tout autant ! De fait, si la proposition – L’art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation – reste aussi actuelle qu’universelle, elle est ici formulée par Georges Pérec. Grand écrivain s’il en est, mais encore activiste narquois de l’OuLiPo (le fameux Ouvroir de Littérature Potentielle, fondé en 1960 par Raymond Queneau). C’est dire si la langue de son texte – paru en décembre 1968 puis adapté au théâtre en 1970 sous le titre L’augmentation – est à la fois loufoque, quotidienne et… expérimentale !
Pas toujours simple à entendre, encore moins à jouer, donc… Le gentil savant qu’est Pérec n’aime rien tant que l’utilisation de contraintes formelles, littéraires et/ou arithmétiques, pour questionner le monde. En l’occurrence, le monde de l’entreprise avec cette histoire de sous-commis principal vraisemblablement essoré, sinon exploité, par le système. Ainsi, l’idée de sa « pièce », c’est d’épuiser (d’exploiter à son tour) toutes les possibilités, toutes les bifurcations, toutes les alternatives (ou bien…) qui s’offrent à lui, une à une, pour demander un peu plus de salaire. Entre rires et longueurs (parfois), on est bel et bien dans… l’augmentation progressive du texte, en tout cas !
70’s
Pour ce faire, six personnages (la proposition, l’alternative, l’hypothèse positive, l’hypothèse négative, le choix, la conclusion) sont distribués à trois comédiens (deux hommes, Jean-Marc Lallement et Olivier Salon et une femme, Jehanne Carillon, mention spéciale à cette dernière, aérienne dans cette mécanique itérative). Et vogue… l’algorithme, puisqu’il s’agit de cela ! Soyons clair : nul besoin d’être un mathématicien pointu pour suivre (ouf !)… En revanche, un peu d’expérience personnelle dans une « organisation qui chichement vous rémunère », voire « une entreprise à laquelle vous avez consacré le meilleur de vous-même » est requise. Pas mal d’humour aussi. Et… peut-être aussi une certaine familiarité avec les spectacles, modestes mais déterminés, du Off d’Avignon !
Est-ce l’étroitesse du lieu (le Guichet Montparnasse, dans le 14e), la proximité induite avec la scène et les comédiens ? Est-ce le graphisme des costumes et des décors, signé Véronique Belmont, estampillé fin des sixties, pop et finement flippant ? Est-ce la résonance sociale du texte de Pérec ? A force, on a comme l’impression, un peu, de se retrouver soi-même dans un certain théâtre – dépouillé/engagé – des années 70 ! Ce n’est pas que la lecture de Marie Martin-Guyonnet et de ses comédiens soit datée, c’est, plus sûrement, que le texte de Georges Pérec est si dense, si riche, si travaillé lui-même, que leurs choix (visuels ou corporels, tels les moments convenus de pantomimes mécaniques) semblent trop littéraux. Ultime facétie du grand Georges… Saluons, en tout cas, l’ambition de leur proposition. Ou bien…
Ariane Allard
L’augmentation
De Georges Pérec
Mise en scène de Marie Martin-Guyonnet
Avec Jehanne Carillon, Jean-Marc Lallement, Olivier Salon.
Jusqu’au 8 janvier 2011
Du mercredi au samedi à 20h30
Réservations au 01 43 27 88 61.
Guichet Montparnasse
15 rue du Maine
75014 Paris
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