Effet camomille pour la Dame aux camélias – Odéon
C’est toujours avec une certaine excitation que l’on gravit les marches du théâtre de l’Europe, royaume du beau théâtre contemporain, royaume d’Olivier Py (bientôt détrôné), qui nous ravit d’innovation et de perfectionnisme à chaque représentation. Ou presque.
La Dame aux camélias est un spectacle présenté comme un sous-Warlikowski, ce qui, même en substitut, rameute tous les fans obsessionnels du metteur en scène polonais. Castorf a bien des fans aussi, mais visiblement pas assez. Un spectacle — adaptation de plusieurs textes qui ne répondent pas aux mêmes traditions, une création qui promet des perspectives nouvelles et une expérience théâtrale inédite.
On prend place donc, confiant. Dès les quinze premières minutes, on sait déjà que Warlikowski est un génie qui ne connaît pas d’ersatz, et que Frank Castorf est un brin lénifiant. Mais tout peut encore arriver, décoller, après tout, cela ne fait que quinze minutes. Ah oui, on reste positif parce que la pièce dure 3h30.
L’esthétique se révèle très soignée, la scénographie sophistiquée dans le glauque, des costumes étincelants et décadents à la fois : tout y est ! Mais ça ne prend pas. Le spectateur reste en dehors de la scène, personne ne l’y invite, c’est une souffrance collective complaisante des comédiens, qui s’adonnent à des gestes très sexuels, qui profèrent un texte de manière à ce qu’il soit sibyllin, obscur. L’esthétique trash ne suffit pas à faire un bon spectacle.
Le dispositif scénique, une plaque tournante qui offre deux décors, est bien pensé. Mais, on se demande, lorsque le deuxième décor se découvre par la rotation de la plaque, pourquoi cet écran montrant Kadhafi qui serre la main de Berlusconi, surplombe la scène. Pourquoi ? Le rapport, même par extension, par ironie, par engagement, n’est vraiment pas évident. Ça ressemble plus à de la gratuité, l’utilisation d’images aveuglantes pour compenser un certain manque de talent.
Le jeu s’impose comme très cliché du contemporain. Déclamation douloureuse, à la limite du gémissement, de l’insupportable. Souffrance exacerbée: un jeu qui ne partage rien. Jeanne Balibar, égale à elle-même, se retrouve cette fois-ci dans un salmigondis contemporain mal digéré, et gaspille temps et talent dans cette création douteuse. Notons que les divagations de Margueritte, en russe, ne sont pas sur titrées, ce qui ne gâche rien au reste du tableau.
Le public, qui n’arrive vraiment pas à rentrer dans l’histoire qui essaie de se dessiner peu à peu, reste tellement en dehors qu’il quitte la salle. Par grappe. Celui qui ose partir donne du courage à ceux qui s’endorment déjà depuis une heure. C’est l’exode. Les ouvreurs ne peuvent même pas manger leurs sandwiches tranquilles, ils sont assaillis par les spectateurs en fuite. Rude dimanche après-midi.
N’est pas Warlikowski qui veut. C’est le triste et pourtant prévisible constat qui s’impose à nous lorsqu’on redescend les marches de l’Odéon théâtre de l’Europe, un peu sonné, un peu léthargique, mais surtout très déçu.
Nathalie Troquereau
A découvrir sur Artistik Rezo :
– les meilleures pièces de théâtre – début 2012
La Dame aux camélias
D’après Alexandre Dumas fils et Georges Bataille
Mise en scène de Frank Castorf
Avec Jeanne Balibar, Jean-Damien Barbin, Vladislav Galard, Sir Henry, Anabel Lopez, Ruth Rosenfeld, Claire Sermonne.
Dramaturgie : Maurici Farré // Décor : Aleksandar Denić // Costumes : Adriana Braga // Musique : Sir Henry
Certaines scènes de ce spectacle peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes, il est donc déconseillé aux moins de 16 ans
Du 7 janvier au 4 février 2012
Du mardi au samedi à 20h
Le dimanche à 15h
Tarifs : de 6 € à 32 €
Théâtre de l’Odéon
Place de L’Odéon
75006 Paris
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