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Après tout, si ça marche… – Théâtre Marigny

19 juin 2012
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Après tout, si ça marche... - Michel Boujenah - Théâtre Marigny

Cette nouveauté dans la vie de ce mysanthrope qui se noie dans ses plaintes se prénomme Mélodie et avec elle s’invite une véritable symphonie de situations désopilantes dont le fil conducteur demeure que si Maurice hurle sa haine de la société, bon gré mal gré il s’en accomode… surtout si la fille est jolie.

D’où le titre poignant et fataliste qui semble dire « Que puis-je y faire ? On peut toujours tenter, non ? »  Car n’est pas ermite qui veut et derrière l’ours mal lêché, derrière ce reflet d’un Thomas Bernhardt autrichien se cacherait-il un homme pudique, sensible, ouvert aux hommes ?

On soulignera l’énergie de comédiens qui par évidence semblent heureux de se retrouver pour notre plus grand plaisir de spectateur. Sacré Maurice !

Daniel Benoin a inventé le Google-Earth-Théâtre

Cette macro-comédie mise en scène par Daniel Benoin, directeur du Théâtre National de Nice, s’ouvre en plein écran. Comme si vous étiez au cinéma, venu voir un film de Woody Allen, avec son générique déroulant sur image de la terre immense qui tourne sur elle-même et dont le spectateur devine les reliefs qu’un zoom avant rapide transforme en paysages. Alors apparaissent des villes, une ville, puis des rues : la rue, des toits, un toit, une maison, la maison, là où se déroulera l’action de la pièce.

Bref, c’est du Google-Earth agrandissant le sujet à grande vitesse accompagné par la 9eme Symphonie du nouveau monde, Anton Dvorak jouant plein pot sa partition géographique.

Surgit l’image en macro, Maurice, qui excelle en Michel Boujenah si j’ose dire, attablé avec ses deux copains, chacun devisant devant son ballon de rouge sur l’injustice de ce bas-monde (bas-monde : toujours Google Earth) On comprend bien vite qu’il n’est ni bouddhiste en lévitation, ni moine en extase, l’homme ne connait ni le calme plat ni le silence, il est un agité du bocal, un hypocondriaque hyper caractériel. Déçu des uns, des autres, de lui surtout, de la société libérale avec son lot d’injustices qu’il vient dénoncer en avant-scène et en vrac en prenant les spectateurs à témoin contre la religion, contre le rationalisme ou même contre des bobos gauchos vivant à Paris, « la ville du diable ! »

Trop de mayonnaise tue la bolognaise

A dire vrai, Maurice est le seul à les voir les gens, il est bien le seul qui interpelle le public qui du reste « ne serait venu que pour lui » Il donne vaguement « des cours d’échecs pour zombies à des abrutis » le mot échec lui va si bien ! Entendu, ça fait rire ses copains ! Ceux-là auxquels il explique en scientifique dépité que « trop de mayonnaise tue la bolognaise ! »

Bref, cet abandonné par l’amour souffre de misandrie, délaissé par la vie, au point qu’il finit par tenter de mettre fin à ses jours en sautant dans le vide. Echec encore une fois ! Comme il ratait sa vie, il fallut manquer son suicide, sauvé dans sa chute par une verrière posée là pour les besoins du scénario !

Boujenah est désopilant. Cette fille qui surgit dans sa vie n’est pas tant poupée bleuette que le scénario voulait en faire. Nora Arnezeder donne à Mélodie la dimension attachante qui du reste permettra à Maurice, l’affreux misanthrope, de l’épouser.

En râlant bien entendu contre tout et rien, contre le monde entier avec ses dangers de toutes sortes : des microbes ici, de la malbouffe là. Puis revenant théoriser sur l’état du monde en compagnie de ses copains fort patients qui n’en croient pas leurs yeux lorsque surgit la jolie Marie-Laure, Cristiana Reali, mère de la jeune mariée, qui semble s’amuser autant que nous. Dans une cocasserie que vous comprendrez aisément, celle-ci embobine un des copains et en séduit dix autres.

C’est un plaisir de voir Clément Althaus, Bruno Andrieux, Matthieu Boujenah, Paul Chariéras, Jonathan Gensburger et Charlotte Kady.

Quant à Jean, Eric Prat, son mari qui-l’avait-abandonnée-pour-Martine- sa meilleure amie, il revient quand on ne s’y attend pas ! Je vous laisse à ce rebondissement !

Cinéma-Théâtre

Il y a dans ce spectacle quelques coupes pour un ou quatre sketches parfaitement interprétés. On rit de plus belle lorsqu’une partie de décor se dérobe involontairement. Imaginez l’autre soir, un court incident technique arrive, dont s’extrait Michel Boujenah, en rattrapant les choses avec un régal non dissimulé, lui qui se délecte des apartés.

Il serait injuste puisqu’on en parle de taire tout le bien que l’on pense de la machinerie exemplaire, faisant aller et venir des plateaux de scène coulissants, et, des panneaux s’élevant à l’infini, tentures géantes, portes dérobées, trompe-œil sitôt disparu, tout artifice au service d’une scénographie à vous couper le souffle. L’association du théâtre avec la vidéo permet de donner un fabuleux relief. On joue en surgissant de l’écran de cinéma à la façon dont Marc Hologne a depuis de nombreuses années fort méticuleusement imposé le procédé avec Marciel, son personnage.

En compagnie de Maurice et Mélodie, on passe directement en fondu enchaîné de l’écran de TV quand Maurice Chevalier y chante Paris à la rambarde du Trocadéro face à la Tour Effel. On se promènera dans de vraies rues à Paris, on s’assoit sur les marches du Panthéon, on roule à bicyclette, on interpelle en courant un ministre près de l’Assemblée, dans les rues sont les bus, circulent des voitures. Marie-Laure-Cristiana Reali traverse quant le feu passe au vert, dans les clous. Voilà qui est féerique et vertigineux. Scénographe, décorateur, vidéaste et metteur en scène méritent un prix spécial de créativité.

On constate avec plaisir que Daniel Benoin, habitué des mises en scène des opéras (Trieste, Nice, Monte-Carlo), casse les règles figées de la mise en scène et exige de la scénographie qu’elle transporte le spectateur sans étouffer l’écriture. Ici, il fallait se rapprocher du cinéma sans quitter le théâtre, c’est réussi, hors mis ce choix d’une affiche minimaliste et peu parlante qui amenuise l’explosion à laquelle participe le public du Marigny.

Alors, dans une parfaite comédie boulevardière bien réglée, c’est la troupe de comédiens au complet que le public applaudissant à tout rompre refuse de voir repartir en coulisses.

Patrick duCome

Après tout, si ça marche… 

Adapté du film de Woody Allen, Whatever Works 

Mise en scène et adaptation de Daniel Benoin  

Avec Michel Boujenah, Cristiana Reali et Nora Arnezeder 

Du 17 avril au 23 juin 2012
Du mardi au samedi à 21h
Le samedi en matinée à 16h30      

Tarifs : 33 euros // 43 euros // 53 euros
Réservation en ligne

Théâtre Marigny
Carré Marigny
75008 Paris

www.theatremarigny.fr
 

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