On ne badine pas avec l’amour au Théâtre des Artisans
C’est au détour de la galerie d’un immeuble du XIXe arrondissement que s’ouvrent les portes du Théâtre des Artisans, laissant entrer les spectateurs dans un univers particulier, où les bonbons et autres sucreries sont à portée de main. Pourtant, c’est bien sur la scène de cette salle de 48 places que se joue la friandise du jour, un met finement préparé par Musset et assaisonné pour l’occasion par Boris Van Overtveldt, avec ce qu’il faut de gravité, d’humour et de sarcasme.
Pas de soupe indigeste donc pour cette mise en scène, dont le rythme est l’écho visuel et scénique à la verve linguistique de la pièce. L’imprécision générale du décor dans le texte de Musset permet une liberté de ton que le metteur en scène saisit ici : pas d’artifices, un rideau, des tableaux et un fauteuil, piquant et élégant rappel au théâtre en liberté inventé par Musset et qu’il nomme « spectacle dans un fauteuil ». Pas de fioritures, ni d’effets superflus : du simple, du vrai, du juste.
Une pièce délicieuse
Perdican, 21 ans tout juste, fraîchement nommé « docteur à quatre boules blanches », revient, accompagné de Maître Blazius, son gouverneur, chez son père le Baron. Dans le même temps et le même jour, sa cousine Camille, 18 ans, sortie « du meilleur couvent de France », retourne chez son oncle, accompagnée de Dame Pluche, sa gouvernante. Le Baron, qui désire les marier, est le grand organisateur du spectacle qui se déroule sous les yeux des spectateurs, lesquels se rendent vite compte que les caractères respectifs des deux jeunes gens changent le cours des projets nourris par ce chef d’orchestre.
Perfidie, jeu, manipulation, ce qui pourrait n’être qu’un mélodrame de plus dans l’histoire du théâtre accède au rang d’œuvre magistrale, où le burlesque et le lyrisme se côtoient, mettant au jour une pièce délicieusement drôle, grinçante, et touchante. « Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; […] il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. »
On aurait pu espérer un Perdican avec un peu plus de corps, mais le spectateur, emballé par le rythme de la pièce et la performance générale, finit par apprécier ce jeu naïf qui sied à l’interprétation d’un personnage à la niaiserie exacerbée, opposé de son père, magistralement interprété par Julien Avril, dont la prestation touche à la perfection. On a beaucoup écrit des fantoches du théâtre de Musset pour les opposer aux véritables personnages mais ils trouvent ici, par le jeu de Loïc Vidal, Etienne Bodi, et surtout Simon Gourfink, fascinant Dame Pluche, une véritable résonance, acquérant une indéniable portée.
Heureuse surprise donc que cette mise en scène d’On ne badine pas avec l’amour au Théâtre des Artisans. C’est avec fougue que la troupe emmène les spectateurs sur les mots de Musset, un voyage à l’itinéraire impeccable et sans anicroches.
Solène Zores
On ne badine pas avec l’amour, d’Alfred de Musset
Mise en scène : Boris Van Overtveldt
Avec Romain Méry, Samia Jadda, Julien Avril, Simon Gourfink, Elisa Ponchelet, Loïc Vidal, Etienne Bodi
Jusqu’au 19 décembre 2009
Du mardi au samedi à 20 h 30
Réservations : 01 42 49 83 96 ou www.theatre-des-artisans.com
Prix des places : 18€ – 13€
Théâtre des Artisans
14 rue de Thionville
75019 Paris
M° Ourcq ou Laumière (ligne 5)
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