Les Liaisons Dangereuses – Théâtre Essaïon
Lettre I
De Artistik Rezo à ses lecteurs,
Vous constaterez, chers lecteurs, que Les Liaisons Dangereuses, texte épistolaire de Choderlos de Laclos paru en 1782, n’en finit point de susciter l’intérêt des hommes. Après maintes et maintes rééditions, adaptations cinématographiques ou théâtrales, le texte du XVIIIe siècle dans lequel l’auteur dépeint une société bourgeoise en déclin, demeure toujours aussi probant. C’est aujourd’hui au théâtre Essaïon dans le centre de Paris, que Régis Mardon et Pascal-Emmanuel Luneau réadaptent l’ouvrage qui défraya la chronique en son temps.
Publié en plein Siècle des Lumières, Les Liaisons Dangereuses devient rapidement un chef-d’œuvre de la littérature française. Jouant du genre épistolaire à la perfection, l’auteur présente en ce recueil toute la perfidie, l’innocence, la clairvoyance de chacun de ses personnages, grâce à des lettres dont chacune laisse transparaître le caractère de celui qui la noircît d’encre. C’est ainsi que la sournoise et sadique Marquise de Merteuil aime à se jouer de son ancien amant, le cynique séducteur Vicomte de Valmont, en orchestrant la perte de l’innocente Cécile de Volanges et de la vertueuse Madame de Tourvel. Dans une époque où la guillotine menace la bourgeoisie, on constate ainsi un monde libertin qui court à sa perte mais ne s’en soucie guère.
Les méandres d’une société en perdition
C’est avec un décor et des costumes d’époque mais surtout l’espace particulier de la cave en pierres de taille du théâtre Essaïon, que Régis Mardon, metteur en scène, parvient à transformer le genre épistolaire en pièce de théâtre. Vous en conviendrez cela n’est pas chose aisée, mais n’est pas non plus fait nouveau. Fort heureusement, une certaine fraîcheur est ici redonnée au texte initial, élagué. Le spectateur découvre ou re-découvre alors avec allégresse, l’âme vicieuse et machiavélique des personnages principaux. L’éclairage et la musique ne sont par ailleurs pas étrangers à cela, grâce à une orchestration illustrant différents types de scènes allant du complot au drame en passant par la séduction et le badinage.
Jouant avec le lieu, les acteurs parviennent à occuper l’espace en surprenant le regard du spectateur. Alors que Marie Delaroche et Michel Laliberte interprètent avec brio les cyniques Marquise de Merteuil et Vicomte de Valmont, qu’Eloïse Auria et Guylaine Laliberte représentent brillamment la vertu pourfendue de Cécile de Volanges et de Madame de Tourvel, Maria Laborit est criante de vérité dans le rôle de Madame de Rosemonde. Doyenne portant un regard franc et sans complaisance sur sa société et l’avenir qui lui est réservé, elle parvient ainsi à rendre au mieux toute la tension d’une époque proche de la Révolution Française. Cet aspect plus discret dans l’ouvrage de Laclos, est ici intelligemment mis en avant par Régis Mardon qui offre ainsi au spectateur un regard nouveau sur un texte largement connu du grand public, en introduisant une narratrice dans un récit qui n’en comptait pas.
Vous l’aurez compris, chers lecteurs, cette pièce vous fera passer un agréable moment que nous vous recommandons vivement. Les représentations s’arrêtant le 30 janvier, courrez au théâtre sans perdre de temps et si vous la laissez s’échapper, « ce n’est pas ma faute »…
Jonathan Hoenig
Les Liaisons Dangereuses ou la fin d’un monde
D’après le chef-d’œuvre de Pierre Choderlos de Laclos
Adaptation de Régis Mardon et Pascal-Emmanuel Luneau
Mise en scène de Régis Mardon
Assisté de Laurence Porteil
Costumes : Camille Lamy et Marlène Rocher
Décors : Catherine Parmantier
Avec : Marie Delaroche, Guylaine Laliberte, Michel Laliberte, Eloïse Auria (en alternance avec Coralie Coscas) et Maria Laborit (en alternance avec Christine Melcer).
Jusqu’au 30 janvier 2011
Du jeudi au samedi à 21h30, le dimanche à 16h30
Informations : 01 42 78 46 42 ou 61 73 et réservations sur le site du théâtre.
Plein Tarif : 20 € ; réduit : 15 €
Théâtre de l’Essaïon
6, rue Pierre au Lard
75004 Paris
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