Gilbert Ponté – Giacomo sur les planches
Pourquoi cette envie de pratiquer le solo ?
La première raison c’est que je veux interpréter beaucoup de personnages et que je suis un acteur de composition. J’aime interpréter les hommes, les femmes, les objets, les vieux, les jeunes, les enfants… C’est vraiment une envie de multiples facettes. D’ailleurs, je le raconte dans le spectacle (Giacomo sur les planches). Quand j’ai commencé à l’école, c’est venu un peu par hasard, mais je jouais déjà très souvent tout seul. Quand j’ai poursuivi au conservatoire municipal de Mulhouse, j’interprétais les monologues classiques et je jouais tout le temps tout seul. Rue Blanche, j’ai continué à jouer tout seul. Et petit à petit je me suis pris au jeu. C’est une pratique un peu spéciale, parce qu’il faut utiliser l’espace alors que l’on est seul. Il n’y pas de filet, on ne triche pas. C’est profondément théâtral, ce n’est pas un one man show. Ce style de jeu est difficile à défendre, parce que l’on est peu, je pense, à faire cela.
Qu’est-ce que le festival d’Avignon Off 2008 vous a apporté ?
C’est un peu une foire au spectacle qui permet, c’est vrai, de jouer longtemps. Avec Paris, c’est l’endroit où l’on peut jouer sur une longue période et tous les jours. Ce qui permet de nourrir et d’affiner le spectacle et de se confronter tous les jours au public. Un comédien est malheureux quand il ne joue pas. Alors, Avignon ça permet ça et… ça permet aussi de vendre le spectacle. Car c’est quand même un grand marché du spectacle… Mais je l’ai fait plusieurs fois et ça commence à beaucoup changer… Mais le problème c’est que l’on ne sait plus qui est professionnel et qui est amateur. Ça c’est un problème, car le public ne fait plus la différence. C’est un énorme problème, je pense.
Votre travail d’écriture, la traduction et le solo sur scène, que vous apportent ces trois passions ?
L’écriture m’est venue car je voulais raconter mon histoire. La traduction s’est faite par hasard, parce que j’avais vu que Le Saint Jongleur François de Dario Fo n’avait pas de traduction, alors je l’ai fait, et cela a été repris à la Comédie Française. Et le solo c’est parce que j’avais envie de jouer seul… Ce qui est un peu paradoxal car je joue seul, mais j’aime quand il y a beaucoup de gens qui participent à la production du spectacle. C’est vrai que l’écriture, c’est beaucoup plus difficile que le reste. Quand j’écris, je joue pratiquement en même temps. Je pense que pour la scène et pour les comédiens, ça se fait naturellement.
Cette envie de vous raconter dans la saga Giacomo, comment est-elle venue ? Qu’est-ce qui vous a motivé en 2005, pour commencer à écrire votre histoire ?
Ça faisait longtemps que je souhaitais raconter mon histoire. J’avais envie depuis longtemps de raconter l’histoire de mes parents, l’histoire de ma famille, mon histoire. Et donc j’ai commencé de là. Je voulais raconter comment ils sont arrivés en France, comment ils se sont débrouillés… Je trouvais cela intéressant car dans mon enfance, j’ai rencontré énormément de personnages qui étaient hors du commun, qui étaient des personnages de théâtre eux-mêmes en fait. Chacun avait son histoire, des gens d’une énergie folle, et donc je me suis dit que pour le théâtre c’était parfait, car l’énergie sur scène est indispensable. J’avais aussi envie de raconter ces petites gens, dont on parle très peu, des étrangers qui arrivent à s’en sortir par une force de vie extraordinaire. C’est quelque chose qui me fascinait quand j’étais petit. Je voulais partager cette vie de la communauté italienne, car on n’en parle pas beaucoup. C’est une immigration qui a connu les mêmes problèmes que les autres. Il y avait une solidarité assez étonnante, que l’on retrouve dans la pièce d’ailleurs.
Qui a choisi qui, pour la saga Giacomo, vous ou Stéphane Aucante (metteur en scène des trois volets de Giacomo sur les planches) ?
C’est un peu le hasard de la vie. Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois, donc nous avons sympathisé et nous avons commencé à travailler ensemble sur un spectacle qui était 99F de Beigbeder. Ça été difficile car on nous a interdit de jouer et il y a eu énormément de problèmes de production… Mais nous avons voulu continuer l’aventure, même si ce n’était pas facile de travailler sur Giacomo, car lui a été obligé de trouver sa place. Nous avons donc beaucoup improvisé. C’est parfois un compagnonnage difficile, car il faut que j’accepte ses modifications. Stéphane Aucante essaye de tout optimiser dans la conception et la mise en scène. Il apporte énormément.
Après avoir présenté les deux premiers volets de la saga Giacomo au public, quel sont les réactions du public sur vos prestations ?
Je vois qu’il y a beaucoup d’étonnement dans le public, parce qu’il n’a pas l’habitude de voir cela. Le public est touché par l’émotion qu’il y a dans le spectacle. Quand on pose des questions aux spectateurs, leur propre histoire leur revient. D’un seul coup ils se racontent à leur tour. Le spectacle déclenche cela, c’est cela qui me plaît beaucoup, raviver des souvenirs enfouis chez mon public. Le public est chaleureux, ça me pousse, j’ai fini d’écrire le troisième acte d’ailleurs…
Comment envisagez-vous justement cette sortie, prévue courant 2010, du troisième acte : Le monde est grand Giacomo ?
Courant 2010 oui… si on trouve l’argent ! C’est une très belle histoire, on l’a testée sur scène. Il n’y a plus d’enfant et c’est une histoire qui finit bien. On passe du rire aux larmes, c’est une comédie humaine, comme les deux premiers volets. C’est toujours difficile car on joue un théâtre de situation. Le monde de Giacomo, c’est un travail sur la mémoire, avec le père et la mère qui reviennent aussi, car les parents meurent, alors on est définitivement adulte, selon moi. Dans ce troisième acte la vie devient complètement différente…
Avez-vous d’autres projets d’écriture de pièces de théâtre ?
Là, j’ai mis en scène Phèdre qui va jouer au Théâtre 12, car j’aime beaucoup la tragédie. J’ai monté cette pièce d’une manière peu classique, mais j’ai voulu que cette histoire d’amour soit rendue accessible au plus grand nombre, même pour des gens qui ne connaissent pas du tout le théâtre. C’est à la fois contemporain, sans être branché. Juste contemporain, une pièce multi-éthnique et accessible.
Propos recueillis par Aurélie Steunou-Guégan
A (re)découvrir sur Artistik Rezo :
– « Giacomo sur les planches» à la Manufactures des Abbesses
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