Jacques Collard – trois décennies de traversée de la création théâtrale
Personnalité incontournable du milieu du théâtre et du cinéma, grand ami de stars, Jacques Collard traverse depuis trois décennies la création théâtrale : il est l’auteur et co-auteur d’une vingtaine d’adaptations, couronnées par 2 Molières pour Les Enfants du silence et Ladies Night. Personnage haut en couleurs, on retrouve chez lui toute la fantaisie de ses textes, enlevé par un humour acide et décapant. Avec une générosité de coeur rare, il nous a laissé entrer dans son univers, léger et élégant comme une bulle de champagne.
Dans une ambiance feutrée, faite de bons mots et de bonne chère, Jacques Collard nous accueille dans son restaurant, Le Berkeley dont il gère les relations publiques depuis plusieurs années. Acteur, auteur, gérant de grands restaurants à la mode, l’homme a eu mille vies façonnées par une audace et un sens de l’amitié hors-du-commun. Jeune premier à la Paramount en 1955 L’aventure commence très jeune, à l’été 1954. Jacques Collard fait son droit à l’Université de Bruxelles, comme le souhaitent ses parents. Sur les conseils d’un copain, il s’engage pour les vacances sur un thonier qui l’emmène en Scandinavie pour gagner trois francs six sous. Pendant l’expédition, l’équipage débarque dans le port de Copenhague. Jacques Collard se rend à l’hôpital pour une allergie et là, coup du sort ou du destin, il se rend compte que son voisin de chambre n’est autre que Monsieur… Alfred Hitchock en personne. Epris de rêve hollywwodien, il réussit à le convaincre de l’engager à Hollywood, alors qu’il n’a pas la moindre envie de faire l’acteur ! Grâce au monstre sacré du cinéma, aidé également par son physique de jeune premier, il obtient un contrat avec la Paramount qui lui garantit l’entrée sur le territoire américain. Il pense y rester 15 jours… il y restera finalement deux ans avec une idée en tête : éviter à tout prix de faire des films, plus intéressé par la belle vie que par les performances d’acteur. Pour des raisons contractuelles, il sera néanmoins obligé d’assurer des petits rôles dans deux films dont Escadrille Lafayette de William Wellman dans lequel le jeune Clint Eastwood fait ses débuts au cinéma. Mais, en matière d’audace, Jacques Collard n’en est pas à son coup d’essai : dès 1947, alors qu’il a à peine 17 ans, il noue son premier contact avec une immense star qu’il admire par dessus-tout : Gérard Philippe. A cette époque, pour concurrencer Cannes, Bruxelles organise un festival de cinéma. Cette année-là, la France est représentée par Le Diable au corps de Claude Autant-Lara dans lequel Gérard Philippe tient la vedette avec Micheline Presle. Séduit par le personnage, le jeune Jacques Collard lui fait parvenir une lettre enflammée dans laquelle il lui dit toute son admiration et lui demande une photographie. 6 mois plus tard, à Bruxelles, on sonne à sa porte : c’est Gérard Philippe qui lui dit simplement : « vous avez envoyé une très jolie lettre à François (le personnage du film), il n’a pas eu le temps de vous répondre mais je suis à Bruxelles et je vous l’apporte ». De là, naîtra une grande amitié. L’oreille du métier Ces rencontres ont l’air, dans sa bouche, d’aller de soit, alors qu’elles se nouent la plupart du temps dans des circonstances rocambolesques : quelques années plus tard par exemple, il rencontre Jean Marais alors qu’il est plagiste à Cannes et à qui il apprend à faire du ski nautique ! En réalité, Jacques Collard est un artiste à l’humour affûté doué d’un sens exceptionnel du contact. Une oreille attentive, un coeur généreux qui en ont fait, au fil des années, l’une des mémoires vivantes du métier. Avec sa façon toute britannique de dédramatiser les événements et les tourments des artistes, il est devenu, pour les amis qu’il a choisis, un soutien, une épaule dans un univers extrême, nourri de la jalousie et de la rancoeur des uns et des autres. Il est ainsi devenu le confident de Jean Marais, de Thierry Le Luron, de Jacques Chazot – le grand ami de Françoise Sagan – dont il a hérité l’art de faire part de ses échecs, des difficultés du métier sans avoir l’air d’y toucher. En dehors de cette compagnie que les artistes recherchent, l’autre talent de Jacques Collard tient à faire que les gens se rencontrent, dans le cadre tout trouvé des grands restaurants qu’ils gèrent : à L’Orangerie avec Jean-Claude Brialy, au Chamaret avec Jean Marais, à l’Espace Pierre Cardin, au Wall Street, à L’Orée du bois etc. Eternel bon vivant, des plaisirs de la scène aux plaisirs de la table, il n’y avait qu’un pas que Jacques Collard a franchi allègrement il y a plusieurs dizaines d’années pour le plus grand plaisir de ses amis. L’homme de théâtre A côté de ses activités de relations publiques, l’homme est aussi un amoureux des mots et de la scène. C’est ainsi qu’il va se lancer dans l’adaptation théâtrale de pièces étrangères et que vont pouvoir pleinement s’exprimer son talent de conteur et son sens de la répartie. Sa carrière commence en 1972 avec la comédie musicale « Hello Dolly » qui récolte tout de suite le succès. Dès lors, il commence à se faire un nom et les adaptations s’enchaînent. Au total, Jacques Collard a adapté ou écrit une vingtaine de pièces de théâtre couronnées par 2 Molières et 5 nominations. Ses pièces sont de facture différente qu’il s’agisse de comédie musicale (« Tanzy», « Barnum »), de comédie de mœurs (« Le limier », « Le soleil n’est plus aussi chaud qu’avant », « Quelques jours avant pâques »), ou de comédie sociale (« Class enemy », « Les enfants du silence »). Mais toutes transpirent la fantaisie qui le caractérise et qu’il décrit volontiers comme sa petite « folie ». Entre quelques apparitions au cinéma ou à la télévision, il continue aujourd’hui ses activités d’écriture, en particulier pour des adaptations avec son complice Nicolas Laugero-Lasserre. Importateur de mots, explorateur de langues, Jacques Collard habille les pièces de son audace et de sa générosité depuis plus de trente ans. La fantaisie incarnée ! Propos recueillis par Sophie Gasol. Parmi les adaptations de Jacques Collard :
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