Céline Milliat Baumgartner : une comédienne au corps impatient
Céline Milliat Baumgartner : une comédienne au corps impatient |
Comédienne au désir ardent et au corps impatient sur les plateaux de Cinéma comme sur les planches du Théâtre, Céline Milliat Baumgartner aime être mise en scène mais aime plus encore être mise à l’épreuve. Le jeu est ce qui par excellence donne vie à son corps et sens à son existence. Ancienne élève et professeur exceptionnel du Cours Florent, elle entre pourtant toujours en scène comme pour la première fois : elle est à proprement parler une comédienne d’expérience, tendue entre la maîtrise de l’exercice et le risque de la performance. Dans un rapport ouvertement frontal et excessivement physique, la comédienne s’empare de tout l’espace scénique, à la rencontre du public, et se donne à lui, sans réserve ni limite.
Céline Milliat Baumgartner passe toute son enfance ainsi qu’une grande partie de son adolescence à Lyon. Consciente que Paris est le lieu de toutes les promesses, elle part, déterminée à tenter sa chance, à destination de la capitale. Elle intègre six mois plus tard la classe libre du cours Florent et s’y épanouit pendant trois ans. Une formation décisive grâce à laquelle elle rencontre maîtres de talent et futurs partenaires de jeu. Pourtant, la première expérience professionnelle qui donne une véritable impulsion à sa carrière est un premier rôle au cinéma en 1998 pour le film Dormez je le veux d’Irène Jouannet, un long-métrage au succès discret, le premier d’une série dont on peut citer entre autres Mademoiselle Butterfly réalisé par Julie Lopez Curval en 2001 et Tangos volés en 2002 pour lequel l’actrice est dirigée par Eduardo di Gregorio. Mais à sa sortie du cours Florent, et à l’issue de plusieurs tentatives déçues pour intégrer les conservatoires nationaux – impasse dont elle comprend aujourd’hui la raison, « à l’époque j’y allais en force et on ne voyait plus rien de moi » – Céline Milliat-Baumgartner persiste dans la voie du théâtre et entreprend notamment un stage aux côtés du metteur en scène Jean-Michel Rabeux sous la direction duquel elle se fait remarquer dans L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer de Copi, un spectacle à succès qui vient confirmer le sens de sa présence sur la scène du théâtre. En effet, révélée et conquise par le travail de Jean-Michel Rabeux dont elle se sent artistiquement très proche et scénographiquement sous influence, le théâtre prend pour elle une place centrale. En 2009 à l’Odéon, Céline Milliat-Baumgartner joue sous la direction de Frédéric Maragnani dans le Cas Blanche-Neige de Howard Barker et ne résiste pas à l’appel d’autres expériences sur scène qui mettent à l’épreuve son sens de l’exhibition et de la prise de risques. Les ailes du désir Le « jeu » au théâtre regagne avec elle toute l’épaisseur de son sens. Et par-delà l’entraînement aux concours et l’enseignement de l’Ecole, c’est véritablement sur le terrain, là où elle est jetée au cœur de l’exercice dans le corps du jeu, que Céline Milliat-Baumgartner apprend un métier, son métier, celui qui est autant fait pour elle qu’elle est faite pour lui, distinguant parfois difficilement la séparation entre ce qu’elle joue et ce qu’elle y met en jeu : « Souvent je me retrouve au point zéro du Théâtre et je ne sais plus quoi faire, mais c’est en faisant que je trouve ». A force de reprises et de répétitions, le corps de la comédienne s’élance toujours un peu plus loin dans l’expérience scénique même s’il tremble toujours en coulisses, traversé par la palpitation du trac et la vibration du désir. Céline Milliat-Baumgartner y va et du même coup y est : « J’accepte maintenant le sentiment d’être perdue. J’ai grandi ». Elle s’aventure sans jamais s’égarer, guidée par le battement d’une pulsion intérieure. Mise à nu La nudité a toujours fasciné la comédienne, sans doute parce que, vulnérable, elle dévoile pudiquement le sens propre mais aussi profond de ce qu’est au fond l’exercice du théâtre, l’expérience de la scène, l’épreuve de l’acteur : une mise à nu. Rien de moins. Un thème qui jalonne la carrière de la comédienne : nombreuses sont les pièces dont la nécessité textuelle et scénique lui réclame d’apparaître dans son plus simple appareil, nombreux sont aussi les proches qui sans jamais la lui reprocher lui font remarquer cette habitude. Une obsession qui la travaille et qu’elle finit donc en retour par travailler, avec sérieux et légèreté. Elle entreprend d’explorer ce motif alors évident pour exploiter les réserves de l’acteur, ce qui signifie aller au devant du jeu, par-delà le décor pour être au plus près de l’horizon allégorique ouvert par la proximité de la mise en scène et de la mise à nu. L’exhibition qui engage l’acteur à s’exposer en se découvrant absolument, au propre comme au figuré. Habitée par cette idée qui passe à l’envie et dépasse le simple caprice d’actrice, Céline Milliat-Baumgartner satisfait elle-même cette curiosité en écrivant, en montant et en interprétant, avec la complicité de Cédric Orain, son propre show : « Striptease ». Un spectacle audacieux qui donne littéralement lieu à ce fantasme de la mise à nu sans jamais se confondre avec son sujet, le striptease et sans jamais en faire non plus son objet. Son propos n’est pas de faire le récit de l’histoire du striptease, de sa naissance accidentelle à son existence aujourd’hui banalisée, ni de porter un regard critique, une parole politique, encore moins de recevoir la forme d’un engagement social. Son intention n’est pas de mettre au jour la misère à l’œuvre dans une certaine pratique de l’exhibition mais au contraire de témoigner du plaisir que la nudité peut susciter chez celui qui regarde autant que chez celui qui est regardé. Et par un effet de retournement inattendu, c’est, confie-t-elle avec malice, « le spectateur qui se sent à poil », sonné par le silence de la nudité, par sa simplicité, son être dépouillé, son être-à-découvert ainsi offert. L’art de l’éros Avec Céline Milliat Baumgartner, l’éros est tout un art. Pudeur, élégance et grâce sont les trois lignes de ce corps tendu vers le subtil de la suggestion. La sublimation du désir en une idée matérielle qui exige de la comédienne une centration excessivement physique : du public à la barre, Céline Milliat Baumgartner entraîne son corps jusqu’à épuisement, jusqu’à ce qu’il se fasse chair, jusqu’à ce qu’il redevienne terre. Rapport frontal sans parade, expérience vivante en temps réel : d’un réalisme confondant, la performance de la comédienne trouble le « je ». Céline Milliat Baumgartner déborde son personnage, éclot elle-même en lui : « C’est moi ». Oui, c’est elle, jouant et déjouant son « je », réalisant et incarnant ce désir qui l’habite et qu’elle expose en s’exposant. La nudité pour seule couverture. On l’aura compris, Céline Milliat Baumgartner entretient avec son métier un rapport passionnel et pulsionnel qui n’entend souffrir ni du manque ni de l’attente : « Je ne veux pas être dépendante du désir de l’autre ». Avec « Striptease », création originale de la comédienne soutenue par le travail d’écriture et de mise en scène de Cédric Orain, accueillie par Jean-Michel Rabeux dans le cadre du festival Trans 2009, Céline Milliat Baumgartner prend du plaisir et en donne sans retenue.
Mes parents ayant disparu, j’ai grandi dans une famille adoptive. Ce sont donc mes racines imaginaires qui sont les plus fortes, elle sont en permanence inventées et réinventées. Quelle partie du corps ou de l’être vous fascine le plus ? Le corps qui mange. Un corps qui a perpétuellement besoin de se nourrir, de renouveler le plaisir. Cet appétit du corps pour les plaisirs terrestres. Existe-t-il un espace qui vous inspire ? Le vide. C’est un appel pour le remplir sans cesse. Quelle dimension tient votre travail dans votre vie et quel sens prend-il ? Le travail tient une grande place dans ma vie, il m’habite totalement. C’est un véritable moteur, c’est lui qui dirige mon corps dans l’espace. Mon but est de pouvoir réaliser une unité entre ma vie et mon travail, que les deux ne fassent plus qu’un en moi. Que les spectacles, les rencontres avec le public soient une fête ! Quelle place tient la fuite du temps dans votre vie ? J’ai peur du temps qui passe. J’ai toujours menti sur mon âge, masqué le temps pour paraître plus jeune mais aussi parfois plus vieille. J’ai l’impression que le temps ne passe jamais comme je le veux, toujours trop vite ou au contraire pas assez. Il me rend très impatiente. |
Articles liés
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...
“Les Imitatueurs” à retrouver au Théâtre des Deux Ânes
Tout le monde en prend pour son grade, à commencer par le couple Macron dans un sketch désormais culte, sans oublier Mélenchon, Le Pen, les médias (Laurent Ruquier & Léa Salamé, CNews…), le cinéma, la chanson française (Goldman, Sanson,...
La danseuse étoile Marie-Agnès Gillot dans “For Gods Only” au Théâtre du Rond Point
Le chorégraphe Olivier Dubois répond une nouvelle fois à l’appel du Sacre. Après l’opus conçu pour Germaine Acogny en 2014, il poursuit, avec For Gods Only, sa collection de Sacre(s) du printemps qu’il confie cette fois-ci à la danseuse...