Nouvelles brèves de comptoir – Théâtre du Rond-Point
Le contexte est simple, on le connaît grâce au précédent succès de Jean-Marie Gourio : d’un café à un autre, les clients sirotent soit leur énième verre soit leur quatrième café. Avec une spontanéité cocasse, ils livrent tous des réflexions qui fusent et s’enchaînent sans autre logique que celle de l’incomparable défoulement que tout le monde a déjà éprouvé accoudé au zinc. Dans cette unique ambiance défilent ainsi des personnages qui font notre société, pêle-mêle un livreur du quartier, le facteur, un pompier, la voisine, bref, des figures de tous les jours qui ont ce goût du déjà-vu et déjà-entendu.
Et c’est là que se niche l’irrésistible savoir-faire de Jean-Marie Gourio, qui sait comme personne picorer les meilleurs morceaux du monde qui nous entoure et les assembler pour servir un mets bien dodu, bien salé, voire gras et archi-arrosé. Car les blagues récoltées sont en effet savoureuses : « C’est bien pour les Français que les Américains aient élu président un Antillais… » ; « Faudra qu’on m’explique pourquoi celui-là il va voir une pute qui ressemble à sa femme… ».
La politique internationale autant que « franchouillarde », les tracas du quotidien autant que les angoisses de la vie et de la mort, tout est agité, secoué, servi dans le désordre et incomparablement assaisonné. Les sujets plombés par les formulations convenues jaillissent ici avec une clarté désopilante, les refoulements intimes débordent avec une fluidité décomplexée, les problèmes du monde et du quartier défilent enfin sous l’angle de la sincérité crue et souvent judicieuse. En cette époque de langue de bois et de discours affûtés par le prêt-à-penser et le politiquement correct, ce cocktail coloré est ressourçant.
Les comédiens rentrent avec souplesse dans la peau de ces accoutumés du bistrot, ils occupent les salles de café à une cadence bien menée, dans une homogénéité réussie et un ressort constamment entretenu et soigneusement concocté par Jean-Michel Ribes. La troupe sait jouer avec la salle, à la fois stimulée et stimulante. Dynamisée par la complicité de l’auteur et du metteur en scène, elle communique aux spectateurs son plaisir de s’emparer de ces réflexions de comptoir, dont à la fois tout le monde et personne se sent l’auteur… Pertinente prouesse !
Ce foisonnement collectif déclenche immanquablement le rire auquel il est conseillé de s’abandonner pour des raisons de santé publique. Ce bon spectacle possède véritablement des vertus divertissantes et tonifiantes !
Cassandre Bournat
Nouvelles brèves de comptoir
Texte de Jean-Marie Gourio
Adaptation : Jean-Marie Gourio et Jean-Michel Ribes
Mise en scène : Jean-Michel Ribes
Avec Alban Casterman, Laurent Gamelon, Annie Grégorio, Patrick Ligardes, Chantal Neuwirth, Marcek Philippot, Alexie Ribes et Hélène Viaux
Jusqu’au 7 mai 2010
Du mardi au vendredi à 21h, samedi à 18h et 21h, dimanche à 15h
Relâche le 14 mars, le 4 avril et le 1er mai
Tarifs : de 10 à 33 euros
Théâtre du Rond-Point
2bis, avenue Franklin Roosevelt
75008 Paris
M° Franklin Roosevelt
Invitations pour deux personnes pour les membres du Club Artistik Rezo le samedi 17 et le samedi 24 à 21h. Réservation indispensable au 01 44 56 00 13.
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