Syndrome de Peter Pan à HeidiGalerie
Exit le musée de cire façon Neverland : ici, l’enfance est traitée moins comme sujet d’émerveillement et de nostalgie qu’objet de recherche et mode opératoire. «L’enfance n’a pas à être retrouvée, elle est seulement reconvoquée à titre de symptôme dans le présent de l’écriture “adulte“1 ». Ce rapport à l’enfance dessine alors des zones de complicité : elles émergent de motifs producteurs d’images (le super héros, le jouet, la créature masquée et la chimère), de jeux d’échelle (agrandissements et maquettes) et de techniques implicitement connotées (le feutre, l’aquarelle, le pliage).
De ces champs d’expérience, la cruauté n’est pas absente : les couleurs chamarrées des créatures de Daniel Johnston n’édulcorent pas la violence biblique des combats qu’elles incarnent, croisant Captain America et les démons de Hieronymus Bosch. Dans l’arsenal hybride de Quentin Faucompré, les armes à feu protubérantes s’érigent comme autant d’objets transitionnels entre réel et imaginaire, où le jeu se fait réceptacle de pulsion de mort, exorcisme pour la violence. Une menace similaire – indéterminée, latente et diffuse – flotte sur les micro-capsules temporelles d’Alice Watson, où les rites enfantins se figent en d’étranges cérémonies.
A double tranchant, le fantastique et le merveilleux affleurent dans toute l’exposition : ils s’introduisent dans les dessins de Frédéric Malette par l’entremise du masque, visage d’apparat dont la beauté sauvage vient vêtir des corps cabrés, en quête de mue identitaire ; puis dans une veine onirique et sensuelle, ils irriguent les visions de Julia Pallone où les humains se montrent troublés, continuellement traversés d’une circulation fluide où s’agrègent règne animal et végétal, architectures et désordres organiques. Cette question du dérèglement et de l’incorporation resurgit dans les compositions de Marie Blanchard, qui mettent en scène des êtres-paysages tenus par de fragiles tracés primitifs : l’enfance se perçoit là dans l’imagination panthéiste d’échafaudages précaires, dans la graphie brute et accidentée, dans la couleur acidulée. Autant de traits qualifiant également le style de Félicia Atkinson, qui officie à la lisière de l’abstraction pour dire l’évanescence et le fragmentaire. Son dessin-palimpseste, qui invite librement les fantômes sur les pages rationnelles des agendas normés, séduit par sa force expressive, dense et fraîche comme un haïku graphique.
Eva Prouteau
Syndrome de Peter Pan
Jusqu’au 13 janvier 2010
Du mardi au samedi de 14h à 19h
Informations : 02 40 40 80 10
Heidigalerie
1 rue Beaurepaire
44000 Nantes
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