“Par-delà les marronniers”, pour résister à la barbarie
Par-delà les marronniers De et mise en scène de Jean-Michel Ribes Avec Maxime d’Aboville, Michel Fau, Hervé Lassïnce, Sophie Lenoir, Alexie Ribes, Stéphane Roger et Aurore Ugolin Jusqu’au 24 avril 2016 Du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 15h Tarifs : de 12 à 38 € Réservation en ligne Durée : 1h30 Théâtre du Rond-Point M° Franklin D. Roosevelt ou Champs-Élysées – Clémenceau |
Jusqu’au 24 avril 2016
Dans une parade théâtrale et musicale qu’il dédie à trois dandys dadaïstes des années 1920, Jean-Michel Ribes s’amuse à plonger le spectateur dans une mosaïque de mots et d’images surréalistes et délicieusement cyniques. Une manière de faire un pied de nez au réel et à ses mensonges avec une bonne dose de génie comique et poétique signé Vaché, Cravan et Rigaut, apôtres du Dada. Trois pacifistes délibérément provocants Signe des temps, on n’a jamais autant monté de spectacles autour de la Première Guerre mondiale. L’absurdité de cette boucherie intempestive a fait couler beaucoup d’encre et a fait naître le mouvement Dada, cosmopolite et vindicatif, en 1916 à Zurich, qui renvoyait dos à dos les “artistes” référencés et les politiques va-t-en-guerre, l’ordre bourgeois et les valeurs morales de la société. Jacques Vaché, qui inventa l’humour sans “h”, eut une influence décisive sur André Breton par son attitude de dandy décadent et détaché de tout. Le deuxième, Arthur Cravan, était un spécialiste du scandale. Poète et boxeur, il aimait autant les coups que les mots, insultant André Gide ou Marie Laurencin, s’exhibant à moitié nu dans ses conférences et critiquant en toute liberté les artistes que le public adulait pour finir par épouser une poétesse américaine. Le dernier, Jacques Rigaut, collectionnait les Rolls-Royce avec l’appétit d’un blasé de la vie qui défiait quiconque de le séduire. Pète-sec et sérieux comme un pape, Rigaut a tourné autour du suicide jusqu’à passer à l’acte à 30 ans dans un élégant costume. Trois comédiens épatants Maxime d’Abovile, Molière 2015 pour son interprétation dans The Servant, incarne Jacques Vaché dans un élégant tailleur blanc anglais tandis que Michel Fau est Arthur Cravan, géant au grand cœur et à l’ironie cinglante. Pour camper Jacques Rigaut, Hervé Lassïnce, regard bleu acier et nihilisme en bandoulière, semble revenu de tout et lancer un mépris déjà métaphysique sur son entourage. Ils sont tous trois excellents. Ribes les a fait déambuler dans un décor aux couleurs flashy (Sophie Perez et Xavier Boussiron) en compagnie du sémillant Stéphane Roger et de trois girls de music-hall, la gracieuse Alexie Ribes, Sophie Lenoir et Aurore Ugolin, pétillantes de gaieté et de talent lyrique. On s’amuse de cette provocante moquerie, de ces dialogues fous et désespérés sur l’art (Chagall, Apollinaire, Gide ou Cocteau), ces aphorismes élégants sur l’amour, l’armée ou le sexe. Il y a là une belle sincérité dans le propos sur la subversion et la puissance des mots, la liberté et la fantaisie de ces grands enfants morts trop tôt pour avoir défié ce qui les attendait au champ de bataille. Orgueilleux et intelligents, inventifs et drôles, ces personnages portés ici sur la scène sont aussi ceux qui se prenaient le moins au sérieux. Comme les plus grands. Hélène Kuttner [Photos © Giovanni Cittadini Cesi] |
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