Le Cabaret Blanche : une épopée burlesque, vivace et poétique !
Le Cabaret Blanche Mise en scène Cristos Mitropoulos et Léo Guillaume Avec Camille Favre-Bulle, Sylvain Deguillame, Pierre Babolat, Benjamin Falletto, Patrick Gavard-Bondet, Stéphane Bouba Lopez, Cristos Mitropoulos, Djamel Taouacht Du 10 janvier au 25 février 2017 Tarifs : De 7€ à 25€ Réservation au théâtre ou par tél. au 01 45 45 49 77 Durée : 1h40 Théâtre 14 |
Où sommes-nous ? Sur les routes de France ? Dans un théâtre ? Emportés par une machinerie artistique en août 1914 comme au bon vieux temps du cinéma muet ? Bienvenue au Cabaret Blanche !Un vrai cabaret ! Un vrai de vrai, avec ses coulisses et sa scène d’où surgissent un inénarrable chanteur comique simili pétomane tel que la culture populaire pouvait en offrir à l’époque, une danseuse chanteuse orientalo-glamour craquante, posée là au cœur même d’une saga familiale, d’incroyables musiciens cassés par la vie et… Blanche ! C’est la guerre ! La première, appelée ‘la der des ders’. La détermination des uns à s’enrôler quand d’autres se porteraient beaucoup mieux si la mobilisation pouvait les oublier. Tous les hommes valides et jugés aptes abandonnent leur vie et leur famille afin de remplir les rangs des troupes pour défendre la patrie. C’est ce que fait Pipo Pépino (Sylvain Deguillame). Le voyage qu’il entreprend l’amènera dans les coulisses du “Cabaret Blanche”, énigmatique et fameux cabaret à Paris. C’est à lui que revient le fil conducteur du récit. Réalisera-t-il son objectif ? Où le mènera donc son errance de routes en chemins ? Quelle idée a-t-il eu de rencontrer dans sa quête ce cabaret de l’impossible ? Dans cette parenthèse surgie en pleine mobilisation pour l’effort de guerre en été 1914, on retrouve une galerie de personnages exceptionnellement dépeints. Le texte est très fort, les situations sont à ce point drôles qu’elles nous feraient oublier le mal-aise qu’on peut ressentir dès lors que ceux-ci s’amusent et profitent de la vie quand ceux-là risquent la leur et creusent des tranchées (*). L’ombre de Klaus Nomi
Violette est la sœur de Blanche. Blanche, c’est le nom de scène de son frère qu’il a donné à son cabaret. Cet androgyne à la forte personnalité possède un sacré caractère, il joue de son autorité envers son chanteur vedette quand ce n’est pas de la dictature envers ses musiciens sans épargner sa sœur qu’il surprotège. L’ambiguïté de Blanche est amenée au long du récit par le jeu complet de Benjamin Falletto qui laisse monter en puissance la véritable motivation de ce Klaus Nomi avant l’heure. Comédien, danseur, chanteur, il est un dominant dominé par l’amour fraternel qu’il doit à sa sœur pour des raisons bien objectives. Il mène tant bien qu’il peut son cabaret, son microcosme où chaque soir ce qu’il reste du public de 14 vient se réchauffer l’âme. Ira-t-il jusqu’aux pires compromissions pour que ne coule pas cette barque où ils se sont embarqués pour faire survivre son cabaret ? Ce personnage représente une sorte de roi des marchés parallèles, ceux que fabriquent les guerres. Il pourrait se situer entre une sorte de Joseph Joanovici, ce roi du marché noir, vrai salaud intégral de 1940** et la fragilité d’un Radiguet sensible de 17 ansqui a provoqué le trouble que l’on sait en batifolant avec une jeune femme de 19 ans dont le mari se battait au front***. Après tout, ici on danse, on s’amuse, on jouit même avec arrogance et désinvolture du plaisir d’être là bien vivant quand d’autres sont enrôlés, et on le clame car la guerre ne durera pas… du moins le croyait-on ! Pierre Babolat , en Sandrex longiligne, évoque un Valentin le désossé bondissant sur la scène comme surgi d’une affiche de Toulouse-Lautrec. Entre Andrex , Sandrey en passant par Frehel ou Dranem (le trou de mon quai) et Fernandel, il se plante plein sourire face au public et offre un spectacle dans le spectacle. Camille Favre-Bulle est une pétillante Violette, mystérieuse sœurette surprotégée des dangers de l’extérieur par un frère aimant qui la prive de toutes sorties. Elle apporte une grande densité à son jeu d’une amoureuse qui cache son Roméo car son frérot et patron, Blanche, ne rigole pas avec ça ! Des chansons interprétées et jouées admirablement
Attardons nous à ces excellents musiciens pas comme les autres. Patrick Gavard-Bondet (Mapiwa, chef indien exilé en France), Stéphane Bouba Lopez (Marcel), Djamel Taouacht (Djalil) sont ces hommes, travailleurs assez attachés à leur emploi précaire pour en supporter les ordres et caprices du maître, le tout puissant propriétaire du cabaret. Dans le même temps et sans jamais sortir de leur espace très délimité, ils représentent cette société muette qui subit. Cette foule anonyme qui est en guerre sans trop savoir pourquoi et dont de nombreux hommes redoutent la conscription. Dans cet univers de compromission, de servitude devant la dictature du maître, transparaît un théâtre brechtien. Ils sont la foule, ils sont une partie de ce peuple qui veut tirer son épingle du jeu comme pour survivre. Patrick duCome Sources :Sources : * ( Stefan Brijs – Courrier des tranchées 2015 – Ed. Héloïse d’Ormesson) ** (En BD- FabienNury(scénario) et SylvainVallée(dessins),Il était une fois en France,Glénat,novembre 2014, 416 p)
*** (Raymond Radiguet – Le diable au corps -1923 – Gallimard in Folio classique) [ Crédit photo Cabaret Blanche : © Chloé Bonnard] |
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