Say Watt? Le culte du Sound System – Gaîté Lyrique
Des raves party d’Europe aux manifs de Kingston à Belem, de France en Colombie en passant par le Kenya, des énormes lecteurs K7 des rappeurs, le son amplifié des sound systems est le point commun de ces dernières décennies de rassemblements musicaux et populaires.
Et ce qui n’était au départ qu’une discothèque ambulante dans les ghettos jamaïcains ou dans les caves américaines des années 50 a révolutionné la manière d’écouter de la musique. Des cultures radicalement différentes ont depuis adopté cet objet culte, se l’appropriant au travers de nombreux bidouillages.
Le sound system a aussi la particularité d’avoir été, au fil des années et des besoins, un haut-parleur artistique, religieux et politique. Pour la première fois une exposition aborde une composante technologique à la racine de toutes les musiques urbaines contemporaines et qui a participé à l’éclosion de mouvements musicaux majeurs. Mais pas seulement : en s’en appropriant les codes, de nombreux artistes contemporains ont fini, au fil du temps, par eux aussi apporter leur vision de la “sound system culture” en questionnant la colonisation de l’espace public par le son.
La Rue-monde du Sound System
Où qu’elle pose ses enceintes, la sound system culture est toujours un phénomène à la marge, mal connu, méconnu, puisant ses origines dans un besoin de la rue. Cette introduction de l’exposition est une approche à pas de loup visuelle, sonore et « philosophique » de ce qu’est cette mystérieuse culture underground. Du totem de façade Sound Garden de Tal Isaac Hadad au montage d’images par les collectionneurs obsessifs de photos sur Facebook, la déambulation permettra de découvrir sept illustrations en photo d’appropriations du sound system à travers le monde grâce à un diaporama géant, d’appréhender à distance ce qu’entendent les murs du club berlinois Berghain avec le Soundwalk Collective, mais aussi de découvrir une communication visuelle fourmillante et unique via les posters dancehall ultra-culte du Jamaïcain Denzil « Sassa » Naar et les flyers du pionnier rap old school Buddy Esquire.
From Roots to Culture
Say Watt ? rend dans cette seconde étape du parcours un hommage appuyé à La Jamaïque qui sut faire de ses tchatcheurs sur sonos locales d’authentiques icônes de la street culture, sublimés par les photos de Beth Lesser, une Canadienne aventureuse qui partit documenter la bouillonnante scène dans les bas-fonds de Kingston au début des années 80. Dans le même temps, un autre artiste ne le savait pas encore, mais il deviendrait culte des décennies plus tard pour les illustrations, roublardes et hilarantes, dont il para à l’époque des dizaines d’albums, de posters, de livres. Son nom ? Limonious. Wilfred Limonious, décédé en 1999, mais qui voit se dessiner ici à titre posthume la première rétrospective digne de sa prolifique production.
Radio Raheem
Nommé d’après le personnage du film de Spike Lee Do The Right Thing, qui ne saurait se déplacer sans son poste de radio géant, cette troisième séquence de l’exposition transporte logiquement l’épopée dans le Bronx, figurativement et très littéralement, puisque celui que l’Histoire a retenu comme le premier rappeur, Kool Herc, est un… Jamaïcain émigré à New York ! Au menu, le culte autour des boomboxes chers à Raheem donc, photographiés avec les égards de reliques par Lyle Owerko, l’hommage aux block-parties, ces fêtes de rues qui virent naître le mouvement hip hop, par le sculpteur JYB, mais aussi ce qu’il reste aujourd’hui de la première maison du rap, à l’adresse 1520 Sedgwick, par le photographe John Short…
Folk It! Do it yourself
C’était prévisible : tellement cool, tellement façonnable, tellement reprenable à son propre compte, l’imagerie dancehall ou hip hop des débuts a fini par faire le tour du monde, inspirant par sa nature même, au passage, de nombreux artistes tenants du Do It Yourself, désireux de payer un hommage façon folk art à ce qui est depuis devenu une culture à part entière.
Le vélo suréquipé d’enceintes Tchic Boum Boum made in Toulouse en est un exemple éloquent. Tout comme le sont le sound system en carton des mexicains fauchés de Dub Iration qui, faute de pouvoir se payer le véritable équipement, le reproduisent en trompe l’oeil pour se donner le frisson d’être au Carnaval de Nottinghill, ou le Ikea sound system de David Renault, dénonciateur du prêt-à-consommer – mais bien décidé à l’embellir !
Expériences, Expérimentations
Place aux expérimentations. Très directes, comme dans la Petite Salle insonorisée où l’on diffuse des Watts à pleins amplis, très ludiques, à l’image de l’igloo sonique de la Canadienne Alexis O’Hara, parfois teintées d’un propos inquiétant ou plus politique. Comme un sas, les vidéos de mise en vibrations de structures métalliques par Art Of Failure préviennent que parfois, l’expérience peut échapper à notre contrôle, pour devenir une arme quasi-militaire (radar sonique de Mark Bain), voire un moyen de coercition, tout court, comme le montre le film de Yeter Akyaz et Juliette Volcler, produit spécialement pour Say Watt ? autour du livre de cette dernière, Le Son Comme Arme.
Carte Blanche aux Gobelins, l’école de l’image
Films d’animation, vidéos, photos, projets multimédia : durant toute l’année scolaire, en collaboration avec le label anglais Scotch Bonnet Records, carte blanche a été donnée à huit groupes d’étudiants de la prestigieuse école de l’image Gobelins pour créer huit projets autour de la culture sound system. Leurs films seront projetés à la Gaîté lyrique lors d’une avant-première spécifique, durant toute la durée de Say Watt ? et avant quelques concerts choisis.
Say Watt? Le culte du Sound System
Du 21 juin au 25 août 2013
Tarif Plein: 7€
Tarif Réduit -26 ans: 5€
La Gaîté Lyrique
3 bis rue Papin
75003 Paris
M° Réaumur-Sébastopol
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