Récital Roméo et Juliette – Prokofiev / Dunayevsky / Bernstein – Salle Cortot
Ce répertoire à deux pianos leur donne l’occasion de nous raconter des histoires comme ils les aiment, de commettre des rapprochement délicieusement fantasques. « La scène, c’est comme un miroir géant : impossible de mentir, on est toujours soi-même », nous rappelle Ludmilla Berlinskaia.
C’est donc à des transpositions sur scène de bribes autobiographiques que nous assistons concert après concert, le vécu de l’un et de l’autre se retrouvant en miroir, pourvu que l’on connaisse quelque peu les coulisses de leur vie, riches en occurrences.
En voici quelques unes…
Tout commence par un exorbitant héritage artistique chez les deux musiciens.
Pour Ludmila, fille du violoncelliste et fondateur du mythique Quatuor Borodine Valentin Berlinsky, il s’agit d’une enfance russe où la petite fille côtoie Chostakovitch comme une chose allant de soi, connait Rostropovitch, est choisie par Richter qui la convaint de choisir la musique et rien d’autre comme but de vie. Car il y eut aussi, extrêmement jeune, les débuts de star du cinéma soviétique, avec un rôle principal dans « le grand voyage cosmique « de Vassili SELIVANOV.
Chez Arthur, né à Paris, la figure tutélaire est la diva Fanny Feldy, cantatrice adulée des années 30, traînant les coeurs derrière elle, récemment fêtée d’une exposition à l’Opéra Garnier. Figure forte, ayant servi de déclic à de nombreuses vocations sur les trois générations suivantes, comédiens et musiciens confondus.
L’un comme l’autre vont devoir luter contre les comparaison immédiates, déjouer les pronostics, ne pas se laisser envahir par les attentes surdimensionnés… se définir enfin.
Ludmila Berlinskaia et Arthur Ancelle choisissent l’un comme l’autre à 3 000 kilomètres de distance, de rompre avec le cocon aimant et l’aimable confort. Place à une vie cabossée et à des choix plus risqués. Mais à coeur vaillant, rien d’impossible.
Ludmila choisit de s’établir en France au début des années 90, alors qu’en Russie une splendide carrière lui ouvrait les bras. Considérée comme spécialiste de Chostakovich, elle choisit d’explorer de vastes répertoires. Sa philosophie : peu importe ce que l’on joue, ni où ni quand, il faut y croire et vivre chaque instant comme s’il était le plus important.
Après des débuts fracassants comme plus jeune élève de l’ Ecole Normale de Musique en Classe d’Harmonie à l’âge de 7 ans, Arthur prend le temps d’emprunter des chemins détournés. Ses études se poursuivent, jonchées de doutes, en conservant toujours une certaine indépendance par rapport aux courants dominants. Le voici expatrié à Lausanne, suite à la rencontre de Mira Yevtich qui le conforte dans sa singularité. Il remporte des prix, donne des concerts certes, mais se passionne pour des répertoires peu joués, là où tant de jeunes pianistes choisissent l’efficacité de programmes sans surprise.
Sensible à telle ou telle oeuvre en particulier plutôt qu’un un compositeur en général, il transcrit. C’est par exemple sa propre transcription pour piano de l’Apprenti Sorcier de Paul Dukas qu’il joue au Kennedy Center de Washington.
Puis retour à Paris et à l’Ecole Normale de Musique pour parfaire son cursus. C’est là qu’il passe son Prix d’interprétation dans la classe de Ludmila Berlinskaïa.
Au-delà des cours, s’installe une évidence musicale, une complémentarité. Les deux pianistes ont une appréhension de la vie très proche et installés à deux pianos en vis à vis ont besoin de très peu de mots pour décider d’une interprétation commune. Un duo naît. Leurs esthétiques musicales se rejoignent sur le tempérament, l’indépendance, la liberté et l’intransigeance par rapport à la technique. C’est vivant comme dans la vraie musique de chambre, oublieuse des clichés qui y sont parfois attahacés. Et luxe suprême, tant ils se comprennent, les deux pianistes peuvent prendre une nouvelle destination là, sur scène, devant le public.
2012 voit la sortie dans les bacs d’un merveilleux CD en duo, consacré à Piotr Illitch Tchaïkovsky et Paul Pabst, joués dans un climat de conte enivrant. Un programme que Ludmila et Arthur ont joué à Paris au printemps, avant de le reprendre partiellement à Moscou et Saint-Pétersbourg au début de l’année 2013.
C’est à présent un épopée « Roméo et Juliette « atypique et vibrante d’actualité qui fait l’objet de tous les soins du duo. Partition de Sergei Prokoviev en première partie de programme dans une transcription toute fraîche d’Arthur Ancelle, « West Side Story « après l’entracte. C’est audacieux et propre à faire chavirer les mélomanes comme les néophytes.
Et attention, de l’histoire à la légende, il n’y a qu’une volée de croches !
Récital Roméo et Juliette – Prokofiev / Dunayevsky / Bernstein –
Concert le 5 décembre à 20h30 2012, en avant-première d’une tournée Moscou – Saint Pétersbourg – Klin au début de l’année 2013
Salle Cortot
78, rue Cardinet
75017 Paris
M° Malesherbes
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