“Portrait éphémère du Japon” : les photographies de Pierre-Elie de Pibrac exposées au Musée Guimet
Le musée Guimet présente le projet photographique Hakanai Sonzai qui signifie en japonais “je me sens moi-même une créature éphémère”. À travers un ensemble de portraits couleur, de paysages et de natures mortes noir et blanc aux allures d’estampes, Pierre-Elie de Pibrac y raconte le sentiment d’impermanence qui imprègne la culture japonaise, une société qui a forgé des règles collectives exigeantes afin de faire face à l’hostilité d’une nature imposant partout sa loi.
Prolongeant un travail photographique anthropologique et social initié en 2016 à Cuba et qu’il poursuivra en 2024 en Israël, Pierre-Elie de Pibrac (né en 1983) a sillonné le Japon entre décembre 2019 et août 2020 pour réaliser la série Hakanai Sonzai. Au cours de cette enquête immersive, l’artiste est allé à la rencontre d’individualités cherchant à exprimer la singularité d’une histoire personnelle par le biais de leur participation au projet du photographe : yakuzas, rescapés de Fukushima, hikikomori (personnes vivant coupées du monde et des autres, cloîtrées le plus souvent dans leur chambre) ou « évaporés » ayant opté pour une disparition volontaire…
Pierre-Elie de Pibrac engage ces échanges intimes par l’envoi de carnets de notes vierges et d’appareils photos jetables, entretenant une correspondance assidue avec ses modèles avant de travailler avec eux en décors et lumières naturels. Au temps humain nécessaire à la création de la relation répond alors le temps long photographique de la prise de vue à la chambre.
“Dans un pays où les habitants s’ouvrent peu, il a fallu que je sois particulièrement méthodique et patient pour briser la glace et entrer lentement dans la vie des Japonais dont je voulais raconter l’histoire” explique Pierre-Elie de Pibrac.
En contrepoint à ces tableaux photographiques de grand format où le visage de l’autre est omniprésent, un ensemble de photographies noir et blanc propose, sans trace de présence humaine, de somptueux détails du Japon éternel : chutes d’eau, étangs aux profondeurs insondables, canopées à la densité oppressante, architectures abandonnées, rendant sensible la violence cachée dans les troublantes beautés du paysage japonais.
Inspirées de le la tradition japonaise de l’ukiyo-e, art subtil de l’encre et des gravures sur bois, ces photographies noir et blanc renvoient à la conscience aigüe d’une précarité de l’existence, présente dans la notion de Mono no aware, sensibilité pour l’éphémère omniprésente au Japon, où les forces aléatoires d’une nature capricieuse et mystique avec ses séismes terrestres et marins récurrents, pèsent sur la vie des habitants. Les images de Pierre-Elie de Pibrac nous immergent dans la profondeur de la culture et de l’esthétique japonaises, donnant à voir, en creux, la fragile beauté de notre condition humaine.
Avant ou pendant votre visite en suivant les codes QR, découvrez les origines de l’exposition en écoutant cet entretien avec Pierre-Elie de Pibrac.
Commissariat : Pierre-Elie de Pibrac, Laurence Madeline, Claire Bettinelli
[Source : communiqué de presse]
Articles liés
“Riding on a cloud” un récit émouvant à La Commune
A dix-sept ans, Yasser, le frère de Rabih Mroué, subit une blessure qui le contraint à réapprendre à parler. C’est lui qui nous fait face sur scène. Ce questionnement de la représentation et des limites entre fiction et documentaire...
“Des maquereaux pour la sirène” au théâtre La Croisée des Chemins
Victor l’a quittée. Ils vivaient une histoire d’amour fusionnelle depuis deux ans. Ce n’était pas toujours très beau, c’était parfois violent, mais elle était sûre d’une chose, il ne la quitterait jamais. Elle transformait chaque nouvelle marque qu’il infligeait...
La Croisée des Chemins dévoile le spectacle musical “Et les femmes poètes ?”
Raconter la vie d’une femme dans sa poésie propre, de l’enfance à l’âge adulte. En découvrir la trame, en dérouler le fil. Les mains féminines ont beaucoup tissé, brodé, cousu mais elles ont aussi écrit ! Alors, place à leurs...