Peter Vogel – galerie Lara Vincy
Pour sa troisième exposition personnelle à la galerie Lara Vincy, Peter Vogel présente une nouvelle série d’objets cybernétiques, qui communiquent avec le spectateur en réagissant aux mouvements et aux sons.
Influencé par Grey Walter –neurophysiologiste et concepteur de structures électroniques à partir de schémas comportementaux-, Vogel envisage le spectateur comme performeur et non comme simple observateur. Physicien de formation, ses recherches réifient la pensée constructiviste selon laquelle : “nous n’avons pas besoin d’un mausolée de l’art où adorer des ¦uvres mortes, mais d’usines vivantes de l’esprit.” (1)
S’appropriant la phrase de Friedrich von Schiller “l’homme ne joue que là où, dans la pleine acceptation du mot, il est homme, et il n’est tout à fait homme que là où il joue” (2), l’artiste conçoit d’insolites sculptures et environnements sonores, mobiles et lumineux qui interagissent aux stimuli extérieurs -ombres, déplacements, bruits- et déclare trempé de neuroscience: “je n’ai pas pensé à la forme lors de la construction de ces objets, mais bien à leur comportement. On pourrait leur appliquer l’ancien credo du Bauhaus, form follows function” (3) puisque à son sens, ces ensembles composés de systèmes unicellulaires ne deviennent art que, lorsqu’ils sont expérimentés.
C’est ainsi qu’aimanté par l’attraction de ces intrigants modules filaires aux diodes clignotantes et aux hélices tournoyantes, le visiteur se transforme en performeur, et expérimente à grands renforts de moulinets et vocalises les réactions de ces systèmes autonomes, tout en guettant les conséquences de ses actes, ou en essayant de reproduire certains sons -ce qui soit dit en passant est inutile, puisque l’action d’un observateur/performeur n’induit pas toujours la même réponse de l’objet sonore-. Pourquoi ? Parce que la performance s’appuie sur l’immédiateté, contrairement à l’interprétation qui s’appuie sur la répétition.
Soumis à leur environnement, ces circuits réagissent à partir de la logique aristotélicienne : conjonction, disjonction, négation, auxquels Peter Vogel ajoute intégration et pré intégration. Imaginons une sculpture équipée de capteurs sonores ; programmée pour devenir lumineuse sous l’effet du son, elle illustrera la logique de la conjonction, une autre équipée de cellules photo-électriques restera silencieuse si elle est privée d’ombre, ce sera la logique de la négation, bref pour Vogel comme pour Cage, ce n’est pas le compositeur, mais l’auditeur qui fait la musique.
Partageant avec La Monte Young, une fascination pour l’indétermination dans la composition et l’interprétation, Peter Vogel livre l’action à l’autre afin qu’il enrichisse sa perception sensible, mais par le jeu, surtout par le jeu ! Indexant aux principes d’échanges son travail, il propose une pensée politique, qui proche de Cornelius Cardew soustrait la musique aux systèmes de notation préétablis, afin de nous permettre d’élargir le champ de nos expériences.
Francine Flandrin, juillet 2009
(1) Vladimir Maïakovski, in revue “Art communiste” – 1918.
(2) Friedrich von Schiller, in “Lettres sur l’éducation esthétique des hommes” 1791-1801, Aubier, Paris, traduction française Robert Leroux, 1943/1992.
(3) Peter Vogel, in “Partitions de réactions”– éditions Les presses du réel, 2009.
Exposition de Peter Vogel
Du 11 septembre au 10 octobre 2009
Galerie Lara Vincy
47, rue de Seine
75006 Paris
M° Mabillon
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