Ouverture de la Villa Pérochon – Niort
Les héritiers d’Ernest Pérochon, Prix Goncourt 1920, pouvaient-ils se douter que ce legs à la ville de Niort, la maison de leur aïeul, serait transformé en centre culturel photo ? Sans doute pas, tant la décision du conseil municipal a été emportée à la force du poignet. Pourtant on ne peut pas dire que cette décision est tombée du ciel : vingt ans que l’association Pour l’instant organise les Rencontres de la jeune photographie internationale à Niort, événement que l’équipe municipale a su considérer avec sérieux lors de leur victoire aux municipales de 2008. Depuis la ville a doublé son budget culturel, et transformé son statut de cité provinciale, fief du sport et des mutuelles, en une cultural wannabe. La vie associative a été boostée, la salle de spectacle le Camji, homologuée SMAC (Scènes de Musique Actuelle), et le festival Téciverdi a acquis un véritable statut parmi ses pairs. Le Moulin du Roc, scène nationale, présente également un programme attractif, et le Pilori, salle municipale, expose des artistes contemporains. Enfin chaque année les festival Cirque au Pré Leroy présente un programme des compagnies d’art d’art de rue.
Mais revenons à la villa en elle-même. Son jardin est encore endormi, mais le centre culturel occupe le rez-de-chaussée de cette ancienne maison bourgeoise. À l’orée de 2016–2017, les étages seront réhabilités et investis, par une extension du centre culturel photographique ? Par l’association des amis d’Ernest Pérochon ? Tout reste encore à décider. D’abord conçue pour accueillir un public varié, la Villa Pérochon est présentée comme un jardin, en entrée libre, tous les après-midi du mardi au samedi. Par des partenariats scolaires, des ateliers culturels, la structure entend fournir un soutien conséquent aux écritures contemporaines : présenter enfin un accès décomplexé à la pratique de la photographie. Le programme annuel se divisera en deux parties : l’accueil des Rencontres de la jeune photographie internationale, entre avril et mai, huit artistes exposés, reçus en résidence, puis de nouveau exposés (cette fois par le biais du travail effectués sur place pendant quinze jours) ; et l’Eté à la villa, un programme original accueillant chaque année un photographe de renom différent. Cet été exceptionnellement, l’association Pour l’Instant effectuera une sélection dans les fonds du Pôle Image Normandie.
Jusqu’au 31 mai, le centre culturel propose l’exposition de Denis Dailleux, « Du Nil dans mes veines » en marge des Rencontres de la jeune photographie internationale. Denis Dailleux est en effet conseiller artistique de cette résidence 2013, dont les artistes sont exposés au Moulin du Roc, pour l’instant. Photographe pour l’agence VU’, il réside au Caire, ville et civilisation pour lesquels il a eu un coup de foudre. Sa photographie, extrêmement picturale et narrative, relève bien évidemment du photo-reportage ; cependant par les mouvements, les couleurs, les odeurs pressentis, c’est d’abord une photographie vivante où le sujet agit. Sieste, café, danse… chaque cliché est le témoin d’une vétusté magnifique. Fantomatique parfois, sa pratique capture l’esprit de la ville, hanté par les chats et les oiseaux. La douleur surgit surtout dans sa dernière série, consacrée aux martyrs de la révolution. Ici apparaissent les femmes, les mères, spectres noirs aux yeux endeuillés.
Dans le jardin, la Villa présente le travail de Florence Brochoire, ancienne résidente : « Douze femmes ouvrent hier ». Cet opus, réalisé dans le cadre du projet « Fabriqué à Niort, mémoires ouvrières » collectent photos et sources audio pour tenter de conserver la mémoire industrielle qui s’endort doucement, dans la vieillesse et la crise. La réhabilitation du travail manuel, de cette richesse manufacturière est suffisamment rare pour saluer le travail de Geneviève Gaillard et de son équipe municipale, qui ont remis le samedi 14 avril aux ouvrières témoins, un exemplaire du catalogue de l’exposition. Pour une fois actrices et reconnues, les sujets de photo ont pu se contempler sur les cimaises du jardin. Un beau moment, et beaucoup de projets d’avenir pour ce nouveau centre.
Mathilde de Beaune
« Du Nil dans mes veines » de Denis Dailleux
Jusqu’au 31 mai 2013
La Villa Pérochon
64 rue Paul-François Proust
79000 Niort
Entrée libre
Du mardi au samedi, de 13h30 à 18h30
Rencontres de la jeune photographie internationale
Le Bélvédère au Moulin du Roc
Jusqu’au 31 mai 2013
[Crédit photo : Alexandria, 2005. C-print, 80cm x 80cm © Denis Dailleux. Courtesy galerie Camera Obscura]
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