0 Shares 4928 Views

Thierry Pélicant – chef d’orchestre humaniste

7 janvier 2011
4928 Vues
Thierry_Pelicant

Thierry_Pelicant::

Il semble respirer avec le même souffle que ses « vents », voir avec les mêmes yeux aux aguets que ses « percus », prendre la posture pour sentir en adéquation le même vibrato que ses « cordes ». Ce pourrait être là le portrait déjà brossé de mille et un chefs d’orchestre, cependant que dans ce brossage là on sent toute l’humanité d’une direction d’orchestre qui semble n’appartenir qu’à lui seul tant le magnétisme est présent autant que cette lumière prismale dont il est la source et que chacun des concertistes admire.

Thierry Pélicant est né en 1957 à Sainte Adresse, la station balnéaire du littoral Manche immortalisée par les peintres Claude Monet et Raoul Dufy .Très vite après des études de droit il découvre sa passion et se consacre à la direction d’orchestre suite à sa rencontre en 1977 avec Jean-Claude Hartemann, directeur de la musique de l’Opéra comique et de la réunion des Théâtres lyriques Nationaux.

Directeur musical de la ville de Montivilliers, près du Havre, Thierry Pélicant dirige régulièrement les deux formations symphoniques de la “Cité des abbesses”,l’Ensemble Boïeldieu (1998) et l’Orchestre symphonique de la ville (1976). En 1981 il devient le trente troisième chef du “Concert”, Orchestre Philharmonique du Département de l’Oise, fondé avant 1750 à Beauvais.

Passionné par la musique Française, il a recréé une symphonie perdue de Gossec et des pièces lyriques oubliées de Boïeldieu, Méhul et Philidor. Il a retrouvé et reconstitué la Messe solennelle de Louis-Victor-Adrien Boïeldieu, fils du “Grand Boïeldieu”. Il a également dirigé à Paris et au Festival Massenet de Saint-Etienne la création mondiale de la Suite parnassienne de Jules Massenet. Cette oeuvre a fait l’objet d’un enregistrement pour les éditions Malibran salué par la critique (ffff Télérama).

Compositeur, il a écrit principalement des pièces concertantes (concerto pour orgue, pour hautbois, pour basson, pour cuivres, Rhapsodie pour violon, concerto pour contrebasse), des symphonies, dont la troisième, “sérénade”, était une commande du Festival de Nyons. Un opéra bouffe, “Elise et le fantôme” et un opéra inachevé, “Ribouldingue ou La Parturition des Pieds Nickelés” n’ont été joués en concert que par extraits. “Ombre Légère. Quelques pièces de musique de chambre sont à son catalogue (Sonate pour cor,“Musiques d’Eglise”, Les sept piliers de la sagesse, pour octuor de vents et contrebasse,La partition, pantomime pour une danseuse, voix off avec quintette pour piano et vents). Il a également écrit pour le quatuor Denner des pièces pour clarinettes (Ouverture dramatique et sentimentale pour quatuor, Frascati, pour quatre quatuors et ensemble de clarinettes, De la force- De la sagesse- De la beauté, trois pièces pour 2 clarinettes et cor de basset). Certaines de ces pièces ont fait l’objet d’un enregistrement.

Animé du même touchatouisme dans l’art que Dominique Preschez (musicien, poète, écrivain), Thierry Pélicant est aussi écrivain et son premier roman Carnets de Walter Crane a été édité en 2005 aux éditions Tirage(s) limité(s). Tel un « Paganini du violon d’Ingres », Thierry Pélicant nous laisse bellement dans l’impatience de découvrir la prestation musico scénographique humanitaire Escales & Paysages composée avec Dominique Preschez.

Yves-Alexandre Julien

Découvrez Une création pour orchestre symphonique au profit de la Fondation Hôpitaux de Paris sur Culturebox !

Est-ce fantasque de penser que le synopsis autant que la finalité de l’évènement musical Escales & Paysages, puisse être un remède pour ceux qui souffrent ou qui sont en fin de vie ? En d’autres termes, votre œuvre recouvre t’elle un caractère musico-thérapeutique ?

Je ne saurais le prétendre, même si je l’espère de toutes mes forces. La musique est un étonnant langage capable de ne s’adresser aux hommes que sous la forme d’émotions, physiques et spirituelles, tout en faisant l’économie du vocabulaire et de la grammaire. Oui, la musique nous dit des choses essentielles par un moyen bien étrange. Alors, parce que je crois à la nécessaire beauté de la vie, parce que je crois – parfois contre toute raison mais avec une confiance d’enfant – à la présence universelle de cette beauté, j’ai l’espoir que les notes qui nous sont venues, à Dominique et à moi, puissent témoigner de ce que je ressens de la vérité du monde. Et puis, dans un tel spectacle, comment ne pas être certain que la ferveur des interprètes ne porte également en elle un message similaire ? Comment ne pas être certain que cinquante artistes, tous tendus vers le même but, ne puissent porter ce message de vie jusqu’au cœur de ceux qui le recevront ?

Vous êtes, si je puis dire, un régionaliste en musique, puisant vos créations aux sources sur le sol Normand. Croyez-vous que ce concert du 24 mars prochain soit le récit apatride d’un artiste singulier dans ses domaines de prédilection : la composition et la direction d’orchestre ?

Contrairement à Dominique et peut-être à Raphaël, je ne suis pas un voyageur ; Lorsque j’y suis obligé, lorsque je suis un peu loin, je reste un sédentaire déplacé, parce que je ne parviens pas, même si je suis particulièrement émerveillé par ce que je découvre, à me débarrasser de ce que je suis, à me fondre dans ce qui m’entoure pour devenir différent. Et puis, je dois l’avouer, c’est au sens propre de ce mot que je suis attaché à ma région, aux falaises et à la mer, aux abbayes, à la Vallée de la Seine et aux lumières de l’Estuaire, à ces gens que je crois comprendre, à cette campagne à la verdure exubérante l’été – on dit alors qu’elle est vert-feu – à ces ciels immenses, à ces vieilles cités en colombages comme aux formidables défis techniques et futuristes que ses habitants savent conduire. En fait, j’ai besoin de ces racines nourrissantes et fortifiantes pour pouvoir aimer le monde et espérer le considérer dans son ensemble sans m’y sentir perdu et abandonné. Mais le fait d’aimer charnellement ma région au point de ne pas savoir la quitter ne fait pas de moi un régionaliste. La musique est une expression par nature universelle et les musiques nationales parlent simultanément, en réalité, toutes les langues de la Terre même si, pour y parvenir, un socle leur est à chacune sans doute nécessaire. Rien ni personne, me semble-t-il, ne peut être, se croire ou se prétendre apatride.

Pourquoi selon vous une telle musique portant l’espoir doit elle méconnaitre les frontières et refuser – à contrario du caractère régionaliste – de s’inspirer nativement d’un seul et unique paysage pour s’inscrire dans la diversité ?

Parce qu’il s’agit là de dimensions différentes qui ne se rencontrent pas. Tout ce qui compte, tout ce qui est élevé, tout ce qui est beau, devient par nature universel, indépendamment de la culture spécifique qui l’a nourri. C’est avec sa culture que le héros d’Escales & Paysages ressent ce qui transpire des mondes qu’il visite et pourtant, tout homme sensible vivant cette aventure, d’où qu’il vienne, connaitrait une aussi bouleversante initiation. Cet homme voyage pour rassembler sa propre vie. A chaque escale, il retrouve une part de lui-même, une part qu’il y a autrefois laissée; Chaque paysage fait partie de lui et c’est en homme reconstruit qu’il abordera l’ultime étape de son périple. Je ne veux pas dévoiler la fin de cette aventure. Je peux simplement avancer que le héros, cet artiste, ce musicien, cet organiste, parce qu’il aura par ce voyage reconstitué ce que la maladie avait dispersé, reviendra neuf et en témoignera en jouant ces notes admirables et simples que Dominique Preschez a choisi de lui confier pour conclure son voyage.

On aurait voulu vous faire vous rencontrer pour créer un tel événement que ce concert Escales & Paysages vous, le pianiste virtuose Raphaël Drouin et le compositeur poète musicien organiste Dominique Preschez, que nous n’y serions probablement pas arrivés ! Y a-t-il donc une part d’ésotérisme et de mystère dans cette réunion de trois musiciens dont les routes se croisent ou se recroisent à présent ?

Le temps est une dimension indispensable dont on ne peut heureusement faire l’économie. Ce qui a artistiquement permis la création d’Escales & Paysages, ne vient pas seulement de la nature amicale, esthétique ou spirituelle du lien qui nous réunit, Dominique Raphaël et moi. Il fallait également que cette relation soit nourrie par le temps, par tous ces concerts, ces créations, ces émotions vécues et partagées qui permettent de se comprendre et de se deviner. Entre le soliste et l’orchestre qui l’accompagne, entre le compositeur et celui qui crée sa partition nait un très intime et parfois très indiscret partage. Dominique Preschez et moi nous connaissons depuis bien des années et, en plus de l’amitié qui fut immédiate, nous avons appris à nous découvrir en parlant cet étonnant langage qu’est la musique ; Et Dieu sait à quel point j’aime sa musique ! Avec les musiciens de l’orchestre, nous avons eu le privilège de créer plusieurs de ses œuvres et de les reprendre en concert, toujours avec la même joie, aussi profonde et respectueuse que gourmande car son écriture exige des interprètes qu’ils mettent en œuvre tout ce qui, justement, leur a fait choisir ce métier si particulier. Avec Raphaël Drouin, l’amitié fut tout aussi immédiate et c’est avec Beethoven, Mozart, Schumann, Grieg, Liszt, Chopin, Poulenc….et Preschez, que nous avons forgé ensemble et avec les musiciens de l’orchestre une compréhension instinctive mutuelle. Sa virtuosité et sa musicalité naturelles, ses intuitions toujours neuves et convaincantes font que tous ceux qui l’accompagnent ne peuvent que vouloir poursuivre avec lui, toujours plus loin, l’aventure musicale. Il n’y a sans doute aucun mystère ésotérique dans tout cela : Nous nous aimons et nous nous comprenons ; C’est pourquoi, dans cette aventure que Nicole Galtier a rendue possible, Dominique a voulu que nous nous retrouvions. Les mystères sont enveloppés de brumes et l’ésotérisme tend à aborder ce qui est caché. Notre aventure, elle, n’est faite que de lumière et de transparence.

Propos recueillis par Yves-Alexandre Julien

Escales & Paysages

Le Jeudi 24 mars 2011 à 20h30

Tarifs : 30 euros et 50 euros pour les adultes
Tarif réduit : 20 euros pour les – de 18 ans

Salle Gaveau
45, rue de la Boétie
75008 Paris

www.ensembleetcreation.com

Articles liés

“Moins que rien” : l’histoire de Johann Christian Woyzeck adaptée au Théâtre 14
Agenda
22 vues

“Moins que rien” : l’histoire de Johann Christian Woyzeck adaptée au Théâtre 14

L’histoire est inspirée de l’affaire de Johann Christian Woyzeck (1780-1824) à Leipzig, ancien soldat, accusé d’avoir poignardé par jalousie sa maîtresse, Johanna Christiane Woost, le 21 juin 1821. Condamné à mort, il a été exécuté le 27 août 1824....

La Scala présente “Les Parallèles”
Agenda
34 vues

La Scala présente “Les Parallèles”

Un soir, dans une ville sans nom, Elle et Lui se croisent sur le pas d’une porte. Elle est piquante et sexy. Lui est hypersensible et timide. Il se pourrait bien que ce soit une rencontre… Mais rien n’est moins sûr, tant ces deux-là sont maladroits dans leurs...

“Tant pis c’est moi” à La Scala
Agenda
111 vues

“Tant pis c’est moi” à La Scala

Une vie dessinée par un secret de famille Écrire un récit théâtral relatant l’histoire d’un homme, ce n’est pas seulement organiser les faits et anecdotes qu’il vous transmet en une dramaturgie efficace, c’est aussi faire remonter à la surface...