L’Or du Rhin à l’Opéra Bastille
Ce prologue des trois journées qui forment le cycle de l’Anneau du Nibelung révèle la source de la malédiction, le vol de l’or des filles du Rhin et débute par un prélude de cordes somptueux.
Les ondines, filles du Rhin, véritables sirènes coiffées à la Brigitte Bardot, dans leur costume stupéfiant, enchantent par leur voix et font naître le désir concupiscent du lubrique Alberich. Les nymphes frétillent gaiement, prennent des poses de sirènes toute naïves, certaines de leur pouvoir (qui oserait renoncer à l’amour pour voler l’or ?) font de la balançoire comme des petites filles à qui rien ne peut arriver.
Peter Sidhom incarne un extraordinaire Alberich, le baryton dévoile toutes les facettes du nabot débonnaire et grotesque, et devient sublime en personnage vil, soumis à la concupiscence de l’or. Il révèle la rage violente et désespérée du personnage dédaigné et humilié avec puissance. La scène où il perd son doigt est saisissante de cruauté et de vérisme. Ses imprécations sont terribles.
La mise en scène foisonne d’idées et fait naître le merveilleux propre à la cosmogonie de Wagner et les décors sont grandioses. La volumineuse boule d’or est magnifique, le château olympien sur lequel s’étendent les dieux, puissant. L’idée des mains gantées des nombreux figurants imitant à merveille les poissons frétillants est magique. Ainsi les filles du Rhin se soustraient astucieusement au désir trop brûlant d’Alberich. Le miroir en fond de scène réfléchit le plateau et évoque le Rhin.
Sophie Koch, extrêmement applaudie interprète une Fricka, superbe et majestueuse. L’ennui et la contrainte nourrissent le couple des Dieux, Wotan et Fricka cherchent à embellir leur univers par l’acquisition d’un magnifique château. Falk Struckmann, Wotan à Bayreuth dans diverses productions, incarne un puissant dieu qui n’hésiterait pas à vendre sa belle-soeur si son épouse ne l’en empêchait ou à garder l’anneau. Le baryton impose par la munificence de sa voix et par sa présence impériale. Seule Erda interprétée superbement par Qiu Lin Zhang, très applaudie, présence mystérieuse, qui apparaît comme un songe dans une démarche étrange, figure énigmatique, convaincra Wotan de la malédiction de l’anneau.
Le metteur en scène fait apparaître le dieu du feu Loge comme un clown. Kim Begley incarne un dieu espiègle et sage, plein de compassion pour ces dieux.
De très belles images restent en mémoire, celles des travaux forcés, écho des galères. Une immense pendule dorée régule le mouvement régulier des forçats rendus esclaves par l’anneau. L’exploitation ouvrière est dénoncée. Le travail à la mine notamment avec les miniers épuisés amassant les lingots pour Alberich. L’image de la torture et des conditions d’esclavage est reprise par le géant qui flagelle du fouet ses ouvriers. Étonnamment, alors qu’ils sont très nombreux, aucun esclave ne se révolte, soumis par la peur toute puissante exprimée à plusieurs reprises par une clameur terrifiante. Enfin, l’ascension des dieux coiffés de casques aux bois de cerf rappelle les olympiades avec les figurants en short blanc.
Un opéra spectaculaire magnifiquement dirigé par Philippe Jordan, qui plaira assurément à tous les wagnériens.
Marie Torrès
Le cycle de l’Anneau du Nibelung à l’Opéra Bastille :
– La Walkyrie
– Siegfried
– Le Crépuscule des dieux
L’Or du Rhin
DAS RHEINGOLD
PROLOGUE EN QUATRE SCÈNES AU FESTIVAL SCÉNIQUE L’ANNEAU DU NIBELUNG (1869)
MUSIQUE DE RICHARD WAGNER (1813-1883)
LIVRET DU COMPOSITEUR en langue allemande
Philippe Jordan Direction musicale
GÜNTER KRÄMER° Mise en scène
JÜRGEN BÄCKMANN° Décors
FALK BAUER° Costumes
DIEGO LEETZ° Lumières
OTTO PICHLER° Mouvements chorégraphiques
FALK STRUCKMANN (4, 10, 13, 16, 22, 25 mars)/
EGILS SILINS° (19, 28 mars) Wotan
SAMUEL YOUN° Donner
MARCEL REIJANS° Froh
KIM BEGLEY Loge
PETER SIDHOM Alberich
WOLFGANG ABLINGER-SPERRHACKE Mime
IAIN PATERSON° Fasolt
GÜNTHER GROISSBÖCK° Fafner
SOPHIE KOCH Fricka
ANN PETERSEN° Freia
QIU LIN ZHANG° Erda
CAROLINE STEIN° Woglinde
DANIELA SINDRAM Wellgunde
NICOLE PICCOLOMINI° Flosshilde
ORCHESTRE DE L’OPÉRA NATIONAL DE PARIS
8 représentations du 4 au 28 mars 2010
TARIFS : 180€ 160€ 135€ 110€ 80€ 50€ 30€ 15€ 5€
Opéra Bastille
Métro Bastille
[Visuels : Peter Sidhom (Alberich) et le peuple des Nibelungen. Sur la droite, Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Mime) Crédit : Opéra national de Paris/ Charles Duprat // Falk Struckmann (Wotan) au sommet du globe Crédit : Opéra national de Paris/ Elisa Haberer // (scène finale) Crédit : Opéra national de Paris/ Charles Duprat]
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