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Mounir Fatmi – The Blinding Light – galerie Analix Forever

2 mai 2013
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galerie Analix Forever

La Jambe noire de l’Ange ? Mounir Fatmi s’est inspiré, pour ce travail, qui se poursuit et s’approfondit au fil du temps, d’un tableau de Fra Angelico intitulé La Guérison du Diacre Justinien (1438-1440 ; Musée San Marco, Florence). Le sujet ? Un miracle posthume réalisé par Saint Côme et Saint Damien, deux frères jumeaux d’origine arabe, médecins “anargyres” (sans argent) convertis au christianisme, martyrisés et sanctifiés. Le diacre Justinien avait la jambe en perdition, alors les deux frères lui greffèrent, pendant son sommeil, la jambe d’un éthiopien qui venait d’être enseveli au Cimetière de Saint Pierre. C’est la Jambe noire de l’Ange. Comme le dit Françoise Parfait, “La vidéo, forme hybride par excellence, cite toujours une autre image.”

Fra Angelico nous donne à voir tout à la fois un miracle de la vie et l’un des miracles de sa peinture. Avec “The Blinding Light”, Mounir Fatmi va plus loin encore. Pour lui, la survie du Diacre Justinien ne suffit pas à notre besoin de consolation face à la mort. L’éthiopien lui aussi doit survivre. Ce sera la Jambe blanche de l’ange, celle que personne n’avait à ce jour pensé à greffer à l’éthiopien. Car mounir fatmi porte en lui la conviction profonde que la civilisation, non, les civilisations, les échanges entre elles, en toute connaissance de cause des unes et des autres, permettront seuls ce Beautiful Language (du titre d’une autre des vidéos de l’artiste) dont nous sommes si loin encore – un langage aussi profondément singulier que possiblement partagé.

La lumière ici, dans cette double projection vidéo adaptée à l’espace minuscule de la galerie investi par mounir fatmi comme s’il était un sanctuaire, éclaire et aveugle, en positif et en négatif. Et l’image en négatif nous éblouit ici de manière si éclatante que nous ne pouvons que fermer les yeux sur notre pensée, car “Est sublime ce qui, par cela seul qu’on peut le penser, démontre une faculté de l’âme qui dépasse toute mesure des sens” (Kant, Critique de la Faculté de Juger). Le sublime associe la beauté et son ombre. Toujours, il déborde le beau. On pourrait dire de mounir fatmi, comme Gil Pressnitzer l’écrit à propos de Rilke, qu’ “il tutoyait les anges sachant que le beau n’est jamais que le commencement du terrible.”

La Jambe noire de l’Ange est un film en noir et blanc, comme Beautiful Language ; et comme dans Beautiful Language, l’image, cruelle, torture notre regard pour mieux nous faire regarder. Nous voyageons alors d’un monde à l’autre, d’un temps à l’autre, de l’Asie à Florence, du IIIème siècle à la Renaissance et jusqu’à nos jours, où l’intégration de l’autre – de l’Intrus, après Jean-Luc Nancy – reste aussi impossible qu’au temps de la préhistoire. Avec une persévérance dont les racines sont à trouver dans son enfance, mounir fatmi pose la question de la singularité, de l’identité, du mélange, de la greffe. Celle-ci finira-t-elle par ” prendre ” ? Il faudrait un ange pour qu’elle prenne, mais l’Ange de l’Histoire tourne le dos à l’avenir, le visage dirigé vers le passé. 

Mounir Fatmi, alors, puise dans sa propre histoire : “Celui qui est habillé avec les vêtements des autres est nu : notre mère avait raison, écrit fatmi. C’était exactement cela que j’avais ressenti en classe. J’étais nu devant tout le monde. Ce jour là, j’ai décidé que si je devais être puni, au moins ce serait pour mes propres fautes. J’ai décidé de dessiner et d’écrire ma propre histoire. J’ai décidé d’avoir ma propre pensée, pour ne plus jamais me retrouver nu.” La greffe culturelle, douloureuse mais indispensable, forge sa propre pensée et son travail d’artiste.

Elle ne peut être que réciproque. 

Dessiner ma propre histoire : une autre surprise de cette exposition est la puissance du dessin. mounir fatmi est connu avant tout pour ses grandes installations, mais il dessine depuis toujours. La puissance de La Jambe noir de l’Ange dessinée par fatmi nous révèle un immense talent du dessin, ce que viendront confirmer les dessins de la série “Face”. Finalement, fatmi nous annonce, une fois de plus, que God is Dead, et que dans les miroirs où nous le recherchons encore, nous ne trouvons que nous-mêmes, seul espoir d’avenir : nous humains et cette lumière aveuglante de notre propre réalité fantasmée. »

Barbara Polla, mai 2013

Mounir Fatmi – The Blinding Light 

Du 2 mai au 2 juin 2013

Vernissage le 2 mai

Galerie Analix Forever
Rue de Hesse 2
1204 Genève
Suisse

www.analix-forever.com

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