Miroir de mon âme – documentaire de Deza Nguembrock
Le corps de la personne en situation de handicap n’est pas qu’un outil malmené, une erreur approximative, un élément dont on ne sait que faire. Il peut aussi susciter interrogation, envie, désir. Et de l’autre côté du miroir, comment vit-on le regard des spectateurs et de soi-même sur son corps ?
En posant ces questions de manière crue, non détournée, Deza Nguembrock, elle-même handicapée, poursuit son travail photographique en magnifiant le corps contemporain. En prise de son direct, les témoignages de Marie, Benoît, Nicolas, captés chez eux ou durant les séances photos, apportent à la fois éclaircissement, humour et profonde réflexion.
Mathilde de Beaune
« … Je m’aperçois, à 27 ans que, finalement, le pouvoir de l’image était ce qui m’a le plus fermement enchaîné à un moi idéal, que je détruis maintenant avec une grande jubilation. Mon image de l’homme s’est forgée dans la publicité, les journaux et un constat s’est imposé de façon de plus en plus douloureuse au fil de mon adolescence : je ne suis pas comme cela. De ce «je ne suis pas comme cela» à «je ne suis pas désirable», à l’époque où le désir s’éveille, il n’y avait qu’un pas… Je peux à l’heure présente dire ce «et alors» qui brave surtout mon propre regard sur moi-même, mais aussi, il faut tout de même l’avouer, celui des autres. Mon corps est ce qu’il est, et alors ? » — Benoît W.
Il suffit de s’attarder un instant sur la littérature se rapportant sur le handicap (différentes tentatives de définition du mot, appellations multiples, récentes lois sur le sujet) pour comprendre que le handicap reste un enjeu sociétal majeur. Malgré la prise de conscience et les dispositions législatives, il reste une cause d’exclusion non seulement en termes d’éducation, d’accès aux infrastructures, d’intégration professionnelle, mais surtout et avant toute chose d’acceptation sociale : un thème central du documentaire Miroir de mon âme, filmé avec tendresse et pudeur, est la prise de conscience de ce que le regard porté sur les personnes en situation de handicap est quelquefois plus lourd à supporter que le handicap lui-même. Il est donc essentiel d’éduquer le regard. Notre documentaire va à la rencontre de quelques âmes dont les vibrations expriment distinctement et vigoureusement cette préoccupation.
« Au départ, je l’ai fait aussi pour moi, pour avoir une vision voire une autre vision de moi-même tout simplement; et puis après, évidemment au delà de ça, le but du projet qui est d’aider les autres à changer de regard et quand je dis les autres, c’est pas uniquement ceux qui ne sont pas handicapés, mais aussi les personnes handicapées elles-mêmes à faire ce pas et d’aller plus loin et se voir autrement qu’un corps cassé. » — Marie D.
Vivant dans un monde où tout passe à travers le filtre de l’image, il est difficile de nier que l’acceptation sociale passe aujourd’hui plus que jamais par l’image, le champ visuel et médiatique qui nous entoure. L’image corporelle est le premier élément visible de l’identité de tout individu : telle un packaging de l’être vivant, c’est elle qui séduit, qui attire ou éloigne… et les personnes handicapées ne sont pas en reste. Miroir de mon âme aborde l’intégration socioprofessionnelle des personnes en situation de handicap à travers le concept Esthétique & Handicap qui, non seulement sensibilise le regard sur les notions d’esthétique et du réel, mais favorise le développement de nouveaux référents utiles à la société.
« Ça m’a fait beaucoup de bien à moi, de participer à un projet aussi ambitieux et positif sur les représentations et l’image parce qu’on est quand même dans une société où la publicité est omniprésente… et, j’ai un peu le sentiment de faire de la publicité pour le handicap, donc je trouve ça chouette d’être un objet de consommation qui a du sens. » Nicolas B.
Chargé d’une forte connotation symbolique, le titre du documentaire renvoie incontestablement à la réflexion : le miroir serait-il associé ici à la limite vers un autre monde, celui du handicap qui reste un monde mystérieux, lointain ne concernant que certains ? Ou serait-il apparenté au miroir de Jacques Lacan qui permettrait à la société de se confronter à cette réalité et de faire connaissance avec ce monde bien que mystérieux, pas si lointain… ?
Une semaine tout juste après la rentrée scolaire où des milliers d’enfants handicapés en France restent sur le banc de touche en attente d’intégrer un cursus dit normal ou un cursus éducatif tout court, premier passeport vers l’intégration; et à moins de deux mois de la 15e édition de la semaine pour l’emploi des personnes handicapées qui, de plus en plus, mobilise bon nombre de personnes et d’institutions autour d’actions d’intégration des personnes dites handicapées, le film documentaire Miroir de mon âme invite définitivement la société à réfléchir : dans un miroir, certes, mais surtout… avec bon sens !
Deza Nguembock
« L’art s’intéresse aux variations, aux changements, aux fluctuations de nos manières de sentir et de goûter. Or, comme le montrent Deleuze et Guattari, en proposant leur conception de l’art mineur, il y a art dès que nous élargissons nos seuils de sensibilité et de tolérance, dès que nous déverrouillons les normes majeures dominantes au plan social, politique ou culturel. C’est bien ce que propose Esthétique et Handicap, en nous montrant la valeur stratégique et polémique des concept de « normal » et de « pathologique ». En art, comme dans la société, cessons de penser les êtres et les oeuvres sous les catégories du normal et de l’anormal. Ce qui n’est pas normal se définit comme déviation, en fonction de caractères qui sont pourtant aussi réels et naturels que les caractères dits « normaux », mais sont considérés de manière uniquement négative comme déficit, incapacité, handicap ou perversion. Or, la normativité vitale, dit Deleuze ne doit pas être comprise comme un étalon normal qui fait tomber en dehors d’elle ceux qui sont considérés comme anormaux, négligeables ou déviants. La vie ne procède pas ainsi parce qu’elle est anomie, variation […] L’art nous permet d’apprécier les différences et d’augmenter nos possibilités de sentir. »
Anne Sauvagnargues, Philosophe – pour Esthétique & Handicap
Production : E&H LAB
Agence conseil en communication et relation publique spécialisée sur la diversité et principalement le handicap. Créée en Juin 2011, E&H LAB conçoit et met en oeuvre des stratégies de communication mixant diverses techniques de prise de parole sur tous les territoires d’expression à travers une offre de communication externe et interne basée sur le concept artistique Esthétique & Handicap.
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