Matrice – Galerie Larcade
Le sujet opté, l’arbre et in fine les propriétés de la lumière, fédère les énergies créatrices de ces deux femmes, sans altérer ni atténuer leur indépendance d’esprit, liberté d’inspiration et choix des matériaux.
On pourrait qualifier les œuvres de Laure Molina de « photographies sculptées » car le support de l’œuvre se mue en rectangle accentuant l’impression de profondeur et suggérant une absence de cadre. L’arbre, qu’il soit chêne de la forêt ou platane des villes, semble étendre hardiment ses branches multiples en dépit de l’espace fini délimité par le support même de l’œuvre. Bien plus qu’un symbole de la Nature, l’arbre devient la référence de nos racines familiales. L’information n’est en rien anecdotique ; elle renvoie aux précédents travaux de Laure Molina (2004-2007). Pendant trois ans, elle exécuta une série de peintures et photographies dévoilant ses réflexions sur l’identité, les relations avec autrui et l’univers. Ses œuvres aujourd’hui exposées à la Galerie Larcade semblent résumer sa pensée. Un détail frappe l’œil du spectateur ; la présence au sein de ce support devenu objet quadrangulaire d’un alignement régulier de compact discs. Bien plus qu’une décoration, ce poncif est désormais une nouvelle source de lumière donnant du relief au sujet, le rehaussant d’une lumière à la fois chatoyante et douce.
La lumière : faudrait-il s’étonner qu’elle soit une quête majeure pour une praticienne expérimentée comme Laure Molina ? Notre artiste s’inscrit dans cette lignée instaurée par les peintres aux aurores de la Renaissance et dont les photographes semblent en être les lointains descendants. Nos propos seraient vains sans la présence d’une ultime œuvre troublante pour les sens. En arpentant le sous-sol, le visiteur regarde ébahi son ombre colorée projetée sur la toile d’une blancheur immaculée. Ce prodige trouve sa source dans cet assemblage de néons aux couleurs vives. Cette fantaisie de l’artiste se rapproche paradoxalement des recherches des maîtres-verriers de nos cathédrales sans oublier les travaux de Newton et les spéculations de Goethe (Traité des couleurs). L’abbé Suger (1081-1151) exprime clairement dans son traité “Ecrits sur la consécration de Saint-Denis” la conviction ferme de ses contemporains selon laquelle la lumière du jour associée aux chefs-d’œuvre de verre n’est que les signes imparfaits de la sagesse divine.
Cet attrait pour l’anagogie – moins la recherche de Dieu — est palpable chez Laure Molina. En effet, ses créations sont des appels à une authentique vie intérieure comme étrangère aux tracas du quotidien.
Chris Pillot répond autrement au thème proposé. Habile coloriste, elle a peu à peu abandonné sa passion d’antan pour peindre différemment. Ses premières œuvres (Branches 1 ; Branches 2) demeurent tributaires de sa pratique passée. Elles se distinguent par une absence d’espace, une schématisation consciente des arbres, des couleurs franches posées en à-plat et, enfin, la présence du coulis – grisâtre- évoquant davantage la glaçure du potier que la technique révolutionnaire (« dripping ») instaurée par l’Américain Jackson Pollock (1912-1956). Ses œuvres les plus récentes (Arbre ; Branches bleues) accréditent l’idée de transition ; elle persiste dans la représentation bi-dimensionnelle des objets mais ses arbres aux troncs coupés et aux branches démesurément longues rompent avec les exigences du cadre. Le recours à l’acrylique et au stylo bille amplifie l’azur qui s’avère être la « griffe » de l’artiste. Chris Pillot a incontestablement du talent, du tempérament à revendre mais elle doit trouver définitivement son style.
Matrice
Du 10 juin au 2 juillet 2011
Galerie Larcade
69, rue Quincampoix
75003 Paris
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